Le Festival d’Annecy, dédié à l’animation, n’est pas seulement l’occasion de découvrir des œuvres plus ou moins marquantes.
Nous avons profité de notre passage à cet événement de référence pour rencontrer Rachid El Guerrab, directeur de projet pour Google Spotlight Stories, le département du géant dédié à la création de films immersifs à 360° pour smartphones.
Il revient pour Numerama sur les particularités de cette nouvelle forme de création.
Avez-vous des exemples concrets d’astuces utilisées afin de garder le spectateur dans la narration ?
C’est l’une de nos priorités dans nos projets. On va partir du principe que le film contient déjà quelques indices afin de guider le spectateur, comme des animations ou des sons particuliers.
L’étape suivante, c’est d’adapter nos animations ou nos scènes en fonction de l’attitude du spectateur. En gros, dans nos projets VR, on sait où les gens doivent normalement diriger leur regard. C’est une grosse information ! Du coup, lors de la création du film, on anticipe aussi où ils ne devraient pas regarder et on crée des plans alternatifs, des boucles ou des pauses en conséquence. C’est la première technique de base.
L’idée est donc de toujours garder l’expérience vivante…
Exactement. Même quand le spectateur ne regarde pas l’intrigue principale, il doit se passer des choses. On crée donc des animations parallèles pour qu’il ne se sente pas trop isolé. Et dès que le spectateur a le dos tourné, on en profite pour changer de plan derrière lui. On fait des cuts behind the scene où on peut changer tout l’environnement. L’important, c’est de garder une sensation de fluidité.
On peut aussi, parfois, créer des personnages complémentaires comme animation secondaire, qui vont ramener le spectateur vers l’attraction principale.
Mais du coup, si on décide de jouer un peu les rebelles et de regarder complètement autre chose que le sujet principal, que se passe-t-il ?
Quand l’interface détecte que tu ne regardes pas le sujet principal, elle peut faire apparaître par magie des personnages plus proches de toi. Ou encore dans Duet, même si la fille et le garçon sont toujours en train de courir loin de toi — et l’un de l’autre — peu importe si tu te tournes un petit peu, tu les vois toujours.
Comme on ne veut pas que le spectateur les perde, on les garde juste un petit peu en dehors du champ, en anticipation. On peut aussi, parfois, créer des personnages complémentaires comme animation secondaire qui vont ramener vers le spectateur vers l’attraction principale.
Toujours dans Duet, si on reste un peu trop longtemps dans l’arbre, l’interface va pouvoir le détecter et envoyer un petit papillon pour ramener le spectateur vers le sujet principal. On aura créé en amont quelque chose de naturel, qui se fond totalement dans l’environnement.
Comment arrivez-vous à détecter lorsqu’on s’égare du sujet ?
Si on voit que la personne bouge activement, l’interface détecte que tu as l’intention d’aller ailleurs. Ou si la personne reste statique ou bouge de manière totalement aléatoire, un mouvement de caméra particulier va se lancer. Ou alors, si le spectateur décide de vraiment rester bloqué sur un personnage, l’interface peut décider de le laisser dessus. Il y a vraiment plusieurs options possibles.
En animation, le plus dur, c’est de travailler avec des artistes de films « traditionnels » et de leur faire changer leur façon de voir les choses pour s’adapter à la VR
Quels sont vos plus gros challenges techniques ?
(Rires) Tous ! En général, on aime choisir des projets qui seront intéressants et qui comprendront des challenges. En animation, l’une des plus grosses difficultés c’est de travailler avec des artistes issus du monde du film « traditionnel » et de leur faire changer leur façon de voir les choses pour s’adapter à la VR.
On dit aux animateurs que c’est un peu comme au théâtre, il n’y a pas de caméra avec des plans fixes ou prédéterminés. Il faut plus se voir dans la peau d’un metteur en scène que d’un réalisateur, c’est plus comme de l’architecture plutôt que de la peinture.
Dans une maison; tu dois te sentir bien partout, peu importe où tu regardes. En VR, c’est pareil, on doit vraiment penser aux pauses de l’audience et aux vues sous tous les angles car le spectateur peut regarder partout. C’est une tout autre manière de travailler.
En visionnant vos projets, j’ai pu observer que vous placiez régulièrement les smartphones dans un petit frigo. Est-ce que la chaleur peut altérer la qualité de l’expérience VR ?
Oui, pour le moment les smartphones ne possèdent pas la technologie nécessaire pour supporter autant d’activité d’un coup sur du long terme. Ce n’est pas comme les consoles de jeux vidéo qui ont été créées pour pouvoir supporter une grosse charge de plans.
C’est vraiment un gros challenge, les téléphones se réchauffent super vite et ils n’ont pas un bon système d’aération. C’est un peu comme le corps humain : pour faire baisser sa température, il va brûler moins d’énergie. Du coup, en VR, après un certain temps, la vitesse de lecture des plans risque de baisser. Quand on fait des présentations au grand public, on est donc obligés de refroidir les appareils entre deux utilisations.
Combien de temps au maximum un téléphone peut-il fournir une qualité de visionnage VR maximale ?
Ça va dépendre du film. Mais pour de la très bonne qualité, je dirais dix ou douze minutes maximum. Au delà, la qualité commence à baisser.
La musique est un bon moyen de diriger les gens pour leur dire que quelque chose de cool se passe ici ou là.
La musique joue aussi un rôle très important. Pourquoi ?
En général, le sound design est toujours important. On essaye de faire en sorte que le spectateur soit immergé dans l’expérience VR visuellement mais aussi musicalement. Toutes les choses interactives seraient beaucoup difficiles à cerner sans son, car c’est impossible de tout voir.
La musique est un bon moyen de diriger les gens pour leur dire que quelque chose de cool se passe ici ou là. On doit donc faire super attention à l’utilisation du sound design pour être sûr de diriger la personne au bon endroit.
J’imagine que vous adaptez également les musiques et bruitages en fonction de l’emplacement du spectateur ?
Oui. Dans Pearl, on a utilisé plusieurs techniques afin de faire comprendre que la musique peut provenir de plusieurs endroits. Par exemple, il y a une scène où la musique est jouée par le père et on peut l’entendre depuis la voiture avec la porte ouverte. C’est une piste qui a été enregistrée différemment de celle que l’on entend avec la porte fermée ou depuis l’extérieur de la voiture. Du coup, notre musicien a enregistré plusieurs fois la même musique de plusieurs endroits différents !
Comment décidez-vous du temps que durera une musique ?
On sait que le temps que le spectateur passe sur une scène peut être flexible, donc on se pose toujours la question : on fait quoi avec la musique ?
En fait, on crée plusieurs couches. Une piste va pouvoir continuer, mais si tu regardes ailleurs, elle va s’étendre ou se compresser. C’est hyper intéressant ! Mais il faut vraiment être synchronisé à la perfection.
Dans le clip de Gorillaz, Saturn Barz, qui contient déjà une chanson linéaire, comment vous assurez-vous que le spectateur reste concentré sur l’intrigue principale ?
On ne peut pas vraiment agir, en fait. À partir du moment où la musique commence comme piste principale, l’audio devient linéaire jusqu’à la fin. Pas comme dans Pearl ou la musique peut s’arrêter et reprendre naturellement.
Dernière question : que nous réserve l’équipe de Google Spotilght Stories dans les deux années à venir ?
(Rires) Deux ans ? C’est long ! On va continuer à travailler sur de nouvelles productions mais on a aussi des projets en développement qu’on va montrer bientôt, tels que Son of Jaguar ou encore Sonaria.
On travaille aussi sur de nouvelles formes d’interaction ou sur des projets de réalité augmentée. Enfin, on aimerait réussir à créer des histoires qui peuvent être partagées sur les réseaux sociaux… En bref, on a du taff !
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