Après l’Allemagne et les États-Unis, le Royaume-Uni appelle à son tour Facebook à se montrer plus réactif dans sa modération des articles de désinformation. Damian Collins, député conservateur à la tête de la Commission dédiée à la culture, aux médias et au sport, en est convaincu : ces fake news menacent « l’intégrité de la démocratie ». Il appelle donc l’entreprise de Mark Zuckerberg à redoubler d’efforts dans sa lutte anti-désinformation, à quelques mois des élections législatives anticipées du 18 juin.
Cet engagement n’est pas nouveau pour le député comme pour sa Commission, qui a lancé une enquête en janvier sur ce phénomène afin d’identifier « les sources des fake news, ce qui incite les gens à les partager et comment elles ont été utilisées au cours d’élections et de débats politiques importants. » À l’époque, Damian Collins dénonçait déjà le rôle joué par le réseau social au plus d’un milliard d’utilisateurs : « Il ne s’agit pas seulement de plateformes, elles ont aussi une responsabilité sociale. Je pense qu’il est important pour la démocratie de comprendre comment cela fonctionne. »
Afin de convaincre l’entreprise de supprimer les articles litigieux en « seulement quelques heures » au lieu de son délai de réaction habituel, jugé trop lent, il a rencontré à plusieurs reprises ses représentants pour leur délivrer un message clair : Facebook doit agir aussi fermement contre les fake news qu’il s’y est engagé en matière de pornographie ou de violation du droit d’auteur. D’autant que le réseau social, qui refuse de se considérer comme un « arbitre de la vérité » et comme un média, n’a pas déployé au Royaume-Uni les outils de signalement pourtant disponibles en Allemagne (qui exerce une pression particulière sur Facebook) et en France.
L’influence des fake news sur le vote n’est pas prouvée
Pour le candidat conservateur aux législatives, ce fléau — simplement abordé au Royaume-Uni par la campagne préventive temporaire du réseau social — donne lieu à des inquiétudes légitimes : « Le risque, c’est qu’il se passe la même chose qu’aux États-Unis. Au cours des trois derniers mois [de la présidentielle], les 20 fake news les plus populaires ont été plus partagées que les 20 articles les plus populaires qui étaient véridiques. Le danger serait que les personnes qui s’informent principalement sur Facebook [qui compte 32 millions d’utilisateurs au Royaume-Uni], où ils trouvent essentiellement des fake news, votent en se basant sur des mensonges. »
Si la viralité de ces articles est indéniable son influence réelle sur les élections, logiquement difficile à établir, n’est pas attestée pour autant. Une étude menée par des économistes des universités de Stanford et de New York (NYU) a ainsi contesté cette affirmation, tout en reconnaissant que ces « fake news étaient largement partagées et en faveur de Trump. » Au cours des trois derniers mois de la campagne, 30 millions d’articles de désinformation en faveur de Trump ont ainsi été partagés contre seulement 8 millions pour son adversaire, Hillary Clinton.
Certains internautes ont pris au mot ces affirmations, même lorsqu’elles s’avèrent particulièrement aberrantes : en décembre 2016, un homme armé a ainsi surgi dans le restaurant de Washington accusé, selon la théorie complotiste du « Pizzagate », d’héberger un groupe pédophile dont Hillary Clinton serait à la tête. L’étude de Stanford et de la NYU rappelle cependant à juste titre que « les personnes ont bien plus tendance à croire les articles qui favorisent leur candidat, surtout si leurs réseaux font l’objet d’une ségrégation idéologique », à cause du phénomène des bulles de filtrage, qui nous confortent dans nos conceptions.
Inquiétudes autour des publicités Facebook politiques ciblées
Au Royaume-Uni, Damian Collins est toutefois loin d’être le seul à s’inquiéter de l’influence potentielle des fake news. Les enseignants sont de plus en plus nombreux à constater que leurs jeunes élèves considèrent de nombreux articles de désinformation comme véridiques et peinent à admettre que les informations qu’ils lisent sur Facebook ne sont pas forcément vraies.
S’il ne remet pas nécessairement en cause la volonté de Facebook, le député conservateur est convaincu que le réseau social manque de fact-checkers pour vérifier les informations litigieuses. Damian Collins estime que les publicités ciblées sur Facebook auxquelles vont recourir les partis politiques au cours des deux prochains mois — qui devrait dépasser le million de dépenses — risquent de n’être soumises à aucune vérification.
Le règlement publicitaire de Facebook interdit les contenus faux et trompeurs
Il affirme ainsi : « Vous pouvez payer Facebook pour cibler des utilisateurs avec un message mais personne ne va le vérifier. La commission électorale est chargée de vérifier si des mensonges ont volontairement été répandus par un parti politique mais une grande partie de cette campagne va se faire loin de tout regard. Personne chez Facebook ne vérifie la véracité de ce qui est dit. » Le règlement du réseau social en matière de publicité ciblée interdit pourtant, au même titre que les contenus pornographiques, sexistes, racistes, ou d’incitation à la haine, les « contenus faux et trompeurs […], y compris des déclarations, offres ou pratiques commerciales trompeuses. »
Damian Collins conclut : « Et que se passera-t-il si [ce genre de pratique mensongère] n’est pas réalisé par des partis politiques mais par des organisations annexes qui utilisent ces outils pour répandre la désinformation et influencer les électeurs ? Il suffit qu’une centaine de personnes partage un message pour qu’il devienne viral. »
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