Poussés par la députée écologiste Isabelle Attard, les ministères français ont commencé à lever le voile sur les dépenses en logiciel (propriétaire ou libre) sur la période 2008 – 2012. Si toutes les administrations n'ont pas répondu et si certains retours sont incomplets, la démarche de la parlementaire permet de lever une partie du voile sur les dépenses logicielles de l'État.

En mai, la députée écologiste Isabelle Attard s'est retroussée les manches et a adressé aux différents ministères exactement la même question. L'élue du Calvados souhaitait connaître "le montant des dépenses en logiciel, en distinguant les logiciels propriétaires des libres, au sein du ministère et des administrations qui en dépendent, pour chaque année de 2008 à 2012".

Elle demandait en outre des précisions sur "les études d'opportunités de migration de logiciels, l'intégration de ce critère dans les appels d'offres, les projets de migration de logiciels propriétaires vers des logiciels libres ou encore la mise à disposition des sources de logiciels développés en interne ou par un prestataire, au sein du ministère et de l'intégralité des administrations qui en dépendent".

Numerama fait le point sur l'initiative de la députée, en passant en revue les ministères qui ont répondu et ceux dont la réaction se fait attendre. L'accent est porté sur les éléments chiffrés livrés par les administrations, lorsque ceux-ci ont pu être calculés. Les ministères pointent pour la plupart la difficulté de l'exercice, d'obstacles méthodologiques et pratiques et de l'impossibilité d'isoler la dépense logicielle dans le cadre d'achats spécifiques.

Les ministères qui n'ont pas encore répondu

Trois mois après l'initiative d'Isabelle Attard, plusieurs services de l'État n'ont toujours pas répondu aux sollicitations de la parlementaire. Parmi les absences de réponse notoires se trouvent plusieurs grands ministères : l'Intérieur, la Justice, le Travail ou encore l'Enseignement supérieur. Au total, quinze requêtes attendent une réponse. Voici la liste :

Les ministères qui ont répondu

En revanche, d'autres ministères ont répondu. Les informations fournies à la députée varient selon les administrations. Dans certains cas, les services de l'État ont pu donner une réponse chiffrée pour les dépenses concernant les logiciels propriétaires et une autre pour les frais liés aux logiciels libres. Parfois, cette distinction n'a pu être faite. Enfin, quelques retours ne comportent aucun donnée.

Concernant le ministère des Affaires étrangères et ses quatre composantes (Affaires européennes, Francophonie, Développement et Français de l'étranger), aucune information. Il n'y "a pas de comptabilité analytique séparant les investissements logiciels, propriétaires ou en libre. La plupart des systèmes d'information mixent les composants propriétaires et libres dans leur architecture technique. Le décompte comparé entre les deux familles de logiciels, sur la période 2008-2012 n'est pas possible".

Concernant le ministère de l'Éducation nationale, la réponse cible l'année 2012. La dépense "s'est élevée à 4,27 millions d'euros dont 220 000 euros dépensés en prestations de support aux logiciels libres", le ministère précisant "qu'en matière de dépenses et dans le cadre de la mutualisation des achats, l'administration centrale du ministère prend en charge une partie des achats de logiciels et de supports pour l'ensemble des services centraux et déconcentrés".

Au ministère de l'Économie et des Finances, l'évaluation concerne 2008 à 2011 : 79 125 371 euros pour 2008, 95 188 906 euros pour 2009, 89 610 214 euros pour 2010 et 96 341 040 euros pour 2011. Bercy ajoute qu'il a "injecté des montants significatifs dans l'écosystème du logiciel libre. Pendant les 4 années du précédent marché de support, de fin 2008 à fin 2012, ce sont ainsi 22 726 611 euros qui ont été versés". La réponse de Bercy concerne aussi le ministère du Budget, le ministère délégué au Commerce extérieur, le ministère délégué aux PME, à l'Innovation et à l'Économie numérique, celui délégué à l'Économie sociale et solidaire et à la Consommation et celui délégué au Redressement Productif.

Du côté de la Défense, les informations portent sur 2008 à 2011. Les coûts sont évalués à 65,4 millions d'euros pour 2008, 77,2 millions d'euros pour 2009, 70,1 millions d'euros pour 2010 et 70,3 millions d'euros pour 2011. La défense a tenu à préciser que l'évaluation des coûts en la matière "s'avère complexe et doit tenir compte de plusieurs paramètres", ce qui empêche d'avoir un suivi très précis sur ce sujet et encore plus de distinguer ce qui relève du propriétaire ou du libre. Cette réponse concerne aussi le ministère délégué aux Anciens combattants.

Concernant les ministères délégué à la Ville et délégué aux Transports, à la Mer et à la Pêche, rattaché pour le premier au ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie et pour le second au Ministère de l'Égalité des territoires et du Logement, la réponse est la même car "les budgets informatiques de fonctionnement [des deux services] sont communs. Depuis 2008, ces deux ministères dépensent environ 6 millions d'euros par an en logiciels propriétaires (licences et support)". Et d'ajouter "qu'une politique volontariste vers le logiciel libre" devrait réduire encore ce poste de dépense.

Le ministère de la Réforme de l'État, de la Décentralisation et de la Fonction publique reprend à son compte une partie des remarques vues dans les réponses d'autres ministères sur la difficulté d'un tel exercice d'évaluation. Cependant, l'administration évalue la dépense à 241 millions d'euros en 2008, 297 millions d'euros en 2009, 266 millions d'euros en 2010 et 308 millions en 2011. Cette réponse concerne le ministère délégué à la Décentralisation.

Le ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt a livré l'une des réponses les plus détaillées. Elle concerne aussi le ministère délégué à l'Agroalimentaire. La voici reproduite sous forme de tableau :

ANNÉE LOGICIELS
propriétaires
bureautique
LOGICIELS
propriétaires
infrastructure
LOGICIELS
libres
2008 111 k€ 679 K€
2009 470 k€ 1 350 k€
2010 555 k€ 1 750 k€ 154 k€
2011 110 k€ 1 291 k€ 492 k€
2012 86 k€ 1 828 k€ 174 k€

Le ministère de la Culture et de la Communication a également fourni une réponse détaillée de ses dépenses en matière de logiciel. le segment 1 regroupe les 10 premiers éditeurs (Microsoft, Bull, Oracle France, IBM, Business Objects, SAP France, SAS Institute, Hewlett Packard France, Sybase France, HR Access Solutions), le segment 2 les logiciels et support des petits et moyens éditeurs et fournisseurs (directs et indirects) et le segment 3 porte sur des logiciels spécialisés. Le second tableau traite des "dépenses en test, support ou enrichissement de souches libres".

  2008 2009 2010 2011
Segment 1 : 480 k€ 500 k€ 380 k€ 730 k€
Segment 2 : 790 k€ 580 k€ 680 k€ 960 k€
Segment 3 : 390 k€ 490 k€ 530 k€ 130 k€
Total : 1 660 k€ 1 570 k€ 1 590 k€ 1 820 k€

 

  2008 2009 2010 2011 2012
Total : 620 k€ 210 k€ 230 k€ 220 k€ 420 k€

Le ministère des Relations avec le Parlement aura pour sa part livré la réponse la plus concise. Dans la mesure il "ne dispose d'aucune administration relevant de son autorité", il n'engage aucune dépense logicielle significative.

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