Il fut un temps, avant l’iPhone, avant Android, où chacun d’entre nous achetait son téléphone non pas pour ses caractéristiques techniques ou ses performances dans les jeux 3D, mais plus généralement pour sa robustesse, ses lignes, ses couleurs et son éventuel clapet — en somme, son design. Et à l’heure où le design était l’arbitre du marché, les modèles qui faisaient des irruptions radicales ou des propositions loufoques emportaient souvent l’adhésion : ce fut le cas du Motorola Razr par exemple, mais également des BlackBerry ou encore du 3310, à sa manière.
Cours processeur, cours !
Le smartphone a donné au mobile un nouvel enjeu ; en devenant un ordinateur mobile, l’engin de poche a couru après la performance. Bête et méchante. Notre passion pour la vitesse et l’innovation hardware s’est alors déportée du PC vers nos mobiles, auxquels nous donnions de plus en plus d’importance.
Bientôt, notre smartphone passait de deux cœurs, à quatre, puis à huit ; leur GPU se perfectionnait chaque année et en à peine dix ans, le smartphone a accompli des progrès technologiques qui auraient pu prendre des décennies si l’iPhone n’avait pas été, en plus d’une révolution technologique, une révolution économique.
le smartphone a accompli des progrès technologiques qui auraient du prendre des décennies
Attirée par un marché dont la croissance était jusqu’à 6 fois plus importante que celle de l’ordinateur personnel, tous les acteurs, fondeurs, constructeurs et éditeurs (ou presque) se sont lancés à la recherche de l’or gris du smartphone.
On peut faire terminer cette ère en 2015, année charnière dans l’histoire moderne de la mobilité. Le réseau LTE (4G) devient généralisé, il devient quasiment impossible de trouver des téléphones disposant d’un écran d’une résolution de moins de 720 pixels de large et n’étant pas en mesure de faire tourner au quotidien un système d’exploitation comme Android — même à des prix ridicules.
Pire encore, celui qui devait être le meilleur processeur de l’année, le Qualcomm 810, est un flop total. Trop puissant pour ses circuits imprimés, le SoC chauffe gravement et ne parvient même pas à afficher des performances radicalement meilleures que la génération précédente. Le plafond de verre semble alors être touché du doigt par les constructeurs.
Le marché commence lui aussi à s’essouffler et la seule bataille qui semble alors intéresser les constructeurs est celle de l’après-smartphone : les montres connectées et autres gadgets que l’on imagine être des nouvelles poules aux œufs d’or.
La révolution extérieure : le design
Mais après des expérimentations plus ou moins convaincantes, force est de constater qu’il n’en est rien. Le smartphone règne sans partage sur la tech et il faut donc continuer de trouver, coûte que coûte, des moyens d’en vendre toujours plus. Alors même que la plupart des marchés sont déjà saturés et que les consommateurs sont déjà équipés.
En 2016, une gentillette joute se fait sur la photographie mobile, Samsung, Huawei et Apple se tirant la bourre pour promettre de meilleures photos. Mais là encore, les résultats qui permettent de différencier les prétendants au trône sont encore marginaux. Le temps de la magie semble se dissiper : le marché ne perçoit plus la révolution qu’on lui promet chaque année, dans une illusion prométhéenne, depuis 2007.
Or comme une aiguille en fin de course sur le cadran d’une montre, la mobilité refait le pari qu’elle faisait avant la performance : le design.
Et c’est sur ce terrain que se joue aujourd’hui la principale lutte pour gagner un peu de l’attention des consommateurs lassés : courbures, couleur lignes, finesse, matériaux et ergonomie sont les petits nouveaux du lexique des constructeurs.
En 2016, le verre recouvre tous les téléphones — exit le plastique pourtant si longtemps plébiscité, exit les dalles plates, on joue des courbures de l’écran comme des corps métalliques. En 2017, les écrans se font vertigineux, borderless, sans bordure. Et le téléphone semble aller, inexorablement, à l’idée d’un espace interactif unique, dénué de tout autre attribut, à la manière d’une feuille de papier qui ne connaît ni bordure, ni bouton.
Enfin plus que jamais le smartphone semble aller vers un design organique, puisant ses inspirations dans notre quotidien, nos organes et les objets non technologiques. Plus naturel, à la recherche d’une fluidité esthétique, le smartphone délaisse son ancienne passion pour les formes anguleuses et les traits industriels pour aborder un nouveau monde, liquide, flexible et finalement intuitif. Cette évolution de style raconte à elle seule une histoire : des angles vers les courbes, le smartphone se détache d’un objet de performance et de praticité pour devenir un objet non pas futuriste, mais réaliste.
En cela, le Galaxy S8, comme le G6, ou encore le Xiaomi Mi Max et bientôt l’iPhone Edition ne sont pas seulement les derniers smartphones sortis, ils sont également les symptômes d’un cycle d’innovation qui se termine pour laisser sa place à un autre, celui du smartphone comme objet vivant, autonome, indissociable de son possesseurs par sa façon d’épouser la paume, le corps et nos vies. En somme, le smartphone regarde déjà vers un pré-transhumanisme où son rôle dans la vie de l’utilisateur devient plus important que sa propre puissance.
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