Le Gouvernement a déclaré l’urgence sur le projet de loi sur le Droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information (DADVSI), hérité de la fameuse directive EUCD. Il s’agit d’une manière de faire passer en force un texte extrêmement controversé, qui doit être examiné ce trimestre.

Le 22 décembre prochain, cela fera tout juste trois ans que le législateur aurait dû transposer en France la directive européenne sur le droit d’auteur (EUCD). Promulguée le 22 mai 2001, la directive laissait un peu plus d’un an aux Etats membres pour adapter dans leur droit national les termes d’un texte qui, entre autres dispositions, fait interdiction à quiconque de contourner les mesures de protection techniques apposées aux DRM. Pire, le texte prohibe jusqu’à la possession d’outils permettant de contourner ces DRM, ce qui renforce les droits des producteurs et des distributeurs au point de supprimer jusqu’au droit de transformer un WMA acheté sur VirginMega en MP3 pour pouvoir le lire sur un iPod d’Apple…

Le Parlement avait fait preuve d’un optimisme crédule en laissant si peu de temps de transposition aux législateurs nationaux. A la date fatidique du 22 décembre 2002, seules la Grèce et le Danemark avaient transposé le texte. Depuis, l’Allemagne (septembre 2003), le Luxembourg (avril 2004), les Pays-Bas (septembre 2004), et le Royaume-Uni (octobre 2003) ont suivi l’ordre européen.

Trois mois pour revenir sur dix ans

En France, le législateur traine du pied. La première version du projet de loi a été déposée le 12 novembre 2003, et elle n’a toujours pas passé le stade de la première lecture à l’Assemblée. Trop lent pour le gouvernement, qui s’est déjà vu condamné deux fois par la Commission. Surtout, le ministère de la Culture a pris peur face au succès médiatique de la proposition de licence globale déposée par un député UMP, M. Suguenot. D’où l’activation de l’article 45 alinéa 2 de la Constitution, qui prévoit que « si le Gouvernement a déclaré l’urgence, après une seule lecture par chacune [des deux assemblées], le Premier Ministre a la faculté de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion« .

Plus clairement, l’Assemblée Nationale et le Sénat n’ont plus d’autres choix que de se mettre d’accord sur un texte hérité non pas d’une directive vieille de plus de quatre ans, mais de deux accords signés entre diplomates internationaux il y a bientôt dix ans. Car si l’EUCD a été adoptée en 2001, c’est que l’Union Européenne s’était engagée le 20 décembre 1996 à ratifier deux accords (WCT et WPPT) au niveau de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, rattachée aux Nations Unis. Ces textes vieux de dix ans faisaient obligation, avant même l’arrivée de Napster et des premiers lecteurs MP3, de garantir aux auteurs et producteurs « une protection juridique appropriée et des sanctions juridiques efficaces contre la neutralisation des mesures techniques« .

Au Royaume du Droit d’auteur la démocratie n’est pas Reine…

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