Au début du mois, Google a tenu une grande conférence nommée #MadeByGoogle dans laquelle de nombreux produits ont été présentés. Cela a sauté aux yeux de tout le monde : Google a entamé sa mue d’une entreprise qui se focalise sur les smartphones à une entreprise qui met l’intelligence artificielle au cœur de sa stratégie. Google Assistant, la première brique de cette nouvelle vision de Google pour ses produits à long terme, est déjà disponible sur la messagerie controversée Allo et est promis à un avenir certain chez Mountain View, que ce soit pour animer les smartphones Pixel ou l’assistant de maison Home.
Malheureusement, tous les produits présentés par Google lors de la conférence n’ont pas de date de sortie pour la France. Qu’il s’agisse de problématiques liées à la langue ou à la taille du marché, le résultat est le même : les utilisateurs français ne seront pas les premier à pouvoir tester la vision écosystème de Google, fondée sur Assistant, sorte de concierge numérique censé vous faciliter le quotidien. Et si dans un premier temps, Mountain View semble mettre en avant une stratégie de centralisation de ses services, il se pourrait que l’offre Google puisse être, à terme, plus complexe qu’on aurait pu l’imaginer.
Hier, à l’occasion de l’Android Innovation Day qui se tenait à Paris, nous avons pu rencontrer Richard Turner, directeur des partenariats Android pour l’Europe, le Moyen-Orient, l’Afrique et l’Amérique Latine. Le poste occupé par Turner est une sorte de pivot entre la stratégie Google en interne et la vision Google pour l’extérieur. C’est son équipe qui, par exemple, peut discuter de l’intégration d’Android TV sur la box d’un opérateur, du noyau Android dans un terminal ou, plus généralement, du système d’exploitation mobile avec les constructeurs partenaires.
Google aime travailler avec des partenaires locaux
À la question de savoir si Google Home pourrait un jour débarquer en France d’une manière ou d’une autre, Turner n’a pas pu nous répondre. En revanche, quand nous lui avons demandé si on pouvait imaginer un avenir pour Assistant sur les box des opérateurs, Turner ne dit clairement pas non. Et quand on poursuit la discussion avec lui autour de cela et de la volonté manifeste de Google de travailler avec des partenaires locaux, qu’il s’agisse de Free, Orange, Bouygues ou SFR, on voit à quel point cela pourrait avoir du sens.
Pour le comprendre, il faut d’abord rappeler la différence fondamentale du marché américain et du marché français quand il s’agit de services internet ou multimédia. Aux États-Unis, pour le dire vite, tous les services sont cloisonnés : on paie un abonnement Internet avec un modem, un abonnement pour un bouquet de chaînes, un abonnement mobile… en bref, le concept de box est peu, voire pas répandu. Turner nous a confirmé qu’il y avait dans la box une sorte d’exception française.
C’est pour cela, notamment, qu’il existe aux USA une véritable guerre du salon : un constructeur a tout intérêt à créer un produit qui se positionne comme le maître incontesté pour centraliser toutes les activités liées au divertissement. D’où, par exemple, l’insistance de Microsoft sur le multimédia d’une Xbox, qui est un objet tout trouvé pour s’imposer dans le salon là où plusieurs de ses fonctions seraient redondantes avec celles d’une box opérateur en France.
Cette centralisation du divertissement numérique dans la box est un phénomène français qui a ses avantages et ses inconvénients. La plupart des gens ne cherchent pas à aller plus loin que ce que propose leur box opérateur et se satisfont des options qu’elles proposent. Les utilisateurs avancés préféreraient sûrement un modem simple et le choix de greffer des composants soigneusement choisis : routeur, box TV, relai Wi-Fi etc. Entre les deux, il y a une frange de la population qui utilise la moitié des fonctions d’une box et ajoute des gadgets à son installation multimédia, qu’il s’agisse d’une Apple TV, d’une Android TV ou d’un Switch.
Google Assistant : futur argument des opérateurs ?
Quoi qu’il en soit, compte tenu de tout cela, la stratégie pour la France pour proposer et démocratiser un assistant physique n’est peut-être pas bonne si on la calque sur celle mise en place aux États-Unis par Google avec Home, mais également par Amazon avec Echo. Dans un pays qui a l’habitude de multiplier les objets pour multiplier les services, cela a du sens. Dans un pays qui a habitué les consommateurs à une centralisation des fonctions, des offres et des tarifs, cela en a moins.
Du coup, la solution qui passerait par l’inclusion de l’Assistant, qui est avant tout un logiciel, à l’intérieur des box des FAI n’est pas du tout inimaginable. Les télécommandes modernes embarquent des micros et Orange, par exemple, propose déjà un add-on Airbox avec ses nouvelles box. On imagine bien un FAI livrer en option un petit objet à placer au milieu du salon qui servirait juste d’interface entre les utilisateurs et l’Assistant, lancé sur la box, et connecté à d’autres périphériques, comme un téléviseur. Turner nous a confirmé plusieurs fois qu’Assistant n’était pas une expérience exclusive au Pixel et que Google ne l’avait pas conçu comme cela : d’une manière ou d’une autre, il trouvera sa place ailleurs (comme au cœur de la messagerie Allo, disponible sur Android et iOS).
Notez qu’aujourd’hui, seuls Free avec la Freebox Mini 4K et Bouygues avec la Bbox Miami proposent une box sous Android. Qui sait, à l’avenir, Assistant pourrait devenir un argument pour se démarquer de la concurrence.
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