Le Sénat américain a publié dans son intégralité le témoignage qu’y a livré la semaine dernière Sam Yagan, le président d’eDonkey. Il y décrit à la perfection l’erreur que fait l’industrie du disque en s’attaquant aux éditeurs de logiciels de P2P.
« Les analystes estiment que le marché potentiel de la distribution de musique et de films sur Internet atteindra des milliards de dollars. Comparez cela au chiffre d’affaires généré par toute l’industrie du P2P et il devient immédiatement clair que n’importe qui dans l’industrie du P2P préfèrerait largement vendre de la musique numérique plutôt que de vendre des bannières de publicité« .
Selon Yagan, MetaMachine (l’éditeur d’eDonkey) aurait tout tenté pour vendre la musique des majors sur son service. « J’ai eu de longues conversations avec deux maisons de disques majeures et je suis arrivé près d’un accord avec l’une d’entre elles« , raconte le président de MetaMachine. Mais « nos négociations se sont arrêtées lorsqu’ils exigé de moi de faire des choses avec l’application eDonkey que je ne pouvais tout simplement pas faire technologiquement, moralement, ou sans risquer encore davantage au niveau juridique« . Sam Yagan n’en dira pas plus sur ce que la maison de disques a exigé, mais l’on peut imaginer qu’une collaboration sur la lutte contre les utilisateurs pirates était à l’ordre des exigences.
Yagan racontera en outre qu’un accord verbal avait été donné par certaines majors pour tester une technologie de sécurisation des transferts et des contenus que MetaMachine avait mis au point pour eDonkey. Mais, ajoute-t-il, « les sociétés ont ensuite annulé ces accords en expliquant en privé que procéder à une solution commerciale en collaboration avec eDonkey, ou même apparaître comme en train de le faire, pourrait compromettre le dossier des plaignants dans l’affaire MGM c. Grokster« . Cette affaire est celle qui viendra ensuite condamner Grokster et l’ensemble des éditeurs de logiciels de P2P commerciaux, dont MetaMachine.
Edonkey sera un réseau P2P fermé à la Mashboxx : libre cours pour eMule
Devant le Sénat, Sam Yagan a expliqué qu’il lui coûterait trop cher de se battre devant les tribunaux pour défendre son commerce, même s’il pense qu’eDonkey aurait eu gain de cause. A la place, « nous nous sommes préparés à convertir la base d’utilisateurs d’eDonkey vers une boutique de contenus en ligne opérée dans un environnement P2P ‘fermé’« , révèle Yagan. Edonkey pourrait donc s’apparenter à Mashboxx, le réseau P2P légal imaginé par l’ancien président de Grokster, créé avec l’aide de la technologie Snocap développée par l’ancien créateur de Napster…
Une affaire de repentis du P2P, en quelques sortes.
Pour finir, Yagan a expliqué à l’assemblée que s’en prendre aux logiciels de P2P commerciaux allait renforcer les éditeurs de P2P open-source, prenant l’exemple qu’il connaît le mieux : eMule. De toute évidence, Sam Yagan ne porte pas le logiciel dans son coeur. eMule est employé par 95% des utilisateurs du réseau eDonkey, et MetaMachine aurait bien voulu pouvoir l’attaquer en justice. « La vaste majorité des avocats en propriété intellectuelle à qui nous avons demandé conseil nous ont informé qu’en théorie nous avons un dossier solide pour violation de marque de commerce contre les distributeurs d’eMule« , explique Yagan.
La mule viole l’âne ?
« Non seulement les distributeurs d’eMule ont adopté un nom similaire qui sème la confusion, mais ils ont aussi conçu leur application pour communiquer avec nos clients eDonkey en utilisant notre protocole« , explique Sam Yagan, qui poursuit : « en d’autres mots, les clients eMule se camouflent en clients eDonkey de façon à télécharger des fichiers sur les utilisateurs eDonkey. En conséquence, les ordinateurs sous eMule usurpent en fait la bande passante qui devrait être allouée aux transferts de fichiers pour eDonkey« .
Comme si les 95% d’utilisateurs d’eMule n’envoyaient pas de données pour permettre aux 5% d’utilisateurs d’eDonkey de profiter de leurs fichiers… Les amateurs d’eMule espérerons sans doute que cette mauvaise foi (ou plutôt mensonge honteux) n’était là que pour servir le propos de Yagan face au Sénat…
« Avons-nous eu le moindre succès en tentant de les arrêter ? Y a-t-il la moindre société contre qui porter plainte ? Y-a-t-il même un seul représentant d’eMule avec lequel négocier ? Non. Je n’ai aucun doute que la RIAA aura plus de chances que nous pour les trouver, mais ce ne sera sans doute pas aussi facile que de me trouver moi« .
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