Aussi critiquable soit-il (et il l’est notamment par les Européens qui y voient la menace de voir leur culture s’effacer un peu plus), le projet Google Print a quelque chose de grandiose dans son principe. Donner accès à chacun, en tout endroit du globe, à tous les ouvrages du monde. C’est le rêve d’une bibliothèque numérique d’Alexandrie, qui a commencé avec l’annonce par Google de la numérisation de quelques 15 millions d’ouvrages. Les travaux, étalés sur six ans, feront ainsi passer sous le rayon des scanners les bibliothèques de certaines grandes universités (Oxford, Harvard, Stanford…).
Mais le projet a heurté les sensibilités des éditeurs américains, qui crient à la contrefaçon. Pour numériser un livre (ce qui juridiquement relève de la reproduction), il faut obtenir préalablement l’autorisation des ayant droits. Or Google ne souhaite pas perdre du temps en demandant systématiquement aux éditeurs des 15 millions de livres s’ils ont bien le droit de numériser l’ouvrage. Cette position a provoqué la colère de deux grandes organisations d’éditeurs aux Etats-Unis, The Association of American University Presses, et The Association of Learned and Professional Society Publishers, à qui Google aurait caché ses intentions.
Certains de ces éditeurs ont peur des conséquences financières que pourraient avoir l’accès direct et gratuit à certaines pages de leurs ouvrages. Même si Google prévoit de donner aux éditeurs la possibilité d’indiquer une adresse où acheter l’ouvrage, de nombreux éditeurs craignent que les utilisateurs se contentent d’utiliser le moteur de recherche pour trouver les passages clés d’un livre, et en restent là.
Les éditeurs ont la même réaction face à Google que celle qu’ont eu les maisons de disques face à Napster en 1999.
Pour calmer les esprits et éviter sans doute quelques procès, Google a indiqué par la voix de son représentant Adam Smith que « désormais, les détenteurs des droits peuvent nous dire quels livres ils préféreraient ne pas nous voir numériser, si nous les trouvons dans une bibliothèque« . En clair, Google souhaite renverser la charge par rapport à l’état actuel du Droit. Ca ne serait plus à Google de requérir une autorisation, mais plutôt à l’éditeur de signaler son refus. « Pour leur permettre d’examiner ces possibilités, nous ne numériserons aucun livre sous copyright d’ici à novembre« , ajoute Adam Smith.
Les éditeurs devront ainsi faire un choix
D’un point de vue juridique, la balle est dans leur camp. Google n’a aucun droit d’imposer de telles règles, et les éditeurs pourront déposer plainte pour contrefaçon si le moteur de recherche poursuivait dans cette voie.
Mais d’un autre côté, pourquoi le faire ? La numérisation systématique des œuvres peut très bien propulser les ventes des ouvrages, si les éditeurs jouent le jeu et indiquent systématiquement les adresses où les consommateurs pourront acquérir l’œuvre papier. Google pourrait devenir un allié économique de poids.
C’est le choix idéologique contre le choix économique.
Or si les éditeurs font le choix de l’économie, c’est alors une grande claque qu’ils lancent contre les principes du droit d’auteur qu’ils ont eux-mêmes établis.
Loin d’être anecdotique, la bataille des éditeurs contre Google pourrait marquer un tournant dans l’avenir du droit d’auteur…
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