Depuis quelques années, de nombreuses startups tentent de s’imposer sur le créneau des services numériques post-décès. SafeBeyond, qui revendique 25 000 utilisateurs, propose ainsi d’archiver des messages texte, audio et vidéo de son vivant pour les envoyer à ses proches une fois décédé(e).

La vie après la mort existe bel et bien… du moins numériquement. SafeBeyond, qui se présente comme « la première plateforme d’assurance vie sensible » permet ainsi d’archiver dans un « coffre numérique », de son vivant, des messages texte, photo et vidéo pour les envoyer à ses proches jusqu’à 25 ans après sa mort. Le service, lancé en 2015, compte déjà 25 000 utilisateurs qui recourent soit directement au site, soit aux applis mobile dédiées.

Géolocalisation et programmation

Ceux-ci peuvent définir la méthode d’envoi de leurs messages selon différents critères : à une date précise — la majorité préférant les programmer le jour de leur disparition ou à des anniversaires —, à un événement spécifique (mariage ou remise de diplôme de son petit-fils…) ou encore par géolocalisation dans un lieu prédéterminé (la tour Eiffel, par exemple). Une option permet même de publier son message sur le réseau social de son choix.

« Afin de continuer à communiquer en votre nom bien des années après votre disparition, et vous assurer que votre héritage est présenté à autrui de différentes manières, selon votre volonté » précise Moran Zur, fondateur de la startup. Un service facturé entre 47,88 et 95,88 dollars par an, ce qui implique tout de même d’être prêt à investir de sa poche en plus de souscrire à ce concept pour le moins décalé.

Safe Beyond

Safe Beyond

Une quarantaine de startups différentes tentent de s’imposer sur ce nouveau créneau, même si l’expérience prouve qu’elles finissent généralement par disparaître. D’autant que ces services interfèrent directement avec la façon dont chacun gère le chagrin lié à la disparition d’un proche, comme l’explique Paula Kiel, chercheuse sur le sujet à la London School of Economics : « Les sociétés occidentales sont habituées à concevoir la mort comme quelque chose dont on traite à des moments spécifiques et dans des lieux précis. Ce genre d’outils remet en question cette conception en essayant d’instaurer un rapport quotidien à la mort. »

Paula Kiel poursuit : « Le contrôle que j’exerce sur la façon et le moment dont je me souviens de cette personne ne m’appartient plus : le disparu peut influencer la façon dont je m’en souviens. »

Ce genre de service remet en cause le contrôle de chacun(e) sur son rapport au chagrin

Le concept inclut forcément des questions-réponses pour le moins déroutantes, comme « Comment être sûr que mes messages seront transmis après ma mort ? » Réponse de SafeBeyond : « Nous avons énormément investi dans l’automatisation. Nous opérons en toute transparence et le système choisi permet de s’assurer que la réalisation de votre testament numérique est connue de ceux que vous avez désigné comme garants. »

L’idée de ce concept est venue à Moran Zur il y a plus de dix ans, à la mort de son père : « ll prodiguait toujours de bons conseils, et je ne pouvais plus en profiter. J’ai réalisé que je n’avais jamais pu parler avec lui des clés d’un mariage réussi, de la façon d’élever ses enfants ou de tout autre sujet qui n’était pas d’actualité à l’époque. » L’entrepreneur s’est toutefois lancé dans ce projet à temps plein en 2012 face au cancer de sa femme — qui l’a finalement surmonté — de peur que leur fils de deux ans ne la connaisse jamais vraiment en cas de disparition.

I want to reincarnate as moss

CC Anthony Jauneaud

Un semblant de contrôle pour les destinataires

L’une des utilisatrices de SafeBeyond, Julia Rivard Dexter, a déjà constitué une base importante d’archives qu’elle considère comme un « journal intime numérique » pour ses enfants : « Ces [éléments] ne sont pas nécessairement liés à la mort. Je pense que cela peut être conçu comme une archive numérique pour votre fille. Si les gens voient les choses comme ça, ce n’est pas voué à devenir quelque chose de triste. »

Reste que les changements induits par les nouvelles technologies posent question. Dans ses recherches, Paula Kiel s’est trouvée confrontée au cas d’une personne qui s’est suicidée et a laissé des emails accusant ses amis et sa famille de son acte. Rien n’interdit en effet aux utilisateurs de SafeBeyond d’utiliser le service à cet effet. Moran Zur assure avoir mis en place un système de protection : « On ne force pas l’acheminement du message jusqu’au destinataire. Vous recevez simplement une notification indiquant qu’un nouveau message est paru mais vous devez vous identifier pour le découvrir, donc la décision vous appartient. »

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