Identification des doublons, création automatique d’albums, respect de la vie privée… L’appli Zyl (anciennement Comet), disponible sur iOS et Android, présente de nombreuses fonctionnalités susceptibles d’intéresser les passionné(e)s de photo.
Tour d’horizon de cet outil de gestion bien pratique avec son créateur, Mathieu Spiry.
Comment est née l’appli Comet, devenue Zyl ?
Je me suis marié il y a 4 ans, on a fait mon enterrement de vie de garçon dans un pays de l’est, on a fait les cons et la fiesta… Une fois rentrés, on s’est dit qu’on allait regrouper toutes les photos de tout le monde mais on n’a pas réussi à le faire. On a essayé Dropbox, Flickr, et même Facebook, mais personne n’a mis ses photos parce que c’était trop peu pratique et pas assez adapté au mobile. Du coup, on a perdu les photos.
Ça a été le cas pour mon enterrement de vie de garçon, pour mon mariage, pour celui de mon frère puis de mon meilleur ami… Au bout de 6 mois, on s’est dit qu’il y avait un vrai problème de regroupement de photos sur mobile. On a donc lancé une première version de Zyl il y a 2 ans : elle consistait seulement à centraliser les photos pendant ou après un événement. On a fait ça pendant un an et ça a bien marché, sans exploser pour autant.
On s’est donc rapproché de nos utilisateurs pour savoir pourquoi ça ne décollait pas. Et ils nous ont dit : « C’est bien, vous résolvez un problème de la photo mais ce n’est pas le plus gros. Le plus gros, c’est la gestion. On veut que nos photos soient gérées mais sans avoir à le faire nous-mêmes. » Et donc on a décidé de pivoter, en juillet 2016, sur cette nouvelle version, avec une IA intelligente, qui a été lancée le 4 janvier 2017.
Depuis c’est l’emballement en terme de tractions, de partenariats… Toutes les grosses boîtes de la Silicon Valley nous ont vus et nous proposent de mettre en avant l’appli sur les stores ! On a eu des propositions de rachat, dont une qu’on a refusée il n’y a pas longtemps. Récemment, on a clôturé une levée de fonds d’environ 1 million d’euros.
Qu’est-ce qui justifierait de préférer Zyl au gestionnaire de photos par défaut sur iOS et Android ?
Le gestionnaire standard fait son travail, mais il devrait à nos yeux inclure des fonctions qui vont beaucoup plus loin, notamment pour permettre de partager [ses photos] avec ses proches.
Sur l’application photo native d’iOS, il existe une fonctionnalité d’album partagé mais elle est seulement proposée aux autres utilisateurs d’iPhone : on ne peut pas partager ces photos avec des utilisateurs qui sont sous Android. La meilleure solution reste donc Google Photos, mais elle-même s’adresse plutôt au marché des utilisateurs Android… D’autant que beaucoup de clients Apple refusent d’installer des applications Google.
D’où notre idée de créer une appli qui fait le travail de l’application photo standard mais permet en plus de collaborer sur des albums et, surtout, s’appuie sur une couche d’intelligence artificielle qui aide à gérer ses photos. C’est là que se fait la différence.
À quoi ressemble cette IA ?
Un petit bouton apparaît en bas à gauche de l’appli uniquement quand il voit quelque chose à faire. Imaginons que vous ayez pris 20 photos pendant votre soirée de la veille : l’IA vous indique les doublons, car on a tous tendance à mitrailler dans ces moments-là !
Elle les détecte, choisit la meilleure photo et vous suggère celles à supprimer parce qu’elles ne servent à rien. L’IA aide à épurer sa galerie.
L’IA de Zyl cherche aussi à relancer la notion de souvenir en faisant réapparaître des photos vieilles de plusieurs mois ou années
Elle détecte aussi quand vous participez à des événements et elle incite à collaborer autour de ces albums : l’appli native se concentre uniquement sur les photos de l’utilisateur alors que Zyl vise à intégrer aussi celles des autres, en l’occurrence les personnes présentes à la même soirée.
Enfin, l’IA repose sur un troisième volet : c’est la notion de souvenir. On a tous plein de photos sur notre téléphone, mais le problème, c’est qu’on en a tellement qu’on ne sait plus où regarder. Je ne pense jamais, sur mon téléphone, à aller retrouver les photos qui remontent à un ou deux ans alors que j’ai de super photos, et c’est dommage. Avec Zyl, on fait en sorte que l’IA choisisse les photos d’intérêt du téléphone pour les montrer un an, deux ans, trois ou six mois après leur prise.
Comment faire face à des géants comme Apple et Google ?
Le but n’est pas de battre Google, ni Apple, qui font des supers produits : on veut juste être la meilleure alternative, un peu plus intelligente, un peu plus personnalisée, à ces apps là. Parce qu’on a une approche « privacy by design ».
C’est-à-dire?
Sur Google Photos, quand on charge l’appli, les photos partent sur des serveurs. On accepte qu’elles soient traitées et analysées par Google, c’est le jeu, le produit est gratuit.
Nous, on traite vraiment en local sur le téléphone, donc nous sommes la solution pour ceux qui sont dérangés à l’idée de partager leurs photos avec ces géants. On fait la même chose que Google Photos mais avec cette approche tournée vers la vie privée.
Par quel moyen Zyl parvient-il à repérer les doublons ou à déterminer quelle photo est la meilleure dans une série de clichés identiques ?
Le processus est compliqué mais il y a notamment une partie algorithmique très simple où on regarde la qualité de la photo d’un point de vue technique. Est-ce qu’elle est floue, nette, contrastée ? On compare l’histogramme des photos similaires.
On recourt aussi à du machine learning qui a appris ce qu’était une belle photo. Attention, ça reste compliqué, le système n’est pas parfait et nécessite encore beaucoup de travail !
Mais on commence à trouver des photos qui sont jolies parce qu’on a entraîné des ensembles de données en deep learning, qui arrivent à déterminer qu’une photo est jolie parce qu’elle est bien exposée, parce qu’il y a un flou à un endroit et un visage net à un autre… C’est une analyse technique et intelligente de la photo.
L’IA s’appuie-t-elle justement sur les photos des utilisateurs — en les anonymisant — pour s’améliorer ?
On n’utilise aucunes photos de nos utilisateurs, ni même leurs métadonnées. Nous avons accès à des jeux de données (photos en masse) qui nous permettent d’entraîner les modèles, qui sont ensuite envoyés sur les téléphones en inférence. Il n’y a donc pas d’échange entre le serveur et le téléphone.
Sauf quand on invite ses amis à participer à la galerie ?
Il faut bien faire la différence entre les galeries. On a d’un côté la galerie personnelle, sur son téléphone : aucun cliché n’est envoyé sur le serveur.
En revanche, évidemment, quand on crée un album collaboratif, on a un accès web. Mais là encore, il n’y a pas de traitement de photo sur les serveurs.
Les photos traitées dans l’appli dupliquent-elles celles déjà présentes sur le smartphone ?
Non, on prend les photos du téléphone, sans les dupliquer. C’est la même base de données : supprimer les photos sur Zyl les supprime sur le téléphone. On aide ainsi à gérer le stockage pour tous les possesseurs de smartphones qui manquent de place, en indiquant les doublons, les photos ratées.. On sait qu’on peut faire économiser, en 10 minutes, entre 13 à 15 % d’espace.
En 10 minutes, on peut faire économiser entre 10 à 15 % d’espace sur un smartphone
On propose aussi une fonctionnalité Cloud : une fois activée, elle permet de stocker les photos sur le Cloud Zyl, qui nécessite une connexion à Internet.
Comment Zyl parvient-il à créer des albums par thème, comme un voyage ou une soirée d’anniversaire ?
C’est le même principe : on utilise un modèle de deep learning qui tourne et essaye d’analyser plein de choses. Je ne ne peux pas non plus tout révéler vu que c’est un peu notre secret (rires).
Mais, en gros, ce qu’on regarde, c’est l’usage personnel de la caméra : combien de photos l’utilisateur prend par jour ? On arrive à déterminer, à l’aide de variables, etc., qu’il prend, à un moment donné, plus de photos que d’habitude, ce qui veut a priori dire qu’il vit un moment [spécial]. Ensuite, on regarde aussi la position GPS grâce aux métadonnées de la photo.
L’idée, c’est d’arriver à distinguer entre les photos de palmiers, de mer, et la présence ou non de personnes dessus, le fait que les photos ont été prises sur 5 ou 7 jours… on mélange tout ça et on arrive à déterminer si l’utilisateur a vraiment vécu un événement, comme un mariage, une soirée…
Quels sont les principaux apports de la nouvelle IA de Zyl ?
À la différence de beaucoup d’IA qui sont des algorithme améliorés — on a mis le mot « algorithme » derrière « IA » –, il s’agit ici d’une assistante. Elle s’appelle Zyl [pour « Zest your life »], elle prend la forme d’un droïde sympa et discute avec l’utilisateur.
Ce n’est pas juste une notification reçue qui dit : « Vous pouvez faire ça ». Elle aide vraiment à éduquer sur la gestion des photos, en disant par exemple : « Vous avez pris tant de photos hier, je vous les montre. Celle-ci ne sert à rien, celle-ci est utile… » Elle aide au quotidien, c’est un vrai compagnon.
Comment l’appli appréhende-t-elle les captures d’écran, qui peuvent fausser le catalogue de photos ?
Elle ne les traite pas encore à ce stade mais ce qu’on aimerait faire à l’avenir, c’est permettre à Zyl de dire : « Vous avez tant de photos qui sont inutiles », par exemple avec un ticket de caisse photographié pour en faire une note de frais. On veut détecter tout ça pour montrer ces captures sur une poubelle temporaire et pouvoir supprimer 50 photos d’un coup.
Le but n’est pas de battre Apple ou Google mais simplement d’être la meilleure alternative
On espère aussi aller plus loin en permettant de détecter les tickets Ikea, notamment : en cliquant sur la photo, on arriverait directement sur la page du produit. Et faire pareil avec les notes de frais : vous paramétrez votre Dropbox sur votre dossier Notes de frais et dès que vous prenez en photo un ticket de caisse, ça les envoie dessus.
Sur quoi repose votre modèle économique ?
On en a plusieurs. Le premier, c’est un achat dans l’appli : on permet à nos utilisateurs d’imprimer des photos de leurs albums et de se les faire envoyer directement chez eux. C’est un service assuré par un partenaire, Cheerz, qui prend une commission là-dessus.
Le deuxième business-model, c’est l’événementiel : on propose notre solution à des entreprises et des organisateurs d’événement pour que les participants regroupent leurs photos. C’était le cas par exemple au Web2Day avec l’équipe interne : pour fédérer l’équipe, chacun mettait des photos de telle ou telle scène, de ce qui se passait à un endroit et à un moment précis, etc. Ça crée une cohésion, une communauté fermée — parce que privée — mais ouverte. On vend donc cette solution : l’accès à un back-office pour gérer les photos, les albums, les commentaires tandis que les utilisateurs finaux de l’événement, eux, utilisent la version du store.
Troisième élément : on se focalise actuellement sur la partie « souvenirs » des entreprises. Quand elles organisent des événements, du team-building, comme un escape game, elles ne centralisent pas forcément ces photos. Du coup, quand une nouvelle recrue arrive, comment leur montrer ces photos et ce qui s’est passé avant ? On veut devenir la première plateforme d’agrégation du souvenir dans les entreprises, connectée à Slack, qui envoie, toutes les semaines ou à un autre rythme, des photos pour montrer ce qui s’est passé.
Enfin, notre dernier business-model, c’est de vendre notre technologie à des constructeurs de mobile et des opérateurs.
En plus d’un an d’existence, quels sont les principaux retours des utilisateurs ?
La fonctionnalité la plus populaire reste celle des doublons, car elle libère beaucoup d’espace. Nos béta-testeurs, eux, nous ont dit que les souvenirs restaient la meilleure option, pour tirer profit de ces souvenirs inexploités.
Maintenant, il faut accélérer. On a enregistré plus de 200 000 téléchargements en un an, et l’idée c’est d’être beaucoup plus fort. On va être aidé par de grosses entreprises. Notre objectif est d’atteindre le million de téléchargements en fin d’année 2017 ou au premier trimestre 2018.
Comment s’assurer que le concept de Zyl ne va pas être copié, notamment après avoir refusé des propositions de rachat ?
À cause du retard accumulé. Si une entreprise veut faire ce qu’on fait, c’est bien plus malin pour elle de venir nous racheter avec une proposition intéressante plutôt que de se lancer de zéro. Ils ont un retard énorme sur nous, ils n’ont pas la vision qu’on a, ni les ressources internes. On a mis du temps à recruter cette équipe de 15 personnes, les chercheurs en deep learning… Et des bons ! On a fait 220 entretiens pour recruter 7 personnes.
Ça prend du temps et les personnes qui veulent nous copier n’ont pas intérêt à le faire. La preuve : ils viennent nous voir directement.
Et à terme, que ferez-vous si Facebook ou un autre grand géant de la tech vient frapper à votre porte ?
On regarde toujours. On veut vraiment devenir le Telegram de la gestion photo : c’est un WhatsApp complètement sécurisé. Maintenant, c’est vrai que WhatsApp est sécurisé aussi, mais l’idée, comme je le disais, est d’être une alternative aux grands noms. Je nous vois bien exister comme ça longtemps.
Cela dit, comme toute startup ou tout entrepreneur, quand on tape à votre porte avec une super proposition… on ne refuse pas toujours.
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