Le principal bénéfice de l’intelligence artificielle, au-delà des avancées technologiques offertes dans le domaine du transport, pourrait-il résider dans sa capacité à empêcher les suicides chez les personnes à risque ? C’est ce qu’entend prouver le travail conjoint des universités de Vanderbilt, dans le Tennessee, et de Floride.
L’équipe, dont les recherches ont été publiées dans la revue Clinical Psychological Science, a mis au point une IA capable de prédire avec précision les risques de suicide chez certains patients en s’appuyant sur différentes données — anonymisées — extraites de leurs dossiers médicaux : antécédents, âge, profession…
Sur cette liste de patients reçus entre 1998 et 2015 à l’hôpital, l’équipe a identifié 5 167 personnes concernées par l’auto-mutilation. À partir de là, une distinction a été opérée entre les patients ayant commis une tentative de suicide (un peu plus de 3 200) et les moins de 2 000 qui se sont blessés volontairement sans aller jusqu’à cette extrémité.
Plus la tentative est rapprochée dans le temps, plus la prédiction de l’IA s’avère précise : elle est de 80 à 90 % deux ans avant la tentative de suicide, et grimpe jusqu’à 92 % lorsqu’il est question d’anticiper si une personne va tenter de se suicider d’ici une semaine. À défaut de révéler le fonctionnement exact de l’IA, Colin Walsh, spécialiste des données à l’université Vanderbilt et médecin généraliste, concède que ces prédictions se basent sur « une combinaison des facteurs de risque ». Parmi ceux-ci, les troubles du sommeil sont notamment pris très au sérieux chez les patients.
Un complément aux études cliniques
Colin Walsh est convaincu des apports de cette solution : « Le défi principal, en matière de modélisation classique des risques de suicide ou de tentative, reste le coût des potentielles études cliniques. Grâce au machine learning, nous pouvons rassembler de grands ensembles de données collectées régulièrement afin de créer des prédictions d’une grande fiabilité à une échelle extensible. [Cette technique] peut être appliquée à [tout établissement] doté de fichiers électroniques. »
De fait, l’équipe n’appelle pas à remplacer les études cliniques par cette nouvelle approche mais simplement à utiliser cette dernière en parallèle, idéalement d’ici deux ans. Malgré son optimisme, Colin Walsh ne prétend pas détenir une solution miracle : « Nous restons prudents. En comparaison avec l’approche statistique conventionnelle, il est beaucoup plus facile et rapide de construire de mauvais modèles de prédiction avec le machine learning. Mais s’il est bien fait, nous sommes convaincus qu’il est plus précis et facile à implémenter que les outils traditionnels et manuels. C’est une question d’efficacité : mettons-le en place et voyons si c’est utile. »
L’enjeu est de taille : en 2013, aux États-Unis, on a dénombré au moins 41 149 suicides, ce qui en fait la dixième cause de mortalité annuelle. En France, la moyenne annuelle avoisine les 10 000 suicides, selon l’Observatoire national du suicide.
Vers une collecte de données sur les réseaux sociaux ?
Walsh envisage aussi d’étendre la collecte des données à d’autres source que les hôpitaux, à commencer par les réseaux sociaux, qui permettraient d’élargir considérablement le spectre de traitement à condition que ces informations puissent être traitées efficacement. Des géants du web comme Facebook se sont déjà penchés sur la question : la plateforme tente de détecter automatiquement — là aussi à l’aide d’une IA — les contenus jugés inquiétants, et se montre également à l’écoute des jeunes LGBTQ+ sur Messenger. De son côté, Google aimerait aller encore plus loin en anticipant nos futurs problèmes de santé.
Récemment, la thématique du suicide chez les adolescents a fait l’objet d’une médiatisation importante avec le succès de la série Netflix 13 Reasons Why et le débat qu’elle a lancé autour de sa prétendue influence sur cette population.
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