Je suis tombé sur un article intéressant sur la liste de diffusion [escape_l]. Il pose de bonnes questions sur l’opportunité du prix variable pour la musique en ligne. Une réflexion à prolonger pour trouver la vraie valeur de la musique libre.
L’article original en Anglais s’intitule Price as Signal, signalé par Tariq Krim.
Vous n’êtes pas sans savoir qu’en ce moment se joue une bataille médiatique entre les principales maisons de disque d’un côté, et Apple de l’autre. En effet, ce dernier souhaite conserver le prix unique de 0,99 cents qui a fait son succès, et celui du couple iTunes/iPod. Mais il subit actuellement la pression d’EMI et d’autres Majors, afin d’introduire de la variété dans les prix des morceaux vendus, suivant la récence, le succès ou la reconnaissance des artistes.
Pour comprendre le réel enjeu, sans doute une comparaison avec le cinéma s’impose-t-elle: pourquoi les cinémas ne baissent pas les prix des tickets lors de la sortie de films inconnus, ou augmentent leurs prix pour la sortie d’un Steven Spielberg par exemple. Ne serait-ce pas un moyen de jouer sur l’offre et la demande, et optimiser les profits ?
En fait, les films, tout comme la musique, sont des biens d’expérience. On ne pourra pas savoir jusqu’au dernier moment si on les aprécie ou pas, tant qu’on en a pas fait l’expérience. Tous les éléments sont donc bons pour nous renseigner sur la qualité du bien, afin de tenter de jauger sa valeur : recommandations et critiques, extraits, renommée du réalisateur etc. Et le prix joue aussi se rôle là : en baissant le prix des places de cinéma pour un film qui s’annonce peu fameux, il y a de grandes chances qu’on envoie un signal très négatif, et que la prophétie soit auto-réalisatrice : personne n’ira voir le film.
Le prix variable pour les morceaux de musique en ligne enverrait le même signal. D’ailleurs cette technique est déjà utilisée pour les CDs, qui, après une période d’exclusivité, voient leurs prix diminuer avec le temps, et avec la demande. Bien sûr, il faut tenir compte dans ce raisonnement des personnes qui n’ont pas les moyens de s’acheter un CD à 20 Euros, mais attendent qu’il descende à 13 euros pour l’acheter. Mais disons que moins un CD est cher, plus il pourrait renvoyer un message négatif, démarrant un cercle vicieux.
Pour les artistes en Creative Commons, c’est-à-dire qui distribuent librement leur musique sur internet, le gratuit pourrait donc envoyer un message jouant en leur défaveur: ma musique n’a pas de prix, je la brade. Or on se rend compte que certaines musiques talentueuses sont rémunérées indirectement via des dons, ou bien l’achat de l’objet CD correspondant, ou le concert. Donc dans ce cas, le talent, reconnaissable facilement grâce à l’écoute libre, garantit que la valeur ne diminuera pas avec le temps. Un artiste libre à succès se vendra, selon moi, plus longtemps qu’un artiste dont la découverte s’est faite par matraquage publicitaire.
Beethoven, Mozart, ou Chopin n’ont-ils pas traversé les âges ? Ils se vendent encore comme des petits pains? Sans doute les meilleurs artistes ne voient-ils jamais leur valeur diminuer, alors que d’autres succès sont clairement artificiels et construits de toute pièce. Ou autre élément d’explication: les maisons de disque dérivent de la valeur du simple fait de renouveller souvent le son qui berce nos oreilles, peu importe sa qualité : nous payons plus cher pour entendre de la nouveauté musicale, un point c’est tout.
Dans tous les cas, le prix variable pour la musique en ligne donnerait aux maisons de disque le pouvoir de lancer un message fort aux futurs acheteurs : ce nouveau titre vaut 2,5 Euros, alors que cet ancien là vaut 0,99 Euros, voire 0,5 Euros. Ne pensez-vous pas instinctivement que celui à 2,5 Euros est meilleur que celui qui est bradé ? Il donnerait aussi un pouvoir de négociation plus important.
Pour en revenir avec le cinéma, la situation pourrait être différente : peut-être que le système optimal serait de lancer tous les films avec un prix de place unique, disons 4 Euros, et vendre les places de chaque séance aux enchères. Un bon film ferait alors en deuxième semaine d’exploitation bien plus de revenus qu’en première. Un mauvais film ou un film de niche aurait une chance de trouver un public réceptif. Au final, on serait certain que toutes les demandes auraient été comblées, sans envoyer de signaux positifs ou négatifs artificiels
Alban Martin
Auteur du livre » The Entertainment Industry is Cracked, Here is the Patch ! « , aux éditions Publibook, il édite un blog dédié à la cocréation de valeur.
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