Une appli iOS qui vous envoie une notification dès qu’une attaque militaire par drone de l’armée américaine est rapportée dans les médias peut-elle être proposée en téléchargement dans l’App store ? Oui, selon les lignes directrices de la plateforme numérique ; non, selon le libre arbitre d’Apple, qui l’a retirée de son magasin virtuel quelques heures seulement après l’avoir acceptée. Un rejet d’autant plus remarqué que que l’app y avait figuré pendant un an entre 2014 et 2015 avant d’être retirée une première fois au motif que son contenu est « excessivement répréhensible ou brut ».
Le cas de Metadata+, soumise à plus de 12 reprises pour approbation sur la plateforme avant ce dernier revirement, interroge sur les critères utilisés par Apple pour accepter ou rejeter les apps qui veulent se joindre à son catalogue déjà riche de 2 millions d’entre elles. D’autant que la création de Josh Begley ne fournissait aucune image ou vidéo violente — un contenu logiquement prohibé — mais simplement des liens vers des articles d’actualité sur le sujet, afin de tenir les citoyens américains informés de cette guerre discrète menée par le gouvernement.
D’où l’intérêt de se pencher sur les critères d’utilisation de l’App store, et sur les causes motivant l’essentiel des rejets.
Une majorité de refus sur des critères techniques
La question intrigue suffisamment les développeurs et les utilisateurs pour qu’Apple consacre, depuis 2014, une page spéciale pour indiquer quelles apps sont les plus refusées et pourquoi.
À en croire le site, 67 % des refus tiennent à 10 raisons récurrentes tandis que les 33 % restants tiennent à « d’autres motifs », non détaillés, mais chacun inférieurs à 3 % du total. La justification invoquée par l’entreprise pour le rejet de l’appli Metadata+ la place clairement dans cette seconde catégorie.
En pratique, comme le montre le détail des principaux refus opérés sur 7 jours (jusqu’au 3 décembre 2016, dernières données connues), ces 66 % de refus se font principalement sur des critères techniques. La première cause de rejet concerne les apps buguées et inachevées, qui sont lancées sur le store alors qu’elles n’en sont pas à leur version finale.
Apple se montre également très strict sur la question des métadonnées : l’entreprise tient à ce que les apps proposées sur son store décrivent exactement leur contenu et n’induisent pas l’utilisateur potentiel en erreur. Elle insiste aussi pour que les captures d’écran illustrent l’usage concret de l’appli et pas seulement sa page d’accueil. Dans le même esprit, Apple vient d’interdire aux développeurs de mentionner la mention « gratuite » dans le titre de leur app, une pratique courante pour inciter au téléchargement.
Apple se montre particulièrement exigeant avec les métadonnées
Viennent ensuite le manque d’informations, soit le cas des apps qui ne fournissent pas de compte de démonstration fonctionnel, ni d’explications sur les fonctionnalités qui ne figurent pas parmi les plus évidentes de l’appli. Étonnamment, le plagiat n’apparaît qu’assez tardivement dans les causes principales de refus : Apple pose évidemment son veto aux apps qui se contentent de copier les fonctionnalités ou le principe d’une autre sous un autre nom.
La prolifération d’une même app dans différentes variantes est aussi encadrée puisqu’elle est perçue comme du « spam » : « Si votre app dispose de différentes versions pour des endroits précis, des équipes de sport spécifiques, des universités, etc., préférez plutôt une app unique qui inclut ces variations grâce au système d’achat dans l’app ». Enfin, le design constitue un facteur de rejet potentiel s’il n’est pas conforme aux standards minimum d’Apple.
Des « limites » à ne dépasser déterminées par Apple
Si ces critères constituent l’essentiel des rejets opérés par Apple, quels motifs peuvent être invoqués par l’entreprise dans les 33 % restants ? Comme toutes les plateformes numériques, l’App Store repose sur des lignes directrices aux interdits bien précis : pas d’incitation à la haine, d’injures racistes ou basée sur le sexe, l’orientation sexuelle, la religion, ni d’incitation à la violence ou de promotion des armes, et encore moins de diffamation et de mensonges.
Outre le fait que ces apps ne doivent pas endommager leur appareil de quelque manière que ce soit, elles sont aussi soumises à des règles très strictes en matière de contenu à caractère sexuel, qui figure en bonne place dans la liste des éléments prohibés : « Le contenu ouvertement sexuel ou pornographique, défini par le Webster Dictionary comme ‘des descriptions explicites ou représentations d’organes sexuels ou d’activités destinées à stimuler l’érotisme plutôt que des sentiments esthétiques ou émouvants’ ».
Apple encadre également les applis à caractère médical, qui ne doivent pas fournir d’informations inexactes et doivent de préférence prouver leur approbation officielle par un organisme reconnu, et prohibe les contenus incitant à une consommation excessive d’alcool, de tabac ou de drogue.
Reste que ces règles, détaillées dans cinq sections différentes aux nombreux paragraphes différents, restent régies par le préambule explicite d’Apple : « Nous rejetterons toutes les apps dont nous estimons que le contenu dépasse les limites. Quelles limites, nous direz-vous ? Comme l’a dit un jour un juge de la Cour suprême : ‘Je le saurai quand je le verrai’. Et nous pensons que vous le saurez aussi quand vous l’aurez dépassée. » Et si cela ne suffisait pas, l’entreprise précise : « Ce document est amené à évoluer : les nouvelles apps qui introduisent des problématiques inédites peuvent à tout moment entraîner de nouvelles règles. »
En clair, Apple se réserve le droit exclusif de supprimer le contenu présent sur son App Store ou de refuser tout élément jugé, à ses yeux, inapproprié, qui souhaiterait l’intégrer. L’Apple Store avait fait polémique il y a quelques années en forçant le catalogue de BD numérique Izneo à supprimer 40 % de son contenu jugé « pornographique » par le public américain. L’entreprise avait aussi eu la main lourde en interdisant l’application du caricaturiste américain Mark Fiore, prix Pulitzer 2010 du dessin de presse, avant de faire machine arrière face au tollé suscité par cette censure.
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