C’était la grande mesure promise par Facebook contre les fake news en décembre 2016 : faire appel à plusieurs journalistes de différentes rédactions pour vérifier (« fact-checker ») la véracité des articles partagés sur sa plateforme. Une initiative présentée comme le meilleur moyen d’enrayer ce fléau d’articles mensongers très populaires sur le réseau social, accusé d’avoir influencé le résultat de l’élection présidentielle américaine en relayant ces articles.
Mais, près d’un an après, une partie des principaux intéressés dénonce une imposture auprès du Guardian, estimant qu’il s’agissait surtout d’un moyen, pour Facebook, de soigner son image sans s’attaquer réellement au problème — et ce alors que la plateforme a depuis multiplié les partenariats de fact-checking au-delà des organisations Politifact et Snopes, notamment avec le projet CrossCheck, à dimension européenne, et son partenariat avec 8 médias français.
« C’est très compliqué de mettre la responsabilité de Facebook en jeu. Ils font appel à nous pour faire le boulot à leur place. Ils ont un gros problème et ils s’appuient sur d’autres organisations pour réparer les dégâts » témoigne ainsi anonymement l’un de ces journalistes. Le sujet s’avère d’autant plus sensible que Facebook refuse de longue date de se considérer comme un média pour ne pas être (trop) tenu responsable des contenus publiés par ses utilisateurs.
« On est dans le noir »
D’autres fact-checkers déplorent que Facebook refuse de communiquer les chiffres de sa lutte anti-fake news, ce qui complique encore leur travail, alors qu’ils voient déjà rarement la mention « contenu contesté » apparaître autour des publications dont ils ont vérifié les informations — l’efficacité même de ce signalement étant remise en question par une étude. « On est dans le noir, sans moyen de savoir ce qui se passe vraiment » regrette Alexios Mantzarlis, directeur de Poynter, le service de fact-checking chargé… de vérifier le travail des fact-checkers tiers de Facebook.
Un porte-parole de Facebook affirme pour sa part que la visibilité d’un article catégorisé comme une fake news baisse de 80 %. Mais de nombreux fact-checkers déplorent surtout le manque d’investissement du géant contre les fake news, qui ne recrute pas de main d’œuvre supplémentaire : « La relation qu’ils entretiennent avec les groupes de fact-checking donne l’impression qu’ils arrivent après la bataille. Ils devraient vraiment gérer ça de manière interne, recruter des armées de modérateurs et leurs propres fact-checkers ».
Un autre journaliste dénonce l’effet pervers de ce système : « En offrant cet argent dont les médias ont désespérément besoin, [Facebook] réduit notre capacité à fact-checker sur les relais de désinformation comme lui. On peut dire qu’ils s’offrent une bonne campagne de communication en nous rémunérant. »
La plateforme aux 2 milliards d’utilisateurs, aujourd’hui sous le feu des critiques pour avoir diffusé des publicités d’influence russe pendant la campagne présidentielle américaine, pourrait toutefois être obligée de traiter le problème à la racine à l’avenir. L’Union européenne vient en tout cas de lancer une consultation publique sur les fake news pour trouver des solutions viables à ce fléau.
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