Pouvait-on prévoir en 2007 le changement colossal qu’allait vivre le marché de la téléphonie mobile ? Non, bien entendu. Malgré tout, certaines réactions, notamment dans les commentaires des sites d’actualité, ont été particulièrement avisées.

Le 9 janvier 2017 était une date anniversaire à retenir : cela faisait 10 ans, jour pour jour, que Steve Jobs avait présenté l’iPhone, le premier smartphone d’Apple. Ce produit, qui a marqué la téléphonie mobile et l’informatique de l’époque, a eu les conséquences qu’on connaît sur notre quotidien. Toutes proportions gardées, dans la mesure où l’évolution technologique n’est jamais le fait d’une seule marque, l’iPhone a changé notre rapport à l’informatique mobile. Mais en 2007, est-ce que les observateurs de l’époque avaient prévu cela ?

Bloomberg Business

steve-jobs-turned-out-to-be-completely-wrong-about-the-key-reason-people-like-the-iphone

Le magazine économique Bloomberg s’était illustré avec une sentence particulièrement amusante : « Ce n’est rien de plus qu’une babiole de luxe qui va parler à quelques geeks. En termes d’impact sur l’industrie, l’iPhone est un non événement ». Matthew Lynn poursuit en donnant un conseil à ses lecteurs : « Voilà pourquoi vous ne devriez pas vendre vos actions chez Nokia tout de suite ». La réaction fait sourire, en 2017, mais à l’époque, c’est effectivement un téléphone Nokia qui bat tous les records de vente de l’année. L’iPhone 2G s’écoule à 7 millions d’unités, quand le dumbphone de Nokia explose à 15 millions. Un an plus tard, en revanche, Apple domine le marché de la téléphonie avec 25 millions d’iPhone 3G vendus.

Ce n’est rien de plus qu’une babiole de luxe

Verdict : Bloomberg est complètement passé à côté de l’impact du smartphone sur le marché. Cela dit, la recommandation qui stipulait de ne pas vendre des actions Nokia était on ne peut plus justifiée : même si Apple prend la première place des ventes avec un modèle l’année d’après, Nokia continue à vendre plusieurs dizaines de millions de téléphones, trustant les places 2 à 6 du podium.

New York Times

capture-decran-2017-01-10-a-11-08-59

Le grand New York Times n’a pas manqué de s’exprimer à la sortie de l’iPhone. Dans son édition qui suit la présentation de l’iPhone, le magazine écrit : « Le téléphone est un pari pour Apple, sur un nouveau business. Et même malgré le succès des iPod et des nouveaux ordinateurs, la marque n’est pas immunisée contre les ratés. On pense au Macintosh Cube de 2000. ». Le journaliste qui décrit ce « téléphone cellulaire » comme « innovant » ne manque pas de rappeler les questions de l’assemblée qui ont été posées à Jobs, notamment sur l’ouverture du système d’exploitation aux développeurs tiers. Ce à quoi Jobs a répondu : « Je ne veux pas que vous pensiez à l’iPhone comme à un ordinateur. Imaginez plutôt que c’est une réinvention du téléphone ».

La marque n’est pas immunisée contre les ratés

Verdict : le New York Times n’a pas pris de position franche dans son article, mais on sent sous la plume de John Markoff que le média « attend de voir ». Le plus intéressant, c’est finalement que cet article parvient à rappeler des points essentiels qui étaient au cœur des débats en pleine guerre des PC contre les Mac : virus, ouverture des plateformes, compatibilité avec du matériel tiers…

Engadget (et ses lecteurs)

 

« Oui, nous l’avons dit : iPhone. » L’amour des fans pour les noms des produits nous échappera toujours, mais en tout cas, Engadget semble avoir proposé un résumé factuel de la conférence plutôt qu’une prise de position claire. Ce sont plutôt les lecteurs du site qui, dans un flux de commentaires qui a été immortalisé par Internet Archive, réjouissent le lecteur de 2017. « L’écran tactile est un cauchemar et aucun écran ne dépassera le confort d’un clavier, lance un commentateur, avant de laisser sa chance à Apple : mais Apple sait faire du bon hardware et de belles intégrations logicielles ».

Un autre est plus catégorique : « Des boutons tactiles ? Mauvaise idée. Cela ne marchera jamais ». La réaction de Mark nous fait doucement sourire à l’ère où un smartphone de 6 pouces est considéré comme normal : « Ce téléphone a l’air immense ! Je vais devoir m’acheter de nouvelles poches ! ». Le commentaire de TheHardDriveIsTooSmall ne savait pas qu’il serait le début d’une longue histoire qui allait se répéter génération après génération : « Seulement 8 Go de stockage ???? ».

Des boutons tactiles ? Mauvaise idée. Cela ne marchera jamais 

Verdict : le magazine en ligne n’en fait pas trop sur l’iPhone et se contente de l’annoncer comme un produit comme un autre. C’est assez amusant de comparer cette présentation sommaires aux dizaines d’articles qui sortent aujourd’hui avant et après chaque présentation d’iPhone pour discuter des moindres composants. Les lecteurs du site, technophiles, sont partagés entre scepticisme et envie de laisser une chance à Cupertino.

TechCrunch

« Ce clavier virtuel sera aussi pratique pour taper des mails qu’un téléphone à cadran. Ne soyez pas surpris quand vous entendrez les regrets des clients d’iPhone qui ont jeté leur BlackBerry et qui se retrouvent à prendre des heures pour taper leurs mails. » Oups. Quand on connaît le destin de BlackBerry, on ne peut que sourire quand on lit cette déclaration de l’un des sites qui a fait l’actualité tech au 21e siècle. Le titre de l’article est aussi particulièrement rigolo : « Nous prévoyons que l’iPhone fera un bide ».

Nous prévoyons que l’iPhone fera un bide

Verdict : si Seth Porges se plante largement sur ses prédictions, il ne manque pas de noter quelque-chose qui deviendra l’un des symboles des années 2010 : les iPhone auront un écran fragile qui se cassera trop facilement. Valable pour tous les smartphones… mais impossible pour le journaliste de savoir que cet écran unique serait la norme.

The Register

Le journaliste Bill Ray ne s’inquiète pas tant de l’échec de l’iPhone, dont il est intimement convaincu, mais de ce que cet échec risque d’entraîner. « Après une année, une nouvelle version sera lancée mais elle n’aura pas le côté innovant de la première et elle disparaîtra très vite. La seule question qui reste à déterminer, c’est de savoir si, au moment de son échec, l’iPod Phone embarquera l’iPod dans sa chute ». Quand même. Pour une prédiction ratée, c’est une bonne prédiction ratée : non seulement l’iPhone est devenu un succès planétaire, mais en plus, les ventes d’iPod n’ont commencé à décliner très doucement qu’en 2009, soit 2 ans après. Et quand on dit « décliner », on parle quand même de 50 millions d’iPod vendus.

Est-ce que l’iPod Phone embarquera l’iPhone dans sa chute ?

Verdict : The Register pense que l’iPhone sera un échec à cause de sa compatibilité avec un seul réseau mobile par région. En France, c’était une exclusivité Orange. Il est vrai que c’était un souci qui a été corrigé l’année d’après avec l’iPhone 3G. De là à penser que c’était un point qui allait condamner l’iPhone à tout jamais… dommage.

Steve Ballmer


steve

On connaît tous la réaction du CEO de Microsoft après l’annonce de l’iPhone, mais cela fait toujours plaisir de la rappeler : « Il n’y a aucune chance que l’iPhone ait un jour une part de marché significative. Aucune chance. C’est un produit à 500 dollars avec un abonnement. Ils pourraient gagner beaucoup d’argent. Mais si vous regardez la masse des téléphones vendus, 1,3 milliards par an, je préfère avoir notre logiciel dans 60, 70 ou 80 % d’entre eux plutôt que dans 2 ou 3 %. Et c’est ce qu’Apple aura. »

Il n’y a aucune chance que l’iPhone ait un jour une part de marché significative

Verdict : Steve Ballmer est so Microsoft quand il affirme cela. Le CEO de Redmond vit dans un monde où le PC est majoritaire grâce aux accords de licence négociés par Microsoft avec tous les constructeurs. Il est donc convaincu que le marché de la téléphonie se structurera de la même manière, autour de Windows.

Ce qui est amusant, c’est que ce n’est pas tant le succès d’Apple que Ballmer n’a pas prévu, mais le succès de Google. C’est Google, avec Android, qui va faire du Microsoft sur le marché du smartphone et couper l’herbe sous les pieds de Redmond. La suite de l’histoire, on la connait : Windows Phone n’a jamais eu d’existence réelle sur le marché.

Numerama

 

Et Numerama alors ? Guillaume Champeau prend la plume pour présenter ce qu’il estime être « la convergence entre baladeurs MP3 et téléphones mobiles ». L’article est très descriptif et ne s’avance pas trop sur des projections dans l’avenir (c’était peut-être la meilleure chose à faire, notez). Ce qui est notable, c’est que la news a été publiée trois jours après l’annonce du smartphone. On mesure alors, il y a 10 ans, à quel point on considérait cela comme une sortie comme une autre.

La convergence entre baladeurs MP3 et téléphones mobiles

Les commentaires, en revanche, sont plus intéressants. Le premier, notamment, laissé par un certain Niluge_Kiwi, est particulièrement bien pensé : « À ce prix, c’est un véritable mini pc plus qu’un téléphone ! Le jour où ça sortira avec une distribution Linux, ça m’intéressera fortement ce genre de bestioles ». Excellente remarque, dans la mesure où aujourd’hui, le phone n’a plus aucun intérêt par rapport au smart. Entres autres « dix ans d’avance », « c’est de la science-fiction » et « je le veux », on note quelques commentaires aigres, estimant qu’il vaut mieux acheter un « baladeur vidéo Archos » ou que « les derniers Qtek font déjà tout ça ».

Qui se souvient de Qtek ?

Découvrez les bonus

+ rapide, + pratique, + exclusif

Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.

Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.

S'abonner à Numerama+

Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci

Il y a une bonne raison de ne pas s'abonner à

Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.

Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :

  • 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
  • 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
  • 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.

Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.

S'abonner à Numerama+

Si vous avez aimé cet article, vous aimerez les suivants : ne les manquez pas en vous abonnant à Numerama sur Google News.