La radio hertzienne est une vieille dame qui devra tôt ou tard prendre sa retraite. Déjà les foyers français commencent à s’équiper et à s’adapter aux nouveaux modes d’écoute de la radio, par voie numérique. Avec toutes les conséquences que la transition technologique pourrait avoir sur le paysage culturel…

Moins d’une centaine de radios en France diffusent de la musique sur les ondes hertziennes. Et le modèle publicitaire des médias de masse est largement responsable de l’absence de diversité musicale sur les ondes.

Pour être rentable, une radio se doit d’attirer le maximum d’auditeurs pour assurer à leurs annonceurs le maximum d’audience lors du passage de leurs spots. Et l’on sait d’expérience que le meilleur moyen d’attirer un auditeur est de diffuser ce qu’il connaît et apprécie déjà. Combien sont ceux qui en zappant sur la bande FM s’arrêtent volontairement sur une chanson qu’ils ne connaissent pas, plutôt que sur une chanson qu’ils connaissent par coeur ? Vous en conviendrez, pas grand monde… Il y a bien sûr des mélomanes curieux, mais il y a surtout en majorité des hommes et des femmes qui aiment fredonner leur refrain préféré.

Ainsi sans surprise les radios destinées à un même public diffusent presque toutes les mêmes playlists, avec un nombre de rotations impressionnant. En moyenne les radios diffusent cinq fois le même titre dans la même journée (plus de 7 fois chez les radios « jeunes »), et environ 45 % de l’antenne est dominé par le top 40. La diversité musicale est mise à mal, et contrairement à l’idée reçue, ça n’est pas directement la faute des majors. Ces dernières profitent grassement de ce modèle publicitaire qui favorise la concentration et écarte du radar les musiques concurrentes. Diffuseurs et producteurs entretiennent implicitement un réseau fermé dans lesquel tous deux peuvent prospérer.

Mais que se passe-t-il si demain les annonceurs décident de ne plus bombarder des millions d’auditeurs avec un même message qui n’intéresse qu’une petie partie, mais plutôt de diffuser très précisémment leurs messages en petites quantités parfaitement ciblées ? La chose est impossible avec les médias traditionnels, qui par le coût même de leur distribution exigent une diffusion de masse. Mais avec Internet, tout change. Google le premier l’a prouvé avec ses Google Ads, qui l’ont rendu milliardaire en quelques années. Pour la première fois les annonceurs ne s’intéressaient pas à l’audience volumétrique du site mais plutôt à la qualité du ciblage thématique, qui peut concerner le plus petit blog spécialisé sur une niche invisible pour les médias de masse. Ce fut une révolution et le début de la théorie de la longue traîne (the long tail).

Big Brother vs Big Major ?

Pour la première fois commence à apparaître la possibilité d’un modèle économique fiable qui allie gratuité d’accès à une audience pourtant faible. Ce modèle économique pourrait changer beaucoup à la diversité culturelle et porte en lui énormément de promesses. Pour la première fois, il devient possible de diffuser des contenus culturels de niche sans en souffrir financièrement.

Selon Médiamétrie, 43,2 % des Français âgés des plus de 13 ans peuvent écouter la radio sur Internet et 11,7 % l’ont déjà fait. Et près de 3 % disent avoir déjà téléchargé une émission en podcasting. C’est encore peu, mais la révolution est en marche. Plus le ciblage sera précis et efficace, plus la publicité sera viable et plus la diversité culturelle sera possible. Chaque usager pourrait recevoir sa publicité qui lui est spécifiquement destinée. La prochaine étape de Google et de la publicité sur Internet sera de ne plus simplement cibler sur le contenu, mais aussi sur la personne qui le regarde spécifiquement. Plus l’internaute laisse sa vie privée de côté et accepte d’être « espionné » pour être mieux ciblé, plus les annonceurs pourront permettre à de nouveaux diffuseurs spécialisés de voir le jour et de prospérer. En combinant les actualités que nous lisons, les mails que nous envoyons, les sites que nous recherchons, l’emploi du temps que nous avons, les films que nous regardons, les livres que nous aimons, etc., etc…. Google construit une base de données sans commune mesure qui démultipliera la puissance de son réseau publicitaire.

C’est à la fois une chance et un immense danger.

C’est le grand défi auxquels sont livrés aujourd’hui internautes et diffuseurs. Jusqu’à quel point doit-on accepter d’abandonner de sa vie privée sur Internet pour bénéficier d’un meilleur service ? Refuser tout ciblage, c’est rester dans le système de mass media tant profitable à l’industrialisation de la culture et à la concentration des acteurs. Vouloir une diversité culturelle parfaite, c’est peut-être abandonner sa vie privée et entrer dans la logique de Big Brother.

Il y a nécessairement une troisième voie, mais laquelle ? Tout semble encore à inventer, alors que tellement semble déjà avoir eu lieu depuis les premières heures d’Internet…

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