Aujourd’hui, c’est la journée internationale du chat. Comme on est en août (mi-août) et qu’on ne manque jamais une occasion de faire un calembour, on s’est dit que c’était le moment de partager des anecdotes autour du chat — celui qu’on prononce t’chat ou qu’on écrit clavardage au Québec, bref celui qui se passe autour des messageries instantanées.
Car mine de rien, avant de passer à l’ère de l’image et à l’emoji-roi, l’humanité a opéré une petite révolution avec la messagerie instantanée. Avant elle, l’écrit était synonyme de durée et de persistance : on écrivait une lettre, un courriel pour les plus modernes, et bien souvent, cela avait une valeur forte. Un contrat écrit, c’est du sérieux. Et un beau jour, le chat est venu ruiner tout cela, se suppléant à la conversation orale comme un vecteur des pensées du quotidien.
Je me souviens d’ailleurs très précisément d’une de mes premières expériences avec un chat — peut-être la toute première, en tout cas celle qui m’a le plus marqué. J’étais encore un gamin (12 ans) et je jouais à Red Faction sur le PC familial. J’avais eu le droit de jouer sur Internet pendant 45 mn, à l’époque où il fallait se passer du téléphone pour utiliser la connexion 56k. Je venais de finir le jeu en solo et je n’avais aucune idée de ce qu’était un jeu multijoueur à l’époque. J’ai lancé une partie de Team Deathmatch et je me suis retrouvé avec un autre joueur sur une carte. J’étais complètement paumé.
À un moment, à force de tourner, je suis tombé sur le joueur dans mon équipe. J’étais face à lui et j’ai sorti mon plus bel anglais pour dire « follow me », sans savoir ce que je faisais le moins du monde, ni à qui je m’adressais, ni comment ça allait se passer, ni si le joueur en face n’était pas un bot. Comme une poule devant un couteau, mon cerveau marchait à 300 à l’heure pour encaisser toutes les informations sur le fait que je n’étais plus seul dans mon jeu, mais peut-être, jusqu’à preuve du contraire, avec d’autres gens.
Et là, l’avatar en face de moi a répondu « go ahead ».
C’était un vrai humain qui savait parler et nous avons communiqué à des kilomètres de distance de manière instantanée. Autant vous dire que j’ai passé la fin des 45 mn dans un nuage de « je ne sais pas ce qu’il m’arrive » face à la réalisation qu’un autre être humain reconnaissait que j’existais sans me voir et me disait de passer devant. J’ai dû me faire des films de cette conversation pendant des semaines.
Et là, l’avatar en face de moi a répondu « go ahead ».
Je ne saurais pas vraiment dire pourquoi, mais je considère cet instant qui a duré moins de 5 minutes comme éminemment fondateur de ma relation à ce qu’on nomme le virtuel et notamment pourquoi je ne l’ai jamais considéré comme étranger à toute réalité. Je me souviens de tous les détails qui l’entourent (la disposition du bureau, la chaise, le pourquoi j’avais eu le droit à 45 minutes d’Internet, la carte dans le jeu, mes armes, la tronche de l’avatar de l’autre joueur, le chemin qu’on a fait ensemble ensuite).
Je pense en fait que la messagerie instantanée de Red Faction, c’est le moment où j’ai été envahi par les possibilités infinies d’Internet qui se sont bousculées toutes en même temps en moi par le truchement d’une conversation virtuelle. Difficile à encaisser pour un cerveau de collégien.
Puis il y a eu Caramail, ICQ, IRC, MSN, WLM, Google Chat, Hangouts, Twitter, Facebook Messenger, Slack, Hipchat, Snapchat, Discord. Aujourd’hui, je pense que je communique moins à l’oral que par écrit.
Et vous, c’était comment cette première fois ?
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