Google Street View n’est pas seulement un outil bien pratique pour se repérer dans un endroit inconnu : c’est aussi un moyen — insolite — pour certains historiens de mener des recherches bien précises. Carlton Reid, spécialiste des vélos, en a fait l’expérience pendant les recherches préparatoires de son ouvrage à paraître sur le sujet, Bike Boom.
Après avoir découvert que le Royaume-Uni était doté d’un réseau de pistes cyclables particulièrement développé dans les années 1930, l’auteur, qui est aussi rédacteur en chef du site BikeBiz.com, a pu dresser un véritable panorama de ces 70 structures indépendantes grâce à Google Street View. Il a ainsi parcouru de nombreux kilomètres virtuels sur le service de Google, à l’affût de signes révélateurs, qu’il s’agisse de ce qui ressemble à un deuxième trottoir, d »un apparent affaissement sur la route ou encore de la subsistance de la couleur rouge qui ornait certaines pistes.
Carlton Reid explique la portée de ces découvertes : « Presque personne ne sait aujourd’hui que la Grande-Bretagne revendiquait jadis un grand nombre de pistes cyclables […]. J’ai commencé à me documenter sur ces pistes des années 1930 inspirées des Pays-Bas pour mon prochain livre […] et en creusant (parfois littéralement) j’ai réalisé qu’il existait un nombre bien plus important de telles pistes. Les documents ministériels m’ont permis de découvrir, à ma grande surprise, que le ministère des Transports travaillait sur des plans fournis par son équivalent des Pays-Bas. » Reid en a tiré une carte détaillée sur Google Maps.
Ses recherches lui ont aussi permis de découvrir que le gouvernement britannique travaillait sur un plan de développement conséquent de pistes cyclables juste avant la Seconde Guerre mondiale : « Entre 1937 et 1940, le ministère des Transports fournissait uniquement des fonds de construction de route aux [municipalités] si celles-ci incluaient des pistes cyclables de bon niveau. C’est pour ça que ces routes ont été construites. Les [municipalités] étaient probablement furieuses parce qu’elles ne voulaient pas les construire mais elles n’avaient pas le choix si elles voulaient obtenir ces fonds. »
450 kilomètres de piste identifiés à ce jour
Loin de se cantonner à cette découverte historique d’un réseau qui comporte, en cumulé, près de 450 kilomètres de route réservés aux cyclistes (à Londres comme dans tout le pays) mais ne représente selon lui qu’une toute petite partie de l’ensemble potentiel, Carlton Reid a décidé de tirer avantage de ces restes de piste pour les remettre au goût du jour : « La beauté de la chose, c’est qu’en premier lieu, l’emplacement est déjà là — alors que les gens disent souvent : ‘Oh, il n’y a pas de place [pour les cyclistes] ». »
De cette observation initiale découle un deuxième avantage à ses yeux : « Ça rend le tout très peu coûteux en matière de transport. D’habitude, reconstruire une petite jonction vous coûte tout de suite 2 millions de livres, mais là, avec quelques millions de livres, vous pouvez carrément ramener à la vie ces routes. Pas celles qui s’étendent sur des grandes distance mais au moins les pistes résidentielles. »
En somme, Carlton Reid entend faire ressusciter cette partie méconnue — et pourtant omniprésente, même si elle est désormais vue comme un trottoir ou un emplacement de parking — de l’histoire du pays pour la mettre au service des Britanniques d’aujourd’hui.
Un Kickstarter pour financer la reconstruction des pistes
John Dales, un spécialiste des transports qui épaule Reid sur son projet, s’enthousiasme lui aussi pour ces découvertes : « C’est une opportunité géniale que d’essayer de retrouver ces pistes, ces passages cachés aux yeux de tous. »
D’autant qu’à ses yeux, son collègue a des raisons de faire preuve d’optimisme : « Qui sait combien de kilomètres, sur les 450, peuvent vraiment être restaurés ? Imaginons qu’on en dénombre seulement 160 — ce que je pense très probable –, c’est 160 kilomètres qui ne sont pas utilisables à l’heure actuelle mais qui peuvent grimper à 240 ou 321 très rapidement si on les relie aux autres [pistes]. »
Pour donner forme à ce projet, Carlton Reid a lancé un Kickstarter qui a déjà récolté près du double de son objectif initial (13 175 livres sur les 7 000 demandés). Cela ne marque qu’un début pour celui qui espère convaincre les autorités locales de suivre ses recommandations pour réaliser les travaux appropriés. Et ainsi accueillir les vélos traditionnels comme leurs moutures électriques sur ce réseau quasi-centenaire, qui a été progressivement abandonné à cause de l’essor des voitures.
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