Imaginez. Vous vous baladez tranquillement quand, soudain, un droïde R2 vous salue. Biiip biiip peeep. Vous lui répondez. Il bip à nouveau. Excité, il tourne et s’illumine. Pouvoir discuter avec R2-D2 ne tient plus du fantasme pour les membres du « R2-D2 Builders Club », association officielle francophone de constructeurs de droïdes Star Wars.

Vous les avez peut-être croisés en France ou à l’étranger pour des conventions, telles que le Paris Manga Sci Fi Show, lors d’une projection d’un épisode de Star Wars au cinéma, ou dans des rassemblements de makers, comme le Maker Faire de Lille. Le « R2-D2 Builders Club » est la branche francophone d’un réseau d’associations internationales, reliées à la branche principale située aux États-Unis, Astromech. Créé en 1999 par Dave Everett, le club des constructeurs de droïdes s’est avant tout développé grâce à Internet, avec plus de 5 000 membres à travers le monde. En France, ils sont rassemblés en association loi 1901 depuis presque quatre ans.

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Chacun son droïde

Dans l’univers de Star Wars, les droïdes sont des robots autonomes aux formes et designs variés. R2-D2 est bien sûr le plus connu – et sûrement le plus apprécié –, tout comme BB-8 qui a également eu son petit succès après l’épisode VII. Versions télécommandées, en maquettes miniatures, sous forme de réveil ou même en télé-projecteur : on ne compte plus les produits dérivés de ces personnages animés par la seule force des sons qu’ils émettent.

Chez les constructeurs, si chaque robot est unique, ils respectent tous une règle : d’être à l’échelle 1. Pour le reste, à chacun son rythme, son budget, ses choix de matériaux et de design. Raphael est président du club français : « Nous ne sommes pas tous des ingénieurs. Certains utilisent des fonctions très simples, comme on/off, mettent  un module pour accélérer,  pouvoir tourner… Ce sont des choix qui appartiennent à la personne qui construit son robot qui définit ce qu’elle veut ou ne veut pas en faire. »

Informaticien, photographe, garde-forestier, sculpteur, technicien de maintenance… les profils des constructeurs sont aussi divers que les droïdes qu’ils créent. S’ils sont tous passionés de robots, ils ne le sont pas tous forcément de Star Wars. « Certains sont fans de la partie électronique, de la robotique, mais pas forcément du film. C’est surtout le plaisir de construire un robot ! », précise Sylvain, membre de l’association. Avec à peu près trois à quatre nouveaux constructeurs par mois, autant se retirent de l’association après avoir fini leur robot – ou après avoir abandonné. « C’est un roulement, constate Raphael. Certains le gardent ensuite chez eux où il ne bouge plus, d’autres le font rouler régulièrement dans des conventions ou des salons. » Mais contrairement au personnage de Star Wars, ils ne bougent pas sans leur maître : « On s’abstient de parler d’autonomie et on s’interdit de laisser le robot autonome. Ce serait trop dangereux. Le mien pèse quand même 65 kg ! »

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Du bois à l’imprimante 3D

Raphael fait partie de la « vieille école » : « Avant, on avait juste des plans des Américains et on se débrouillait avec des normes qui n’étaient pas européennes. On avait du mal à trouver des pièces. Depuis une dizaine d’années, elles sont plus facilement disponibles. » Il construit son premier R2 en bois mais n’anticipe pas les contraintes mécaniques des articulations : « Il a embrassé le sol et j’ai vu des années de travail bêtement s’effondrer… Ça fait partie du challenge ! »

Plus anachronique, un membre a choisi de faire son robot en ferronerie d’art. Mais que ce soit en bois, en résine, en aluminium, peu importe le matériau privilégié, il faut bien compter un ou deux ans minimum pour obtenir un robot complet. Cela dépend aussi des machines que vous avez à disposition. Le club français compte aujourd’hui une vingtaine de « roulants » (certains sont statiques).

Comptez un ou deux ans minimum pour obtenir un robot complet

Ce qui révolutionne la construction c’est surtout l’arrivée de l’imprimante 3D. « On a quelqu’un qui en a une, il fait tous les tests pour nous et ensuite quand il les a faits, on pourra acheter nos pièces. C’est vraiment une évolution du matériel. L’imprimante 3D amène une nouvelle conception des robots. Avant on faisait un squelette, un cercle et des pattes. Là c’est complètement différent. » Ce « quelqu’un » dont Raphael parle, c’est Sylvain qui s’est lancé comme défi de construire un R6. Sa plus petite imprimante est calée dans un coin de son salon, la « grosse », elle, est pour l’instant sur la table de la salle à manger, pas encore finie.

« J’ai voulu commencer par le corps, au niveau de l’impression 3D ça permet de faire des pièces aux dimensions que l’imprimante que j’ai achetée est capable d’imprimer (de 20cm de côté) donc je ne pouvais pas imprimer des pièces d’un bloc. Pour pallier ce problème, je suis en train de monter une grosse imprimante à partir de plans existants sur internet qui permettra d’imprimer des pièces de 55cm de côté. Je l’ai modifiée pour l’élargir encore plus pour en faire ce dont j’ai besoin. »

L’impression 3D représente un gain de temps considérable et permet à Sylvain de lancer le travail et s’absenter : « Je gagne énormément en poids et après c’est commandé avec une petite manette de X-box. J’ai mon collègue qui le fait avec une manette de PS2. » Les constructeurs de droïdes sont des bricoleurs et bidouilleurs qui n’hésitent pas à utiliser des objets du quotidien comme une manette de console pour le diriger, un luminaire IKEA pour faire le dôme du R2 ou un monnayeur de jeu d’arcade (comme sur l’original).

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Le cœur du robot

Sylvain, comme tous les membres du club, s’est formé en autodidacte : « J’ai passé pas mal d’heures à travailler sur le logiciel Solidworks avant de pouvoir commencer à imprimer. J’ai regardé des tutoriels sur YouTube et je me suis fait la main, vu que j’avais 3 semaines de délais de livraison. J’ai commencé le projet au 1er mars 2016, reçu l’imprimante début avril. Ça fait 7 mois que j’imprime donc mon robot est déjà très bien avancé. »

Le BB-8 se fait aussi pas mal en impression 3D. Mais si le corps est « facile », selon Sylvain, « la motorisation pour aller dans un sens, dans l’autre et que la tête reste à sa place, est plus compliquée, avec des système de gyroscope pour que la tête reste à peu près droite ». À chaque modèle, ses difficultés.

Tous se sont construits un atelier à domicile, ou l’équivalent. Une fois tous les six mois environ ils se regroupent entre dix ou quinze constructeurs, ramènent leurs droïdes, finis ou non et parlent technique. Ceux qui ont des outils ou des machines spécifiques fabriquent des pièces pour les autres.

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Open source et partage

La diffusion des plans originaux de R2 n’aurait pas été aussi fulgurante sans Internet. Le club échange d’ailleurs principalement via les forums. L’ensemble est partagé gratuitement en open source.

Jean-Michel est fan de Star Wars depuis la sortie du premier épisode en 1977. Dans son garage, il s’était construit une réplique du plus célèbre droïde de l’univers mais ne savait pas comment le faire bouger. Bien des années plus tard, il découvre le club de constructeurs et les rejoint. Son robot est entièrement en aluminium. Sans production industrielle des pièces, il a fait appel à une entreprise de sa région pour réaliser les pièces critiques nécessitant un outillage spécifique, comme le dôme. « J’ai aussi profité du Fablab de Beauvais, malheureusement, il a fermé… »

Perceuse, meuleuse, matériaux : ces outils qui n’ont rien de la science fiction représentent un coût incompréssible mais qui peut être facilement mutualisé. Car l’un des principes fondamentaux de l’association est bien le partage et l’entraide. Ainsi, ils sont quelques-uns à produire certains éléments en plusieurs exemplaires afin de les revendre aux autres membres. Jean-Michel a même créé son statut d’auto-entrepreneur en complément de son « vrai » travail : « Ce sont des pièces à taille originale, dimension Star Wars. »

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Quand ils ne récupèrent pas les pièces ou qu’ils ne les créent pas eux-mêmes, les constructeurs peuvent compter sur l’open source. Au cœur du robot, on trouve une carte Arduino qui lui « donne vie ». C’est ce qui permet à la manette de communiquer avec la structure. Un peu comme un jeu vidéo : telle touche provoquera telle action.

Rencontré lors du Paris Manga Sci Fi Show début novembre 2016, Luis participait à son premier salon. Parti d’une structure en bois, « plus facile que de passer par des sociétés pour de la découpe laser ou autre », il a choisi de faire son R2 en noir et violet. Non conventionnel ? « Il en existe des noirs, ceux de l’Empire. Les R2 Q5 sont noir et orange. Mais je voulais changer de couleur. J’ai choisi le violet, la couleur préférée de ma fille. »

Le cœur du robot est un Arduino

Avec la carte Arduino, il contrôle l’ensemble des luminaires au niveau du dôme pilote des servomoteurs qui ouvrent les différentes trappes. « On peut aussi contrôler tout ce qui est son, avec une carte MP3 trieur ; une petite micro SD contient les fichiers. Tout est contrôlé via un Réseau Wi-Fi interne et l’application R2 Touch sur smartphone. Il y a même moyen, avec un peu plus de connaissances de pouvoir réaliser soi-même une application personnalisée. »

Des hauts-parleurs situés à gauche et à droite, sortent les bip de R2, les messages de Leia ou encore l’air de la Cantina. Fan de Star Wars et collectionneur, Luis construit son R2 depuis le 30 octobre 2013. « À un moment on s’intéresse aux répliques à échelle 1. On se renseigne, on voit que des particuliers le font et on se dit : pourquoi pas moi ? »

https://www.youtube.com/watch?v=Nn0OHpTuroY

Droit à l’image

Souvent sollicité pour apparaître dans des pubs ou des films, le R2-D2 Builders Club refuse systématiquement du fait de leur contrat avec Disney, oral et écrit – qu’ils avaient passé auparavant avec LucasFilm. Il leur est en effet interdit de s’engager financièrement dans certains événements sans leur autorisation. « Si demain quelqu’un dit qu’il veut un robot pour son mariage, précise Raphael, notre club sait qu’il n’a pas le droit parce que le robot fait partie d’un univers spécifique, possédé par Walt Disney. Et on ne peut pas aller contre cet engagement. » Si les robots leur appartiennent, Disney détient les droits à l’image.

Il leur est aussi interdit de faire du « business », comme de vendre leurs robots. « Par contre on peut aller dans les événements caritatifs, comme dans les hopitaux pour les enfants ou pour récolter de l’argent pour d’autres associations. On ne dégage aucun bénéfice. On est « corporate », on fait ce qu’on nous demande et ça ne nous dérange pas. »

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Tout se passe au niveau du concil, rassemblant quinze gros membres mondiaux qui se regroupent régulièrement sur Internet et discutent de l’avenir de l’association. Ce sont eux qui prennent des décisions ou s’imposent comme les intermédiaires qui traitent avec Disney. Sur le terrain, cela signifie suivre des règles de bonne conduite comme ne pas boire de l’alcool ou ne pas foncer sur le public avec son droïde…  « Quand il y a du monde, on fait attention quand on fait rouler les robots. Il y a toujours trois personnes présentes : un à la mannette, un qui fait attention au public et un qui surveille le stand. »

À l’inverse, lorsque Disney a besoin de droïdes, c’est vers l’association de constructeurs que la multinationale se tourne. Jean-Michel a participé au casting de R2 pour la promotion de Star Wars Episode VII. Il a dû finir son R2 en quinze jours, a soudé toutes les nuits pour y participer. Malgré quelques éléments qui tiennent avec du scotch, il a été sélectionné avec trois autres membres pour l’inauguration des Galeries Lafayettes le 4 novembre 2015.

Comme dans toutes les associations de fans de Star Wars, les membres participent à la représentation et à la promotion de la marque. Un univers parallèle qui, depuis les années 1970, se développe grâce à ces amateurs bidouilleurs, dignes ambassadeurs rivalisant de créativité et d’inventivité.

Photos : R2-D2 Builder’s Club, réutilisation autorisée pour Numerama

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