Renaud Donnedieu de Vabres « [a constaté] avec satisfaction que l’essentiel des dispositions de la loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information ont été validées par le Conseil Constitutionnel« , a indiqué hier soir le ministère de la Culture dans un communiqué publié suite à la décision rude des neuf sages.
Ignorant toutes les limitations imposées par le Conseil, RDDV ose encore affirmer que sa loi sur le droit d’auteur « garantira le respect du droit d’auteur et la copie privée« . « Elle affirme un principe nouveau, l’interopérabilité, principe validé dans ses articles 13 et 14 par le Conseil Constitutionnel« , ajoute-t-il sans préciser que le Conseil a pourtant censuré plusieurs dispositions en faveur de l’interopérabilité. Le Conseil a notamment reproché au gouvernement de ne pas avoir défini ce qu’était l’interopérabilité dans les cas d’exonération de la responsabilité pour contournement des DRM, et donc l’interopérabilité n’est plus un cas d’exonération.
Le ministre ose tout autant affirmer que « la loi
concilie l’avenir de la création musicale et cinématographique française et celui du logiciel libre ainsi que l’accès des internautes à la culture« . Pourtant le logiciel libre n’aura pas le droit de créer des logiciels interopérables s’il faut contourner des mesures techniques protection (c’est le cas pour lire des DVD sous Linux), et l’accès aux données essentielles à l’interopérabilité sera facturé par les éditeurs de DRM comme Microsoft ou Apple. L’accès des internautes à la culture, lui, est désormais encadré strictement par le bon vouloir des éditeurs de contenus, puisque le droit d’auteur relèvera désormais avant tout du domaine contractuel.
La censure : un mal pour un bien
« Cependant le Ministre de la culture et de la communication prend acte de la disjonction de l’article 24 du projet de loi » qui devait instaurer le régime contraventionnel de la « riposte graduée ». « Il avait souhaité que les internautes échappent aux peines de prison et regrette que la saisine
des députés de l’opposition ait eu pour conséquence de rétablir les peines de prison pour les internautes« , accuse le ministre qui oublie que l’opposition avait quant à elle totalement exonéré de responsabilité les internautes grâce à un système de licence globale qui devait en plus rémunérer les artistes – contrairement aux amendes qui n’alimentent que les caisses de l’Etat. Surtout, le maintient du régime pénal d’avant projet de loi permettra à tout internaute d’avoir le droit à un procès équitable devant des juges qui vérifieront la qualité des preuves qui leur seront apportées. Le régime contraventionnel de la riposte graduée voulait lui imposer un système de radar automatique sans aucune garantie pour les droits de la défense. Les juges se sont montrés particulièrement cléments dans les dernières affaires portées à eux en matière de P2P, et ils continueront sans aucun doute à l’être. Les 300.000 euros d’amende et 3 ans d’emprisonnement sont des peines maximales, et les juges ont toute liberté pour prononcer la relaxe ou une condamnation symbolique.
Renaud Donnedieu de Vabre, qui a parfaitement conscience de la rebellion des juges sur ces affaires grotesques, tente de sortir la tête haute et de faire croire que la clémence judiciaire lui sera due. Il dit réaffirmer « qu’il est nécessaire que les sanctions soient justes et proportionnées en fonction de la gravité des faits et annonce qu’il va saisir le Garde des Sceaux afin que les poursuites soient orientées vers les cas les plus graves« .
Dans les faits, les internautes risqueront donc beaucoup moins grâce à la censure du Conseil constitutionnel que dans l’état du texte qui lui était soumis.
Mais ce sont bien les éditeurs de logiciels, la communauté du logiciel libre et la liberté de diffusion de la culture qui sont les plus grands perdants de ce texte tellement mal rédigé que quatre de ses articles ont dû être censurés.
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