Ijeoma Oluo était en vacances avec sa fille lorsqu’elle s’est arrêtée pour déjeuner au Cracker Barrel. Un restaurant plutôt connu aux États-Unis pour ses pratiques discriminatoires qui lui ont valu de nombreux procès.
Sachant où elle mettait les pieds, Ijeoma tweete en rentrant dans l’établissement : « Au Cracker Barrel pour la première fois. En train de regarder la mer de blancs à chapeaux de cowboy et je me demande : vont-ils laisser mes fesses noires sortir d’ici ? »
https://twitter.com/IjeomaOluo/status/891732756736200704
C’est alors que commence, à son encontre, un déferlement de propos dégoûtants, mêlant racisme et sexisme. Sur Twitter et Facebook, la militante voit débouler des inconnus aux mots hideux qui parlent de sa fille, sa vie, ses combats. En somme, elle est cyberharcelée. Sans être surprise, Ijeoma est piquée au vif : elle écrit donc une réponse reprenant les horreurs reçues dans une publication sur Medium.
Twitter et Facebook : deux traitements différents
Étonnamment, Twitter — qui a pourtant très mauvaise réputation de ce côté-là — réagit rapidement, selon les propos d’Oluo. Le réseau supprime des tweets affligeants et désactive certains comptes des racistes identifiés. La militante note alors : « Maintenant, peut-être parce que Twitter a été dénoncé à de nombreuses reprises pour ses échecs en matière de cyberharcèlement, je suis en mesure de dire qu’en fait, Twitter a fait plutôt du bon travail pour gérer les abus ».
En revanche, sur Facebook, les choses ne se sont pas tout à fait passées comme on pourrait l’espérer. Ijeoma note qu’en premier lieu, dans l’interface du réseau social, il n’était pas possible de signaler les propos offensants depuis un téléphone.
Une fois qu’elle a été en mesure, sur le web, de signaler les contenus, malgré l’attente, rien n’a été fait par Facebook. La militante comprend qu’elle devra compter sur elle-même pour parler de son expérience de victime : elle décide alors de poster sur le réseau social les captures d’écran des messages reçus. Commentaires racistes, menace de mort et de viol apparaissent alors sur son profil.
Sans s’expliquer, Facebook suspend le compte d’Ijeoma. L’auteure est alors choquée, elle écrit : « Chaque fois que nous, les personnes de couleur, surtout les femmes de couleur, parlons de la vérité [du cyberharcèlement] — nous sommes réduites au silence. Et Facebook participe. » Ce n’est pas tout à fait la première fois que le réseau social s’en prend à la victime plutôt qu’aux bourreaux. L’an passé, Shaun King du New York Daily News était suspendu après avoir posté un mail d’insultes racistes qu’il avait reçu.
Chez Facebook, ces cas embarrassent.
La question technique est sophistiquée puisqu’il faudrait que les mécanismes de Facebook distinguent l’intention qui conduit à la publication de propos racistes. Est-ce des propos racistes malveillants ou une condamnation de ceux-ci ?
L’intention est une question fondamentale pour la modération sur Facebook, un défi technique que l’on retrouve dans les règles choisies par le réseau social. Concernant Ijeoma, une porte-parole du réseau s’excuse au nom du réseau et explique : « Nous sommes désolés pour cette erreur. Nous permettons des discussions sur le racisme, mais nous ne permettons pas aux gens d’harceler ou attaquer les autres sur Facebook.
« Nous sommes désolés pour cette erreur » — Facebook
Nous savons à quel point cela peut être douloureux quand quelqu’un se sent importuné ou attaqué sur notre plateforme, et à quel point cela devient pire lorsqu’ils sont empêchés de partager cette expérience avec les autres. Nous faisons notre mieux pour améliorer nos processus sur ces enjeux importants. »
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