Les réseaux sociaux sont-ils plus forts que la police ? Sur le papier, l’expérience menée par l’influenceur Aqababe en avril 2025 est intéressante. Grâce à son réseau de « chipies » (ses fans), ce spécialiste de la téléréalité se dit persuadé de pouvoir retrouver Xavier Dupont de Ligonnès, l’homme le plus recherché de France, en seulement quelques jours. Une enquête à suivre en direct sur les réseaux sociaux, dans un canal Instagram qui réunit presque 400 000 personnes. Aqababe y raconte les coulisses de son enquête, sans vraiment vérifier ce qu’il partage.
Le 26 avril 2025, Aqababe a provoqué un buzz phénoménal en publiant une photo de ce qu’il présente comme un Xavier Dupont de Ligonnès en cavale au Japon. Les autorités ont depuis démenti son information : elles expliquent que l’individu photographié est certainement un anonyme. Qu’importe, Aqababe s’accroche à son « information » et maintient qu’il a percé le plus grand mystère de France, en jouant notamment sur les recettes de la désinformation.
Aqababe a réussi un coup de génie marketing, mais son enquête n’en est pas une
Dans une vidéo publiée sur YouTube, Numerama s’intéresse à la méthode Aqababe. En seulement quelques jours, l’influenceur a gagné plusieurs centaines de milliers d’abonnés. Un grand nombre d’entre eux rêvent de le voir réussir, ce qui l’encourage à ne jamais nuancer ses propos. Aqababe laisse croire qu’il avance très vite, que l’affaire va se résoudre et que ses abonnés s’apprêtent à assister à un moment historique.
Le problème est qu’il ne suffit pas de publier des messages mystérieux pour enquêter. Contrairement à la police ou à un journal d’investigation, Aqababe ne vérifie pas ses sources ou l’identité des personnes qui le contactent. Tout est publié sans aucun filtre dans son canal, même quand les informations sont contradictoires. L’illusion est parfaite : on jurerait qu’Aqababe avance très rapidement.
Quand on s’intéresse à la méthode d’Aqababe, on constate que son enquête partage de nombreux points communs avec les réseaux spécialistes de la désinformation :
- Aqababe joue sur l’interdit. Il prétend que des gens tentent de le faire taire, que ses messages sont supprimés et ferme lui-même son compte Twitter pendant plusieurs minutes pour donner l’impression qu’il a été censuré. Il s’adresse ici aux amateurs de complotisme, qui voient dans l’influenceur une résistance à un pouvoir autoritaire, qui leur cacherait quelque chose sur Xavier Dupont de Ligonnès. Ses messages sur un risque de disparition, en indiquant qu’il n’est pas suicidaire, attirent forcément l’attention.
- Aqababe s’appuie sur de nombreux relais, comme les « comptes d’info » de Twitter qui misent sur l’engagement pour gagner de l’argent. En relayant toutes les avancées de sa fausse enquête, Alertesinfo, Cerfia ou Mediavenir ont attiré des millions de personnes. Un cercle de désinformation qui rapporte à tout le monde, mais manipule les internautes.

- Plusieurs faits relayés par Aqababe inventent une complexité là où il n’y en a pas. Une adresse IP qui aurait appartenu à XDDL ? Ça ne veut rien dire, surtout pour une affaire qui date de 2011. Un fichier zip à décompresser aux États-Unis ? On peut le faire en France. Un portrait-robot généré par ChatGPT ? Quel intérêt pour cette enquête, on sait à quoi ressemble Xavier Dupont de Ligonnès.
- Enfin, Aqababe joue sur l’espoir. Dans un monde aussi décevant que le nôtre, on aime croire aux miracles. La vérité (à savoir XDDL a vraiment disparu et est probablement mort) n’est pas très enthousiasmante. Croire en un complot exploite une faiblesse de l’esprit, qui rappelle d’autres affaires comme Anne et Brad Pitt.
Bref, Aqababe sait sûrement ce qu’il fait quand il prétend traquer Xavier Dupont de Ligonnès.
Ce spécialiste des réseaux sociaux s’appuie sur la crédulité des internautes, en particulier des plus jeunes, pour diffuser un message populaire, mais mensonger. La recette du populisme et de la désinformation, appliquée à une fausse enquête sur l’homme le plus recherché de France, ne pouvait qu’être un immense aimant à audience. Le plus inquiétant ici est de voir des milliers de personnes tomber dans le piège, alors que l’intelligence artificielle facilite la création de fausses preuves.
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