Combien de crises chez BlackBerry depuis nos derniers souvenirs avec les Bold de notre jeunesse ? Passé de mains en mains pour finir acoquiné avec le Chinois TCL, Research in Motion, depuis devenu sobrement BlackBerry, nous avait dérouté à de multiples reprises. Puis la décision de se tourner vers Android rassurait : avec son passé faste, la marque canadienne avait beaucoup à apporter au petit monde de Google.
Le BlackBerry Priv nous avait intrigué. Vrai flaghship de la marque, il ressuscitait un monde disparu en le mêlant à Android. Le résultat était inégal, le cocktail pas tout à fait maitrisé : en somme, la route était encore longue, mais la voie semblait bonne.
Il s’en est suivi un mobile de moyen gamme entièrement tactile, avec un faux air d’Alcatel, l’œuvre du chinois TCL. Vendu comme un téléphone sécurisé mais décevant techniquement, nous avons passé notre tour avec ce modèle, préférant attendre un vrai retour de la marque à la mûre. Et puis niveau sécurité, il faut toujours se rappeler de ce que Blackberry soutient… on est loin d’un Apple.
Ce smartphone, c’est le KeyOne, un autre engin Android « sécurisé » mais au design singulier, quasi retro : le KeyOne rappelle, sans détour, les géniaux Bold.
Le plaisir d’un design sans âge
Clavier physique complet, teintes noires et reflets argentés, faux-air de PDA, design anguleux et LED de notification : le BlackBerry de notre jeunesse est revenu. Au premier regard, le KeyOne séduit. Un peu lourd, assez épais mais très agréable à prendre en main, la smartphone sort des sentiers battus par Apple et Samsung.
Il rappelle, dès que notre paume se referme sur lui, inexorablement les BlackBerry d’avant. Et c’est une qualité pour les anciens utilisateurs : un objet fonctionnel, robuste et bien fini, dont l’élégance discrète n’est pas tape à l’œil. Nous le posons sans mal sur la table d’un café auquel nous sommes installés, entre un Moleskine et un Mac : il ne dépareille pas.
Son revêtement arrière, un plastique caoutchouteux piqué, est cerné d’un régulier cadre en aluminium qui forme l’appareil. À l’avant, l’aluminium entoure un écran en verre légèrement recourbé sur ses tranches mais parfaitement anguleux en façade. En glissant vers le bas de l’écran, on trouve les touches tactiles traditionnelles d’Android, et enfin, un clavier physique très scrupuleusement aligné à l’écran. Celui-ci est court, quatre rangées de toutes petites touches sans relief. À la vue et au toucher, le clavier est sobre et pratique. Mais l’inclinaison et le toucher viennent nous prévenir : ce n’est pas le clavier physique avec lequel vous écrirez un roman.
Ce qui charme dans le design et la tenue en main du smartphone, c’est évidemment l’impression de robustesse et de minimalisme. Aucune fioriture, des lignes retenues, des matières discrètes et une sévérité bienvenue. Business sérieux.
Smartphone pour adulte
Nous avons enfin le sentiment de prendre en main un smartphone pour adulte. Les caractéristiques techniques du mobile viennent confirmer le sérieux apparent : le processeur un peu faible ne permettra pas d’enchaîner les parties d’Angry Birds. Tant pis, on laisse ça à d’autres : nous n’avons jamais aimé les oiseaux et les cochons. Il y a un temps pour tout dans la vie, et donc, un smartphone pour tout.
C’est peut-être snob, mais nous apprécions au quotidien d’avoir un appareil pensé pour un usage mature de la téléphonie mobile. Les couleurs criardes, les fonctionnalités loufoques, les capteurs improbables : ça va bien un moment.
Allumé, le mobile confirme cette impression, même les couleurs froides, un peu bleutées, de son écran 4,5″ semblent en phase avec l’idée générale. Ensuite, les multiples options de sécurité proposées par BlackBerry confèrent au système son gage de sérieux attendu (si comme on l’a mentionné, on omet la philosophie récente de la firme) : chiffrement du téléphone par défaut, quelques conseils de bonne utilisation et un gestionnaire des mots de passe. En outre, le capteur d’empreintes, glissé sur la touche espace, est de très bonne facture et son emplacement tombe sous le sens.
Passons rapidement en revue les modifications logiciels de BlackBerry à Android : en plus des options de sécurité, on retrouve le Hub, avec les messages, un agenda, une liste des tâches et de la prise de note. En somme, la suite que l’on se doit de retrouver sur un téléphone professionnel. Les solutions font néanmoins parfois doublon avec celles du système.
Le Hub des messages par exemple est une vraie déception. Alors que sur les OS de R.I.M., celui-ci était une vraie killer-feature — toutes les messageries, toutes les API, réunies dans une seule interface cohérente — sur Android, le Hub n’est que l’ombre de lui-même. Il s’agit en réalité d’un raccourci vers des notifications et il est impossible de rester dans le Hub pour répondre. Ce n’est pas très logique et cela se montre même contreproductif : ainsi, si je souhaite écrire un message je vais lancer par habitude le Hub, mais ce dernier ne sera bon qu’à lancer une autre application, celle des SMS, pour finir ma tâche. On perd de nombreux clics et ce n’est pas très cohérent.
Le sentiment est assez similaire avec un certain nombre d’ajouts qui semblent mal s’adapter à Android et manquent de cohérence. C’est dommageable : on attendait naturellement BlackBerry côté software. En fin de compte, on remercie le dépouillement de la version d’Android qui est installée et on oublie assez rapidement les ajouts du Canadien. Et malheureusement, BBM, illustre messagerie, est désormais plus déserte que Mars : les contacts d’autrefois s’en sont allés vers iMessage et consorts.
Un clavier qui déroute et agace
Les déceptions ne s’arrêtent pas au logiciel : le clavier est un deal breaker. Plus étroit et moins haut que les claviers physiques des anciens BB, le pavé est une plaie au quotidien. Ajoutons qu’en 2017, nous utilisons avec dextérité des claviers virtuels prédictifs et fluides. Les plus extrêmes utilisent même des swipe pour écrire : autant dire que le physique est lourdingue.
Les premiers jours de mon test sont criblés d’erreurs, d’abréviations ignobles et de typos. L’habitude semble revenir après une semaine, mais jamais mon autre smartphone ne me quitte : je ne veux pas risquer de perdre 25 minutes pour écrire les pavés dont j’ai le secret lorsque, génération Y oblige, je préfère écrire qu’appeler. Pénible, le clavier ne cessera de l’être, même lors des derniers jours du test. Il est difficile de trouver de quoi le sauver : le caps lock est une aberration, les emojis sont cachés dans des couches de sous-menus, et la prédiction — affichée à l’écran — n’est pas d’un suffisant secours.
Le clavier fait également office de pavé tactile, rappelant le charme de la trackball de nos Bold. En glissant nos doigts dessus, nous pouvons naviguer dans l’interface comme avec un pavé traditionnel. Toutefois, on s’étrangle de voir que la norme n’est pas respectée dans toutes les applications : pour certaines, le pavé est simplement inopérant sans raison apparente. Plus généralement, on utilisera rarement celui-ci : trop petit et peu précis, il n’a guère d’autre intérêt que la nostalgie des trackballs, mortes avec l’avènement du tactile.
Notons enfin que l’autonomie du KeyOne est véritablement excellente : notre collègue Romain de FrAndroid constate une durée de vie de 27 heures avec une utilisation sévère de l’appareil. On confirme cette bonne impression.
Côté photo, aucun miracle n’est à attendre. En premier lieu, le capteur frontal est décevant malgré les nombreuses options dont il dispose. Le capteur de basse qualité fournit des images voilées, sans piqué et souvent floues : elles bavent. Oubliez Snapchat sur le téléphone. Le capteur dorsal est lui bien plus satisfaisant, on remercie les options nombreuses, sans toutefois apprécier les couleurs ternes et une précision aléatoire.
On aurait sans doute préféré aimer le KeyOne… c’est malheureusement compliqué. Il demande trop d’efforts d’adaptation, on perd trop de temps sur son clavier et on se lasse rapidement d’un écran de 4,5″ lorsqu’on lit beaucoup sur son téléphone.
Or, communiquer et lire sont, a priori, les deux principales utilisations d’un smartphone d’adulte. L’un et l’autre sont insatisfaisants. Dommage.
Le KeyOne débloqué coûte 650 €.
Le verdict
BlackBerry KeyOne
On a aimé
- La nostalgie
- Le look
- La batterie
On a moins aimé
- Le clavier
- Dépassé techniquement
- Le prix
Un drôle de sentiment accompagne la déception que procure le KeyOne : celui du regret d'un rendez-vous manqué. À l'heure où les smartphones tendent à se ressembler excessivement et à multiplier les gadgets, nous attendions un smartphone utilitariste et élégant. Cela aurait pu être le KeyOne. Mais sous la couche de vernis BlackBerry, on trouve un appareil inégal, pas très bien foutu et qui coûte à notre productivité.
Difficile de le conseiller. Par ailleurs, le rapport qualité / prix du smartphone termine de nous dissuader d'un bon mot : pour son Snapdragon 625, que l'on trouve dans l'entrée de gamme, les 500 € minimum exigés par la marque sont démesurés. Une calculette de luxe qu'on préfère dans nos poches que sous nos doigts.
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