Le Parti Socialiste se trouve dans une position difficile dans le débat sur les droits d’auteur. Son rôle d’opposition et sa tradition progressiste pousse le PS à rejeter naturellement le texte de la proposition de loi DADVSI du gouvernement et son ministre de la Culture Renaud Donnedieu de Vabres. Mais, plus encore à l’approche d’un rendez-vous électoral, il est délicat pour les socialistes d’aller contre la volonté des leaders d’opinion que sont les artistes. D’autant plus délicat qu’une majorité d’artistes se réclament de gauche et que des interprètes parmi les plus médiatiques se sont ouvertement montrés favorables aux orientations actuelles du projet de loi.
Anne Hidalgo et Jack Lang, deux figures de la Culture au PS, se sont déjà montrés plutôt en faveur de la loi et contre l’idée d’une licence globale défendue pourtant brillamment dans leurs rangs par Patrick Bloche, Didier Mathus et Christian Paul. L’avis de Dominique Straus-Khan (DSK), économiste réputé et ancien ministre des finances sous le gouvernement Jospin (qui n’avait pas transposé la directive EUCD), était dans ce climat de tensions très attendu. Il est venu dans une tribune publiée dans Libération.
DSK considère qu’il « ne faut pas s’opposer aux nouveaux usages de l’Internet, et notamment le P2P« . « Ce serait illusoire techniquement« , rappelle-t-il, avant d’ajouter que « ce serait une erreur politique face aux progrès qu’apporte le P2P dans l’accès à la culture, dans l’offre culturelle, et dans les usages « car les utilisateurs des réseaux de P2P ne sont pas intéressés que par la gratuité : ils sont aussi séduits par la simplicité d’accès, l’instantanéité, la mobilité« . Lutter contre le P2P serait donc enfin un contre-sens économique, selon DSK qui invite l’industrie à « réfléchir à un modèle économique adapté à la distribution des biens culturels dans le monde numérique« . Aussi DSK dénonce « l’attitude de la droite« , qui en proclamant l’urgence se rend « coupable de hâte inutile« .
« J’invite le gouvernement à reprendre le débat sur des bases saines. Opposer internautes et artistes n’est pas acceptable« , clame le député PS.
Une solution alternative qui ne serait pas la licence globale
« Le maintien de l’interdiction du P2P et la protection du droit d’auteur par des technologies anticopie, basées sur les DRM, juge DSK, est une « solution [qui] paraît peu séduisante« . Mais, même s’il n’y montre pas opposé, DSK se dit « personnellement très dubitatif sur la solution de licence globale. La licence pose un problème de répartition de la manne collectée, indique-t-il, avant de s’interroger sur la naïveté du caractère volontaire de la licence. « Quels seraient les moyens de contrôle, si ce n’est ceux répressifs que les partisans de cette solution se refusent à mettre en place pour le téléchargement payant ?« , demande-t-il aux partisans de la licence globale.
Ainsi DSK propose une troisième voie, curieuse, qui serait la « légalisation payante du P2P« . « Le téléchargement serait autorisé (sur la base d’une source initiale légale), mais il serait payant quand l’œuvre est protégée. Le paiement serait collecté par le fournisseur d’accès en sus de l’abonnement, une fois par mois« , explique-t-il. Il s’agirait en somme d’institutionnaliser le paiement œuvre par œuvre que DSK semble par ailleurs rejeter. « Le coût par téléchargement nécessaire pour financer la culture serait bas, sans doute moins de dix centimes d’euro par œuvre« , et « l’augmentation phénoménale du volume compenserait la baisse des prix« , calcule l’économiste. Mais cette solution batarde et à la mise en œuvre des plus délicates semble surtout née du réflexe politique de la trouvaille d’idée. Il faut trouver une idée pour exister dans le débat.
Or les deux seules idées viables semblent bien s’opposer entre le système protectionniste mis en œuvre par DRM, et le système de licence globale. Si les seuls problèmes posés par cette dernière sont le mode de répartition des sommes collectées et son caractère optionnel, il faut sans doute mieux en discuter que de rejeter l’intégralité de la proposition.
Il faut du courage politique pour ouvrir cette discussion. Et c’est lui, plus que les idées, qui semble aujourd’hui manquer.
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