La tentation existe du côté de l’industrie du divertissement de transformer les géants du net en sorte de police privée pour qu’ils accompagnent les ayants droit dans leur combat contre le piratage, parfois sans passer par la case judiciaire. En la matière, le filtrage constitue une demande concurrente, qu’il s’agisse de sites web (comme ceux proposant des contenus piratés en streaming) ou des fichiers eux-mêmes.
En principe, le droit européen transposé en France par la LCEN (loi pour la confiance dans l’économie numérique) interdit d’imposer aux intermédiaires une obligation générale de surveillance aux hébergeurs. En clair, ils n’ont pas à filtrer pro-activement les contenus illicites mais ils doivent par contre retirer un contenu illégal dès qu’il est signalé, afin de bénéficier d’une exonération de responsabilité devant la loi.
L’idée, pourtant, fait son chemin.
On se souvient que les députés ont ajouté début 2016 à la loi numérique une mesure imposant aux plus grandes plateformes web de mettre en place un filtrage préventif des contenus illicites, sans obligation de résultat. Il s’agissait, pouvait-on lire alors, de bloquer « des contenus illicites sont susceptibles d’être diffusés à grande échelle à destination des consommateurs résidant en France ».
Ces dispositifs techniques de reconnaissance automatisée des contenus piratés sont appelés robocopyrights, contraction de « Robocop », pour signifier le caractère froid , instantané et implacable du processus, et « copyright ». Ils reposent sur des algorithmes plus ou moins précis pour tenter de reconnaître un contenu diffusé qui serait protégé par le droit d’auteur.
Et en la matière, l’industrie du divertissement peut se réjouir. Les entreprises qui sont à la tête des principales solutions d’hébergement — et qui bénéficient donc des dispositions de la LCEN — sont en train de développer elles-mêmes les propres outils qu’elles devront peut-être appliquer, si jamais la loi qui restreint la responsabilité des intermédiaires et tient à distance le filtrage automatique vient à évoluer.
Un brevet pour Microsoft
On peut ainsi citer Microsoft. Comme le remarque Torrentfreak, la société américaine a récemment obtenu un brevet intitulé « Désactiver les contenus prohibés et identifier les pirates récidivistes dans les systèmes de stockage des fournisseurs de services ». Comme on le comprend, le brevet ne consiste pas seulement à détecter des fichiers litigieux.
Il propose de suivre mesures automatiques pour empêcher l’accès ou la diffusion de ces fichiers et de marquer les internautes qui les mettent en ligne pour les suivre ou les identifier si trop de contenus illicites, qu’il s’agisse d’œuvres piratées ou d’autres contenus tombant sous le coup de la loi, sont envoyés sur le service de stockage.
L’hébergeur peut alors prendre diverses mesures contre l’internaute selon la gravité de la situation et l’ampleur : il peut s’agir d’un rétrécissement de ses droits de partage avec les autres utilisateurs du service, pour un seul contenu, plusieurs ou la totalité, la suspension provisoire du compte ou même sa fermeture définitive.
Comme le pointe Torrentfreak, il n’est pas rare que les services de stockage mettent en place des dispositifs pour restreindre certaines possibilités de partage, afin de contribuer à la lutte contre le piratage. Des entreprises comme Google et Dropbox font la même chose. Cependant, c’est probablement la première fois que ce système est couplé avec un pistage de l’internaute en indélicatesse avec le droit d’auteur.
Mais en allant dans cette direction, c’est mettre le doigt dans un engrenage dont les effets pourraient se retourner contre les hébergeurs. En tout cas, ce genre d’approche apporte de l’eau au moulin aux ayants droit qui plaident pour une implication toujours plus grande des plateformes dans la lutte contre le piratage.
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