Quelle est la valeur ajoutée d’un morceau de musique vendue avec DRM par rapport à un morceau de musique piraté sans DRM ? Réponse : aucune. Paradoxe : la valeur ajoutée réside dans le produit gratuit et illégal. C’est en tentant d’expliquer cette évidence qu’un directeur de Yahoo a semé le trouble dans l’industrie du disque.

La conférence Music 2.0 qui se tient depuis jeudi à Los Angeles réunit toute l’industrie de la musique et des communications. Parmi les jeunes cadres dynamiques présents figure Dave Goldberg, responsable de Yahoo Music. Selon John Borland de News.com, Goldberg a fait sourciller plus d’un auditeur lors du discours d’ouverture en conseillant tout haut ce que l’industrie du disque ose à peine penser tout bas : vendre de la musique sans système de gestion des droits numériques (DRM).

Pour montrer qu’il ne s’agit pas d’une douce utopie, Goldberg a pris l’exemple d’eMusic, une plateforme de musique en ligne performante aux Etats-Unis, qui ne s’appuie sur aucun DRM et ne semble pas en souffrir, bien au contraire. « Les restrictions dues à la gestion des droits ont créé des barrières pour les consommateurs« , aurait indiqué Goldberg, « ce qui en fait un obstacle pour transférer de la musique sur des périphériques portables, et ce qui crée une incompatibilité entre les services de musique et les lecteurs MP3« .

C’est là l’évidence même, mais cela l’industrie du disque ne veut pas encore l’entendre. Elle croit qu’il est possible de séduire le consommateur en lui faisant payer un produit plus restrictif que le produit qu’il obtient gratuitement sur les réseaux P2P. N’importe quel marchand chercherait à ajouter de la valeur à son produit, mais l’industrie musicale veut, elle, en retirer.

Pas de modèle économique viable sans DRM ?

Selon l’industrie musicale, les DRM sont une nécessité pour permettre de créer de nouveaux modèles économiques. Elle pense en particulier aux abonnements illimités de type Napster, Rhapsody ou, pour prendre un exemple local, MusicMe. Le but par le DRM étant de contraindre le consommateur à rester abonné et à payer tous les mois 10 ou 15 euros pour continuer à écouter sa musique. Sans DRM, impossible de fidéliser le consommateur qui n’aurait qu’à télécharger tout ce qu’il souhaite pendant un mois et à arrêter son abonnement ensuite. Le raisonnement est d’une logique implacable.
Mais le raisonnement logique fait toutefois l’impasse sur une évidence que connaît pourtant bien l’industrie du disque : les amateurs de musique aiment acheter les nouveautés. Combien sont les consommateurs à dépenser chaque mois 20 euros pour n’acheter aujourd’hui qu’un seul CD ? Seront-ils réellement nombreux demain, sans DRM, à refuser de payer 10 ou 15 euros tous les mois pour profiter sans limite de l’ensemble des dernières nouveautés ?

Tout le problème auquel est confronté l’industrie du disque est d’accepter qu’un gros consommateur de musique paye exactement le même tarif qu’un consommateur occasionnel. Cette forfaitisation, que l’on retrouve dans le cinéma (abonnements UGC, Pathé…), dans la téléphonie (VoIP illimitée chez les FAI, forfaits illimités chez les opérateurs mobile), dans le transport (cartes Orange RATP,…) ou même dans le buffet des desserts de Campanile, est-elle réellement imperméable à la musique sans DRM ? C’est un débat qu’il faut ouvrir.

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