L’échiquier politique sur le projet de loi DADVSI reste totalement illisible deux jours seulement avant l’examen du texte au Sénat, et à quelques jours de la grande manifestation anti-DADVSI organisée le dimanche 7 mai à Paris. Ce qui est sûr ce soir c’est que les socialistes, qui avaient montré leur unité contre le projet du ministre Renaud Donnedieu de Vabres (RDDV), vont perdre des points de popularité dans le coeur des internautes.
Michel Charasse, sénateur socialiste et maire de Puy-Guillaume, a déposé une série d’amendements renforçant le pouvoir des lobbys industriels et allant contre l’intérêt des internautes et surtout du logiciel libre. Le plus symbolique de ces amendements sera le 73, qui propose la suppression pure et simple de tout le dispositif voté en faveur de l’interopérabilité par l’Assemblée Nationale. « N’en déplaise aux intégristes du logiciel libre et aux associations de consommateurs, ce n’est pas en violant le droit de propriété, base du droit français et du droit européen, que nous défendrons notre place ni dans l’univers de la culture ni dans celui du numérique« , dénonce le sénateur dans les motivations de son amendement. Michel Charasse juge les dispositions de l’article 7 sur l’interopérabilité « absurdes et absconses« .
« C’est absolument scandaleux« , s’étrangle Christophe Espern, membre actif du collectif EUCD.info qui se bat pour défendre la place du logiciel libre dans le projet de loi. « C’est à croire que Michel Charasse n’a aucune connaissance de l’économie du logiciel, et en particulier du logiciel libre« , nous confie-t-il.
M. Espern rappelle que Sun Microsystems, avec ses 31.000 employés et ses 11,1 milliards d’euros de chiffre d’affaires, est à la fois l’un des plus gros groupes de l’industrie logicielle au monde et un fervent défenseur de l’article 7 voté par l’Assemblée Nationale en faveur de l’intéropérabilité. « Peut-on dire de Sun qu’ils sont des intégristes ?« , demande Christophe Espern. La semaine dernière, les membres du Consortium ObjectWeb (qui compte entre autres Bull, France Télécom, Thales, Dassault Aviation, l’INRIA, le CNRS…) ont envoyé une lettre ouverte aux sénateurs. Le président du Consortium, Jean-Pierre Laisné, met en garde le législateur s’il modifie l’article 7 voté par les députés. L’adoption d’amendements contraires « serait de nature à placer la France dans une position délicate et à affaiblir encore un peu plus son industrie du logiciel, déjà en difficulté« .
Renaud Donnedieu de Vabres attendu après ses déclarations
De son côté, le ministre de la culture RDDV s’est prononcé dans le International Herald Tribune en faveur de la défense de l’interopérabilité. « Nous attachons beaucoup, beaucoup, beaucoup d’importance au logiciel libre« , clame Donnedieu de Vabres au quotidien international. Se faisant presque le défenseur d’un article de loi auquel il avait pourtant donné un avis défavorable, le ministre explique dans l’IHT qu’il souhaite « casser avec cette loi toute main-mise qu’une technologie peut avoir sur une œuvre« . « Quand j’achète une musique ou une vidéo sur Internet, ça devrait être comme avec un CD ou un DVD, je devrais pouvoir la lire sur n’importe quelle machine« , défend RDDV, qui confesse posséder un iPod et avoir acheté des chansons sur iTunes. Le ministre préféré des internautes est donc bien au courant des problèmes d’interopérabilité…
Mais ira-t-il jusqu’à défendre l’article 7 au Sénat ? Rien n’est moins sûr. Le ministre sera également très attendu sur l’article 12 bis qui pose de nombreuses menaces sur l’industrie du logiciel (libre et propriétaire) en pénalisant la conception des outils de P2P au lieu d’en pénaliser le seul usage.
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