Défendu mordicus par un gouvernement aveuglé par des oeillères dressées par les lobbys industriels, le projet de loi sur le droit d’auteur devait être bouclé avant la veillée de Noël. Mais Dominique de Villepin, constatant l’échec cuisant de son ministre de la Culture à faire adopter le texte dans les temps, a ordonné le 23 décembre l’ajournement des travaux. Le gouvernement devra faire savoir le 17 janvier si le texte sera immédiatement à l’ordre du jour ou si son examen sera repoussé, comme nombre de parlementaires l’exige.
Hier, c’est Jean-Marc Ayrault, le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, qui a demandé purement et simplement le retrait du projet de loi. Appuyant la demande formulée entre autres par ses amis socialistes Patrick Bloche et Didier Mathus, et par le patron de l’UDF François Bayrou, M. Ayrault demande qu’une mission parlementaire soit constituée pour réviser le texte soumis à l’Assemblée. « Nous demandons le retrait de ce texte bâclé et la constitution d’une mission visant à concilier les droits d’auteur et le droit à la copie privée des internautes« , a ainsi demandé le député-maire de Nantes. « Je mets en garde le gouvernement de ne pas vouloir repasser en force le 17 janvier« , a-t-il insisté, menaçant à demi-mots le gouvernement de tout faire pour saboter le projet de loi si jamais la procédure entamée en décembre continuait sur le même ton.
Le Parti Socialiste réaffirme son attachement à la licence globale
Mais surtout, devant les voix dissonantes exprimées au sein de son parti par Anne Hidalgo ou (dans une moindre mesure) par Jack Lang, Jean-Marc Ayrault a souhaité remettre les pendules à l’heure sur la licence globale. « Des artistes se sont élevés contre l’adoption de cet amendement qui à leur yeux met à bas tout le système des droits d’auteurs. C’est tout le contraire« , a-t-il assuré devant la presse.
« Nous voulons sortir de la logique du perdant-perdant qu’institue le projet. Perdants les internautes réduits à des délinquants potentiels qu’il faut sanctionner. Perdants les artistes qui ne touchent aucune retombée du téléchargement de leurs œuvres« .
Les amendements en faveur de la licence globale doivent permettre à la fois la légalisation du P2P pour la musique, et la rémunération des artistes. Ils sont aussi, contrairement à ce que laissait entendre le président de la Fnac dans une tribune remarquée à Libération, le meilleur moyen pour les internautes d’assurer eux-mêmes « la diversité musicale ». « Car, oui, dans les faits, cette disposition détruira la diversité musicale« , affirme Denis Olivennes, sans jamais étayer son propos qu’il nous laisse avaler comme paradigme.
Alors que bien au contraire, la licence globale, ou tout autre mode de légalisation des échanges culturels contre rémunération, permet aux artistes d’être rémunérés sans avoir besoin de passer dans les rayons de la Fnac, d’iTunes ou de VirginMega. Et n’est-ce pas au fond cela, M. Olivennes, qui vous dérange ?
Qu’apportent vos magasins aux artistes lorsque vous confessez vous-mêmes que sur 200.000 références différentes présentes en rayon, « 190.000 disques se vendent à moins d’un exemplaire par magasin et par an » ?
Les internautes, nous l’assurons, téléchargeront et partageront ces 190.000 titres bien plus qu’une fois par an, lorsqu’ils auront enfin la liberté de le faire sans craindre la moindre représaille judiciaire. Et les artistes en seront rémunérés, il ne tient qu’à nous de trouver la meilleure formule pour ce faire. Ca ne se fera pas en un jour, mais ça ne se fera qu’à condition d’admettre dès aujourd’hui que la diversité culturelle et la rémunération des artistes ne se joue pas dans les rayons de la Fnac.
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