Lors des négociations préparant le passage de l’analogique au numérique pour la télévision, les chaînes historiques (TF1, France Televisions, Canal + et M6) avaient obtenues que des canaux leurs soient réservés afin de pouvoir lancer des chaînes « bonus ». L’objectif pour elles, avec ces nouvelles chaînes, était de limiter les pertes publicitaires engendrées par l’entrée de nouveaux concurrents sur le marché.
Canal + a ensuite annoncé qu’il souhaitait bénéficier de ce nouveau canal pour lancer une chaîne gratuite nommée Canal 20. Evidemment, cela n’a pas été du goût de TF1 et M6 qui ne pensaient pas voir une nouvelle généraliste gratuite à gros budget arriver sur la TNT. Les deux groupes ont donc joué des coudes pour essayer d’empêcher cette naissance.
Quelles options pour bloquer Canal + ?
Légalement, Canal + à tout à fait le droit de lancer cette nouvelle chaîne. Le blocage ne pouvait donc pas être administratif et devait être technique. En août, La Tribune nous informait que François Baroin, Frédéric Mitterand et Eric Besson, respectivement Ministre de l’Economie, Ministre de la Culture et de la Communication et Ministre de l’Industrie et de l’Economie Numerique, ont envoyé à la Commission européenne, sans diffusion publique, un projet pour utiliser la norme EN 300 755, mieux connue sous le nom de DVB-T2, pour la diffusion des nouvelles chaînes de la TNT. L’argument avancé pour justifier le passage à cette norme est une meilleure allocation de la ressource, même si nous n’avons pas encore constaté de pénurie sur les multiplexes actuels…
Techniquement, les différences n’auront qu’une incidence très faible sur le téléspectateur final, à part, éventuellement, le plus grand nombre de chaînes. Le DVB-T2 permet de transporter 67% de données en plus à couverture et coût de réseau équivalent. En France, nous pourrions donc avoir 32 chaînes numériques HD et des « services interactifs » (page 15 du rapport) complémentaires à Internet, VOD en tête. L’adoption de cette norme pourrait ainsi être un moyen, pour les chaînes, de maîtriser le contenu diffusé sur les télévisions connectées plutôt que de laisser cette mission à Google, Apple, ou aux FAI (page 17 du rapport).Mais cela justifie-t-il d’imposer à tous les foyer de changer leur installation ?
En effet, la véritable intérêt de cette norme est probablement que, pour passer au DVB-T2, les Français devraient se ré-équiper puisque les décodeurs TNT vendus jusqu’ici sont incapables de le supporter. Or, il est fort probable qu’ils refusent de payer de nouveaux décodeurs pour bénéficier de quelques chaînes supplémentaires alors qu’ils ont du payer le prix fort depuis 2005. Sans public, pas de recette publicitaire, et sans recette publicitaire, pas de nouvelle chaîne. Le projet de Canal + mourrait dans l’oeuf puisque le groupe aurait été obligé d’utiliser cette norme.
Canal + a réagi
La filiale de Vivendi, qui menaçait de contester cette contrainte devant le Conseil d’Etat a finalement pris le gouvernement de court en rachetant 60% de Bolloré Media (pour environ 465 millions d’euros). Canal + dispose désormais de deux canaux TNT (Direct 8 et Direct Star) à la norme actuelle et peut tranquillement lancer sa nouvelle chaîne.
Pourtant, LePoint.fr nous apprend aujourd’hui que Michel Boyon préconise lui aussi le passage au DVB-T2, dans son rapport sur l’avenir de la TNT. Là aussi en utilisant l’argument du manque de place sur les multiplexes actuels, le Président du CSA irait même plus loin en recommandant de passer totalement au DVB-T2, en abandonnant la norme actuelle.
Reste à convaincre de l’intérêt de changer de format d’encodage, d’autant plus que le gouvernement a déjà participé financièrement à l’équipement de certains ménages sous l’actuelle norme TNT. A l’heure de la VOD, de la catch-up TV, des web TV et autres centaines de chaînes diffusées par ADSL ou fibre optique, est-il vraiment utile de changer de norme pour permettre la diffusion d’une dizaine de chaînes supplémentaires qui se partageront des miettes d’audience ?
+ rapide, + pratique, + exclusif
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.
Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Vous voulez tout savoir sur la mobilité de demain, des voitures électriques aux VAE ? Abonnez-vous dès maintenant à notre newsletter Watt Else !