L’avenir de Facebook tient en deux mots : réalité augmentée. Alors qu’on s’attendait à plus d’annonces concernant Oculus Rift ou les projets développés dans le plus grand secret par l’entreprise, Mark Zuckerberg a placé cette première journée de son grand rendez-vous annuel, le F8, sous le signe de cette technologie en plein essor, dont la manifestation la plus connue reste le phénomène mondial Pokémon Go.
Le patron du réseau social au plus d’un milliard d’utilisateurs entend clairement intégrer la réalité augmentée à notre quotidien. Sur scène, il a multiplié les démonstrations vidéo pour le prouver, qu’il s’agisse de faire apparaître des requins dans votre bol de céréales ou d’intégrer une seconde tasse à votre petit déjeuner « pour ne pas avoir l’air d’être en train de prendre votre petit-déjeuner seul(e) », de transformer la table de la salle d’attente de votre médecin en champ de bataille entre deux tours rivales dans un jeu de stratégie, ou encore de métamorphoser votre maison en château à la Poudlard pour l’anniversaire de votre bambin.
Pour faciliter le décollage de cette technologie sur laquelle Facebook entend devenir pionnier (avec le lancement de certains contenus dès cette année), l’entreprise mise sur les fonctionnalités photo/vidéo de son ensemble d’applis — Messenger, Instagram, WhatsApp et Facebook lui-même — recentrées, au fil des mises à jour de l’année et demie écoulée, autour de l’appareil photo du smartphone plutôt que sur la communication par simples messages texte.
Mark Zuckerberg revendique fièrement cette stratégie : « Nous allons transformer l’appareil photo en première plateforme grand public pour la réalité augmentée. […] Tout comme Apple a lancé l’iPod et l’écosystème iTunes avant l’iPhone, nous voulons nous assurer d’avoir un ensemble de contenu [pour commencer] même si tout n’est pas disponible ».
L’appareil photo, en attendant les lunettes de réalité augmentée
À terme, Facebook imagine toutefois un futur dans lequel des lentilles ou des lunettes spéciales permettront de tirer profit au maximum des possibilités de la réalité augmentée — en faisant apparaître des noms de rue ou de direction sur le décor auquel vous faites face par exemple– et ce malgré l’échec remarqué des Google Glass, qui étaient déjà censées permettre cette révolution. Mark Zuckerberg préfère toutefois tempérer les attentes dès maintenant : « Tout cela mettra un moment à se développer. Les expériences ne vont pas changer considérablement du jour au lendemain. […] Même si nous avons été un peu lents à intégrer la photo à toutes nos apps, je suis convaincu que nous allons réussir le développement de cette plateforme de réalité augmentée. »
Dans l’immédiat, le réseau social veut transformer sa plateforme de réalité augmentée lancée ce mardi 18 avril — et pour l’instant réservée aux développeurs retenus pour cette phase de béta –, en outil incontournable. Autant pour pour anticiper la concurrence attendue de ses rivaux potentiels (Google et Apple) que pour couper l’herbe sous le pied de son ennemi juré, Snapchat, déjà spécialisé dans ce domaine, en le copiant une énième fois.
Hasard du calendrier ou concordance calculée ? Snapchat a en effet dévoilé, quelques heures avant le lancement du F8, de nouveaux filtres 3D pour son application de messagerie éphémère, anticipant ainsi les fonctionnalités très semblables présentées par Mark Zuckerberg au public californien. Si Facebook assume pleinement de plagier son rival, toutes ses tentatives en la matière ne sont pas couronnées de succès, comme l’a prouvé l’échec retentissant des stories devenues fantômes.
La réalité virtuelle en retrait
Reste que Facebook peut difficilement oublier l’investissement massif réalisé, depuis 2014 et le rachat d’Oculus, dans la réalité virtuelle, que l’entreprise a longtemps présenté comme la technologie du futur avant de tempérer ses attentes face aux réserves exprimées par le public, qui peine à adopter cette technologie coûteuse.
Certes, Facebook a présenté quelques innovations en VR à l’occasion du F8, la plus marquante restant Spaces, un « espace social » en réalité virtuelle — et version améliorée du prototype dévoilé en octobre — qui permet à ses utilisateurs de se retrouver dans un monde numérique sous la forme d’avatars personnalisés. L’idée est de transformer la VR en activité collective alors qu’elle est jusqu’ici essentiellement réservée à un usage en solo.
Mais en vantant longuement les mérites de la réalité augmentée, désormais au cœur de son investissement, Facebook reconnaît à demi-mot que son potentiel est bien plus grand que celui de la VR puisqu’elle offre une expérience ouverte sur le monde et sur autrui — contrairement au casque de réalité virtuelle, qui enferme par nature, comme l’a notamment déploré le patron d’Apple, Tim Cook, lui aussi séduit par le potentiel de la réalité augmentée.
Pour partir sur de bonnes bases en la matière, Facebook s’est entouré d’entreprises de poids comme Electronic Arts, Nike et Warner Bros, dont il attend du contenu en réalité augmentée capable de séduire le plus grand nombre. Le géant peut aussi s’appuyer sur Giphy Thoughts, une app qui permet de placer des bulles de pensée au-dessus des amis ciblés avec l’appareil photo.
Facebook a mis l’accent sur ses bases : les fonctionnalités sociales
Reste que le succès de ce modèle n’est pas garanti pour autant, comme le souligne Jan Dawson, analyste dans le cabinet spécialisé Jackdaw Research : « Les développeurs peuvent se demander pourquoi ils créeraient gratuitement quelque chose pour la plateforme de Facebook. Et quand la concurrence misera aussi sur la réalité augmentée, devront-ils créer un élément pour Facebook et un filtre différent pour Snapchat ? Ou vaut-il mieux pour eux attendre que Google et Apple lancent leur propre plateforme de réalité augmentée ? » D’où l’intérêt accru pour Facebook de s’imposer au plus vite comme la plateforme incontournable en matière de réalité augmentée.
Confronté à différents polémiques, le réseau social a finalement mis l’accent, au cours du F8, sur ce qui constitue son identité depuis son lancement, en 2004 : ses fonctionnalités sociales, plutôt que sur de nouveaux outils qui le rapprochent d’un média classique — une étiquette que Mark Zuckerberg refuse plus que jamais depuis les critiques formulées contre sa plateforme en matière de propagation d’articles de désinformation.
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