Tunnels anti-embouteillage, voitures autonomes, conquête spatiale, Hyperloop… Fin avril, Elon Musk est revenu, lors de son intervention à une conférence TED Talk de 40 minutes (4 ans après la première) sur les nombreux projets portés par ses différentes entreprises, qu’elles s’appellent Boring Company, Tesla ou SpaceX, comme sur le concept qu’il a initié mais se trouve développé par d’autres entreprises (l’Hyperloop).
Si son hôte, Chris Anderson, ne s’est pas forcément montré très percutant sur les points les plus sujets à interrogation de ses initiatives, cette rencontre avec l’entrepreneur a permis de tracer, en filigrane, sa vision du futur à l’aide de plusieurs précisions pratiques. Retour sur les points les plus marquants de son intervention.
Tunnels anti-embouteillage : les balbutiements d’un projet coûteux
Elon Musk a résumé le projet porté par sa Boring Company — jeu de mot entre « forer » et « ennuyeux » — d’une phrase : « Nous essayons de creuser un trou sous Los Angeles et il marquera le début — on l’espère — d’un réseau de tunnels en 3D pour réduire les embouteillages. » Citant l’exemple bien connu de la circulation cauchemardesque de Los Angeles, l’entrepreneur souligne que ce sujet relève d’un véritable enjeu de société car les embouteillages font « perdre une grande partie de notre [temps] ».
Musk a profité de la diffusion de la vidéo de démonstration sur scène pour l’agrémenter d’explications : « Avant toute chose, il faut parvenir à intégrer les entrées et sorties des tunnels sans problème au cœur de la ville. En utilisant un […] ascenseur, vous pouvez les inclure en utilisant seulement deux places de parking. » Il précise par ailleurs que les véhicules, une fois sous terre, ne sont soumis à aucune vitesse de limite : le tout peut se déplacer jusqu’à 200 km/h.
L’exemple concret cité par l’entrepreneur reste le plus parlant : à terme, les tunnels permettraient de relier l’aéroport de Los Angeles depuis Westwood, un quartier situé à 16 kilomètres mais à l’extrémité nord de la ville, en seulement 5 ou 6 minutes. Finie, donc, la crainte de rater son vol à cause des embouteillages.
Vers un Hyperloop souterrain entre Washington et New York ?
Elon Musk ne voit pas d’obstacles à ces souterrains : « Il n’y a pas vraiment de limite au nombre de niveaux de tunnels que vous pouvez avoir. Vous pouvez creuser bien plus profondément que vous ne pouvez vous élever. Les mines les plus profondes le sont bien plus que ne sont élevés les plus grands gratte-ciel. » Il souligne par ailleurs que créer un seul niveau de tunnel entraînerait un répit illusoire puisqu’il deviendrait vite embouteillé à son tour s’il n’est pas épaulé par d’autres couches souterraines.
Interrogé sur une compatibilité entre les tunnels de la Boring Company et l’Hyperloop, le tube de transport futuriste ultra-rapide dont il a inventé le concept, Elon Musk affirme que les deux technologies peuvent en effet être combinées. Il cite l’exemple d’un trajet Washington-New York intégralement réalisé par un tunnel Hyperloop, indispensable pour éviter les nombreuses habitations installées entre les deux grandes villes de l’Est américain.
L’invité du TED Talk est toutefois resté très vague sur les moyens concrets de réaliser ces projets, son hôte préférant évoquer les grandes possibilités offertes par ces technologies plutôt que leur mise en forme ou leur intérêt économique pour l’homme d’affaires. Musk a quand même répondu à quelques questions sur le coût de ce forage, qui constitue l’un des principaux obstacles sur la route de la Boring Company.
L’homme d’affaires affirme, avec son assurance caractéristique, pouvoir le réduire considérablement en diminuant quasiment de moitié le diamètre en vigueur actuel pour les tunnels et en développant des appareils de forage bien plus rapides et performants que ceux qui sont utilisés actuellement. Si cette réduction de taille interroge sur les risques de sécurité, aucune mention n’a été faite sur scène de ce point pourtant crucial.
Elon Musk ne cache pas ses doutes au sujet des voitures volantes
Interrogé sur l’alternative des transports aériens — et l’immortel fantasme de la voiture volante –, Musk n’a pas caché ses réserves : « Je suis favorable aux choses volantes. Je suis moi-même dans les fusées donc j’aime les appareils qui volent. […] Mais ils représentent un défi puisqu’ils seront assez bruyants, et que les vents générés [par ce trafic] seront très forts. En plus, voir des appareils voler au-dessus de votre tête, comme une multitude de voitures volantes, n’aide pas vraiment à réduire votre niveau de stress. »
Pour autant, il a tempéré les attentes autour des tunnels de la Boring Company, en précisant que celle-ci occupait seulement « 2 à 3 % » de son temps et que l’essentiel des travaux de l’entreprise sont réalisés par des stagiaires ou des salariés à mi-temps. Les tunnels anti-embouteillage ne sont donc pas pour demain.
Voitures autonomes : une révolution commerciale au prix de plus d’embouteillages ?
La solution des tunnels s’imposerait en tout cas d’autant plus à l’avenir qu’Elon Musk reconnaît lui-même que l’essor de la voiture autonome — sur laquelle travaille Tesla — risque d’aggraver les bouchons : « Beaucoup de gens pensent que les voitures autonomes vont permettre de rouler plus vite et de réduire les embouteillages. D’une certaine manière, c’est vrai, mais une fois que vous disposez d’une autonomie commune qui rend le trajet en voiture d’un point A à un point B moins cher en voiture que le prix d’un ticket de bus, le volume de conduite sera bien plus important et les embouteillages vont empirer. »
Elon Musk s’est dit convaincu que les premiers trajets 100 % autonomes de ces véhicules sont pour bientôt, d’abord lors d’une phase de test : « En novembre ou en décembre [2017], nous devrions pouvoir réaliser un trajet [Los Angeles-New York] sans que le volant et les commandes soient touchés à un seul moment du parcours. » Celui qui semble considérer cette étape majeure comme une formalité se dit encore plus intéressé par la possibilité de faire changer de trajet à la voiture autonome en cours de route sans problème pour, par exemple, rejoindre Toronto depuis Los Angeles alors qu’elle se dirigeait vers New York.
Musk pronostique la commercialisation de voitures 100 % autonomes pour 2019
Quant à savoir dans combien de temps la technologie 100 % autonome, permettant de s’offrir une sieste au volant de sa voiture, sera accessible à tous, Musk se montre là encore très optimiste — sans mentionner les restrictions légales qui pèsent actuellement sur la technologie : « Dans environ 2 ans. […] Ce ne sera jamais parfait — aucun système ne peut l’être. […] Le vrai seuil, pour l’autonomie, est de savoir à quel point elle doit être meilleure qu’un [chauffeur] humain avant de pouvoir lui faire confiance. »
À ses yeux, la commercialisation de cette technologie va surtout entraîner une véritable révolution de notre rapport aux voitures : « Voilà ce qui va se passer : parmi le parc de voitures autonomes disponibles, au moment d’acheter votre véhicule, vous pourrez choisir entre un usage exclusif, un partage avec votre famille et vos amis, ou uniquement avec des chauffeurs qui disposent d’une note à 5 étoiles, de la partager à certaines occasions et pas à d’autres… »
Si ces prédictions peuvent prêter à sourire ou paraître bien trop optimistes, Chris Anderson a rappelé à juste titre que l’investissement massif d’Elon Musk dans les véhicules électriques avec Tesla n’était pas pris au sérieux il y a encore quelques années alors que tous les constructeurs semblent aujourd’hui développer leur propre modèle de voiture électrique.
Musk minimise ses rapports avec Donald Trump
Critiqué pour son approche pragmatique vis-à-vis de Donald Trump alors que le monde de la tech a majoritairement pris ses distances avec le président élu, Elon Musk s’est justifié : « Je fais simplement partie de deux comités de conseil qui consistent à demander aux personnes présentes dans la salle de partager leur avis, au rythme d’une rencontre mensuelle ou tous les deux mois. »
Il affirme ainsi avoir tenté d’influer sur la politique du président sans trop se faire d’illusion : « J’ai mis ces rencontres à contribution pour plaider la cause de l’immigration et évoquer le changement climatique. Si je ne l’avais pas fait… ça n’aurait pas été au menu. Ça ne changera peut-être rien mais au moins je l’ai dit. »
La conquête spatiale, pas « inévitable » mais essentielle aux progrès technologiques
Elon Musk a aussi répondu aux critiques qui lui reprochent d’investir trop de temps et d’argent dans ses projets spatiaux — voyage vers Mars, envoi de touristes près de la Lune — alors que d’autres besoins plus urgents existent sur Terre : « J’envisage l’avenir à partir des probabilités. C’est comme un flux de probabilités. Et nous pouvons entreprendre des actes qui les affectent ou bien qui accélèrent un élément et en ralentissent un autre. Je peux introduire quelque chose de nouveau au flux de probabilités. Les énergies renouvelables [remplaceront nos sources d’énergie actuelle] quoi qu’il arrive. Même si Tesla n’existait pas, cela se ferait par nécessité. […] Tesla ne fait qu’accélérer ce processus. »
Mais pour Elon Musk, bien qu’elle ne soit pas indispensable, la conquête spatiale reste un élément clé pour le progrès technologique : « Et puis il y a la question de devenir une espèce vivant sur de multiples planètes et une civilisation à vocation spatiale. Ce n’est pas inévitable. C’est très important de le préciser. »
Citant l’exemple de la stagnation, voire du recul de l’exploration spatiale depuis la mission lunaire américaine de 1969, il explique : « Les gens se trompent quand ils pensent que la technologie s’améliore automatiquement. Ce n’est pas le cas. Elle s’améliore uniquement si de nombreuses personnes travaillent dur pour l’améliorer. Sinon, je pense même qu’elle a tendance à se détériorer naturellement. »
Elon Musk a ensuite conclu son intervention sur une (rare ?) preuve d’humilité saluée par les applaudissements du public : « Je ne cherche pas à devenir le sauveur de qui que ce soit. […] J’essaye juste de penser à l’avenir sans être triste. »
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