Lancée en octobre 2016, l’application mobile HandsAway lutte de manière active contre les agressions sexistes avec l’aide de sa communauté. Grâce à la géolocalisation, les victimes peuvent alerter les autres utilisateurs pour recevoir de l’aide ou un soutien moral.

Qu’il soit sur YouTube ou chez Uber, le sexisme n’épargne pas l’univers de la tech. Profondément inscrit dans les structures sociales, il se donne à voir dans de nombreux espaces : domestiques, professionnels, mais également publics. En 2015, le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes publiait son « Avis sur le harcèlement sexiste et les violences sexuelles dans les transports en commun », indiquant que 100 % des utilisatrices des transports en commun avaient déjà été victimes une fois dans leur vie de harcèlement sexiste ou d’agressions sexuelles.

Si la parole des féministes s’élève sur Tumblr contre le cyberharcèlement, une application mobile existe aussi pour apporter une proposition de solution au phénomène du sexisme dans les espaces publics. Disponible gratuitement sur Google Play et l’App Store, HandsAway se présente comme « la première application mobile gratuite contre les agressions sexistes. »

Les « Street Angels » peuvent épauler les victimes

L’accès à l’application est conditionné à la création d’un compte personnel. Fonctionnant grâce à la géolocalisation, l’interface de HandsAway s’ouvre ensuite sur une carte affichant le lieu où vous vous trouvez. Un bouton unique, en forme de main, permet de lancer une nouvelle alerte, en tant que victime ou témoin d’une agression.

Handsaway

HandsAway

Que vous choisissiez l’une ou l’autre option, il faut ensuite préciser s’il s’agit d’une agression physique ou verbale, puis dans quel lieu elle s’est produite (rue ou transports en commun). Enfin, l’alerte peut être complétée d’un message écrit ou vocal avant d’être envoyée aux utilisateurs à proximité. Ceux-ci reçoivent une notification sur leur propre téléphone, et peuvent alors décider de jouer un rôle de « Street Angel » en apportant un soutien aux victimes ou témoins à l’aide d’un commentaire.

Anonymat, exutoire et acte citoyen

Lors de notre utilisation de HandsAway, nous avons pu constater que ce fonctionnement s’avérait plutôt efficace. Chaque alerte était rapidement suivie de plusieurs messages, demandant la plupart du temps à la victime si elle était en sécurité et se sentait mieux.

En fonctionnement depuis octobre 2016, HandsAway est structurée autour de trois fondements, « le respect de l’anonymat, l’opportunité d’un exutoire, l’acte citoyen qu’il incarne ». L’application est labelisée « Sexisme, pas notre genre » depuis décembre, et participe à ce titre au plan d’action contre le sexisme du Ministère des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes.

Handsaway

HandsAway

« En tant que femme, j’ai vécu une agression il y a un an dans les transports en commun, nous explique Alma Guirao, la créatrice de HandsAway. Un homme a sorti son sexe et l’a tourné vers moi. Je ne savais pas comment réagir, je ne me sentais pas légitime à porter plainte. Cela m’a donné envie de trouver un moyen pour que les femmes puissent s’exprimer et avoir du soutien dans ces moments-là, et témoigner pour aider les femmes qui auraient potentiellement pu croiser mon agresseur. »

7 000 Street Angels, dont 35 % d’hommes

À la tête de la société Wellbing, spécialisée dans la conceptions d’outils numériques pour favoriser le bien-être des salariés en entreprise, Alma Guirao nous explique qu’elle ne s’identifiait pas au départ au mouvement féministe. « Il y a une image galvaudée du terme, alors que par ailleurs sa définition est tout à fait légitime. Maintenant, je me sens féministe. »

Retrouver une légitimité à aller déposer plainte

Pour le moment, 7 000 Street Angels se sont inscrits sur l’application, qui recense entre deux et cinq alertes par jour. Parmi les utilisateurs, 35 % sont des hommes.

« L’idée, avec HandsAway, est de permettre à ces victimes de retrouver une légitimité à aller déposer plainte. Et de pouvoir présenter à la justice des données solides sur ces agressions sexistes », nous précise Alma Guirao, qui établit un parallèle entre son application et App-Elles, une autre application destinée aux femmes victimes de violences. La fondatrice d’HandsAway s’est également investie dans le mouvement féministe du Salon des dames.

CC Pixels

CC Pixels

Quand nous avons pris contact avec Alma Guirao, une question nous taraudait. Comment s’assurer que des utilisateurs mal intentionnés ne se servent pas des informations de géolocalisation et des alertes pour perpétuer à leur tour une agression ? L’entrepreneure nous a répondu : « Il faut savoir que toute alerte est postée a posteriori de l’agression, quelques minutes après qu’elle ait eu lieu. Par ailleurs, ce n’est pas l’emplacement de la personne qui est géolocalisé, mais l’alerte. C’est pour cela que parmi nos recommandations, nous invitons les utilisateurs à se déplacer. »

Ce n’est pas la personne qui est géolocalisée, mais son alerte

À cela s’ajoute un travail de modération, effectué par Alma Guirao et son employée. « On va peut-être nous taxer de Big Brother, mais on regarde tout ce qui se passe sur notre application pour éviter les situations problématiques, de l’inscription aux alertes, en passant par les commentaires. Cela fait aussi partie du rôle des Street Angels de signaler des usages inappropriés. »

Une stratégie qui semble porter ses fruits : seules deux personnes ont eu à ce jour une attitude abusive sur HandsAway. Quant au débat, il n’est pas interdit sur l’application. « C’est déjà arrivé, nous avons notamment eu un débat sur la définition des termes agression sexiste. Cultiver l’ouverture d’esprit fait partie de notre projet  », souligne Alma Guirao.

Sachez également que l’anonymat des Street Angels, des victimes et des témoins est garanti, afin de favoriser la liberté de ton. « On revient à la même situation que lorsque l’on veut porter plainte, et qu’on ne se sent pas légitime pour le faire. L’anonymat permet de retrouver une spontanéité. »

CC Max Pixels

CC Max Pixels

HandsAway envisage de se rapprocher à l’avenir des réseaux de transports et des services de sécurité pour leur communiquer à titre gracieux les données recueillies sur l’application. Ces informations pourraient en effet leur être d’une aide précieuse pour agir plus efficacement sur le terrain. « Nous ne sommes pas la police ni les agents de la RATP, rappelle Alma Guirao. Cependant, nous avons l’objectif d’intégrer un système de pré-plainte faisant suite aux alertes générées sur l’application. Un formulaire numérique, pour que ces femmes puissent porter leur voix de façon juridique. »

Porter la voix des femmes de façon juridique

Une version numéro deux de HandsAway devrait voir le jour en 2017, avec une option de co-piétonnage afin que les utilisateurs puissent se retrouver pour ne pas prendre seuls le métro ou le chemin les ramenant chez eux, notamment la nuit. Un principe similaire à celui de l’application Mon Chaperon, à un détail près : les co-piétonneurs ne tireront aucun revenu de ce service.

Majoritairement active dans les métropoles de l’hexagone, HandsAway a vocation à se développer à l’international. La Belgique, notamment, a rejoint le périmètre d’action des Street Angels le 15 novembre 2016. « D’ici 2018, nous voulons avoir une vision internationale. Le projet est en train de prendre de l’ampleur », conclut la créatrice de l’application mobile.

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