Créé en juillet 2000, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique est « chargé de conseiller le ministre de la culture et de la communication en matière de propriété littéraire et artistique ». Il accueille 2 représentants des consommateurs, qui font face à 30 représentants de professionnels, dont 16 défendent les intérêts des auteurs et des producteurs. Dans ce climat à l’équilibre douteux, difficile de faire entendre les arguments plaidant en faveur du P2P et de la libre diffusion culturelle sur Internet.
Commandé en octobre 2004 pour faire face à la montée des idées favorables à l’instauration d’une licence légale, le rapport (.pdf) de la commission du CSPLA en charge du dossier P2P est accablant.
Illégalité de l’upload et du download
Pour la commission du CSPLA, l’upload « constitue indiscutablement un acte illicite« , ce qui n’est pas une surprise au regard du Droit actuel. Mais surtout « une très grande majorité des membres rejette l’analyse en copie privée » du téléchargement. La commission refuse explicitement de prendre en compte les jurisprudences récentes, notamment celles de Montpellier et du Havre, qui ont pourtant reconnu la licéité du téléchargement au regard de l’existence d’un droit à la copie privée dans notre législation. D’ailleurs « les membres de la commission rappellent que la copie privée est une exception à des droits exclusifs mais non un droit en tant que tel pour le consommateur« . La légalité de la captation de chansons par StationRipper, elle aussi régulièrement affirmée, est donc totalement écartée. « StationRipper est en effet un logiciel incontestablement conçu pour permettre la copie d’œuvres dans des conditions qui excluent la copie privée« , juge le CSPLA en se fondant sur des arguments essentiellement économiques. « Il faut rejeter l’idée selon laquelle StationRipper serait assimilable à la copie privée sur magnétophone« .
Le CSPLA va même plus loin en allant jusqu’à demander au gouvernement d’imposer aux stations de radios qui émettent sur Internet de crypter leurs émissions avec un DRM pour empêcher leur captation.
Responsabilité pénale et civile des éditeurs de logiciels de P2P
Aux Etats-Unis, plusieurs éditeurs de logiciels de Peer-to-Peer sont morts après un ordre d’exécution prononcé par la Justice. En France, aucune plainte n’a jamais été déposée, puisqu’aucun logiciel de P2P majeur n’a encore émergé du territoire français. Pourtant le CSPLA affirme que « le droit français offre un ‘arsenal’ juridique particulièrement riche permettant d’envisager la mise en cause directe de leur responsabilité tant pénale que civile« . Complicité de contrefaçon, recel-profit, manquement à l’obligation générale de prudence et de diligence, responsabilité du fait des choses… les arguments ne manquent pas pour condamner les éditeurs qui ont (auraient) pignon sur rue. Peu importe qu’il y ait des utilisations légales (croissantes) du P2P, puisque « l’éditeur ne peut ignorer que son logiciel de P2P est utilisé de manière prépondérante pour commettre des actes de contrefaçon« . Cela suffit, selon le Conseil, à faire condamner celui qui oserait proposer un outil de partage de fichiers sans y mettre de filtres anti-piratage.
Si la commission reconnaît au détour d’une phrase que « de nombreux logiciels de P2P [qui] ont été développés en open source, n’appartiennent pas à une société de droit privée mais à une communauté de développeurs« , ses membres semblent totalement ignorer dans le reste du rapport les conséquences pratiques que cela engendre. Même à considérer que le P2P serait illégal et que les technologies de filtrage comme Snocap (largement détaillé et visiblement très apprécié par les membres) seraient 100% efficaces, auprès de qui pourra-t-on imposer ces dernières ? Snocap ne pourra jamais signer d’accord avec eMule, avec les nombreux clients BitTorrent open-source ou avec Shareaza. Et pourtant ce sont eux qui aujourd’hui représentent l’essentiel du P2P.
On peut alors gloser comme la commission l’a fait sur les modèles économiques qui accompagneront le développement d’une offre légale, mais c’est accorder bien trop de confiance aux techniques de filtrage et aux systèmes de gestion des droits (DRM). « Nous ne devons pas légiférer sur des illusions d’un futur improbable mais sur un constat de l’état de fait présent« , nous confie une source proche du dossier. « Or le rapport s’appuie uniquement sur une croyance envers les techniques anti-piratages, en ayant la mémoire courte« , ajoute-t-elle. Ces cinq dernières années, à chaque fois qu’un client P2P a fermé ou que l’on a tenté de lui imposer un filtrage, le P2P est sorti gagnant avec des clients plus puissants et plus populaires.
La licence légale (ou globale) qui permettrait de légaliser les échanges par P2P tout en assurant une rémunération aux auteurs, artistes et producteurs, est balayée par la commission. Elle dénonce l’incompatibilité probable de la proposition avec les accords internationaux qui lient le droit d’auteur français, pour mieux appuyé son soutien aux DRM.
Les DRM, la seule solution restante ?
« La Commission, à l’exception de représentants des artistes – interprètes, considère que le déploiement des DRMs semble, à ce jour, la seule solution pour rétablir l’obligation de faire payer directement au consommateur les contenus sur les réseaux numériques et de maintenir les droits exclusifs« , annonce le rapport. La commission encourage le déploiement des offres par abonnement, soutenues notamment par les DRM de Microsoft, souvent audité pendant les travaux du Conseil.
Si la commission reconnaît qu’il « doit être possible de tester de nouveaux modèles économiques associant accès libre et accès à travers des transactions commerciales« , sa vision des licences Creative Commons en dit long sur l’étroitesse d’esprit de la majorité de ses membres :
« Un jeune auteur inconnu, croyant se faire connaitre plus facilement grâce à Creative Commons, pourra par suite subir un préjudice important si ses œuvres, une fois couronnées de succès, sont massivement téléchargées« .
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