La voiture autonome est très probablement l’une des révolutions qui attend le marché de l’automobile mais également les politiques d’aménagement du territoire et les stratégies d’urbanisation. Tous les constructeurs n’ont pas encore dévoilé leurs cartes et si on cite souvent Tesla en champion de ces technologies de demain, c’est oublier que des entreprises comme Google et Uber sont déjà dans la course, tout comme des constructeurs de l’automobile traditionnelle.
Pour l’annonce de son Audi A8, le géant de l’auto possédé par Volkswagen a vu les choses en grand du côté des technologies : fière, l’entreprise a présenté sa vision de la voiture autonome à court terme. Le pilote automatique de l’Audi A8 repose sur deux axes. D’un côté, la voiture peut se garer et sortir de sa place toute seule, sans même que le conducteur soit dans l’habitacle. De l’autre, l’A8 dispose d’un mode « mains libres » total jusqu’à 60 km/h dans des conditions précises (sur autoroute séparée par une barrière).
Pour faire fonctionner ces modes, Audi se base sur trois composants : un LIDAR, une caméra à l’avant, un radar et des capteurs d’ultra son. C’est un cahier des charges classique pour ce type de fonctionnalité, même si Audi est le premier constructeur à proposer un LIDAR sur une voiture commercialisée — Tesla se passe en effet de la technologie que Musk n’aime pas tout en équipant les Model S et X sortis d’usine de suffisamment de capteurs pour prévoir une autonomie de niveau 5.
Les deux options semblent parfaitement intégrées à l’Audi A8, mais c’est du côté du déploiement et de la mise en place que le constructeur a laissé quelques observateurs pantois — et nous avec. Première difficulté à résoudre : le terme employé par Audi pour parler de ses fonctions autonomes.
Ni du niveau 3, ni du niveau 4
On se souvient tous que Tesla avait eu de gros problèmes avec son Autopilote ou Pilotage automatique qui induisait en erreur (même si sémantiquement, Tesla avait raison dans la mesure où le pilotage automatique sur un avion ou un bateau n’a jamais impliqué de l’autonomie totale). Cette fois, Audi nomme sa technologie « AI Traffic Jam Pilot », sur le modèle du Traffic Jam Assist déjà présent sur les dernières Volkswagen.
C’est donc comme un assistant pour les embouteillages que le système d’Audi est présenté — ce qui l’empêche de prétendre à l’autonomie de niveau 3 (conditionnée par le type de route et non pas par la situation dans laquelle se trouve le véhicule). Et pourtant, dans ses fonctionnalités avancées par Audi, on serait dans de l’autonomie de niveau 4 : la conduite par le véhicule est avancée comme totale dans les conditions définies, mais qui sont des conditions que le constructeur donne lui-même.
On se dit alors que ce terme marketing est là avant tout pour tourner autour de la limite des 60 km/h. Comme le système n’est fiable que jusqu’à cette vitesse limite, Audi n’a trouvé qu’un moyen pour communiquer dessus : il est utilisable dans les seules conditions de route où cette limite a du sens, c’est-à-dire un trafic ralenti ou embouteillé sur autoroute. À voir si un circuit comme le périphérique parisien entrera dans cette case, dans la mesure où les voies sont séparées et où les 70 km/h sont rarement atteints en période de pointe. Reste qu’associer la conduite autonome aux embouteillages et parler en même temps d’autonomie d’un véhicule est une idée pour le moins étrange qui risque de perturber l’utilisateur sur les possibilités d’utilisation réelles de la fonctionnalité.
L’autre souci, c’est que Audi estime nécessaire aujourd’hui de faire un déploiement pas à pas de la technologie. Il faut donc lire qu’en achetant l’une des premières A8 sorties des usines, vous n’aurez pas cette option complètement déployée. C’est un moyen intelligent pour progresser en même temps que les juridictions, mais comme elle a été présentée, la technologie n’est déjà pas révolutionnaire : elle est en retard par rapport à Tesla et on se dit qu’un niveau inférieur de ce AI Traffic Jam Pilot ressemblerait tout simplement au Traffic Jam Assist de Volkswagen déjà bien connu. Dès lors, difficile de parler d’un progrès réel, plus d’un progrès potentiel qui sera permis par des mises à jour logicielles ultérieures. Mais Audi pourra-t-il communiquer sur cette fonctionnalité bridée en lui donnant le même nom que la fonctionnalité complète ? Difficile.
Dans un sens, on se réjouit de voir que les constructeurs européens avancent sur la conduite autonome et proposent du matériel qui permettra à terme de pousser vers les niveaux d’autonomie 3, 4 et 5. On regrette pourtant qu’Audi adresse ce problème fondamental avec une maladresse qui risque de perturber les clients plus que de les rassurer — d’autant que les niveaux d’autonomie sont encore loin d’être, aujourd’hui, des éléments connus du public.
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