Après les avoir traités de pirates et critiqué leur irrespect du droit d’auteur, les maisons de disques commencent à s’appuyer sur la participation des internautes pour améliorer à moindre frais la qualité de leurs produits. Les concours, qui servent aussi d’opération marketing, soulèvent toutefois des questions éthiques.

Nous rapportions il y a quelques jours le concours organisé par Janet Jackson et sa maison de disques Black Doll (Virgin). Les internautes sont invités à créer la pochette du prochain album de la diva. Quatre pochettes seront ainsi sélectionnnées pour illustrer le premier million d’exemplaires de l’album anniversaire 20 Years Old. Nous écrivions alors que l’ensemble des droits d’auteurs, y compris les droits moraux (droit américain oblige) sur le travail artistique réalisé sur la pochette, doivent être transmis à titre gratuit à Virgin lors de l’envoi de la composition. Il s’agit d’une condition sine qua non de victoire au concours.

Et bien l’idée d’exploiter ainsi le génie des internautes traités par ailleurs de pirates fait son chemin dans les maisons de disques, y compris françaises. Le label Mercury de Universal Music tente ainsi l’expérience avec Elisa Tovati, pour l’écriture des paroles d’une des chansons de son prochain album. « Le gagnant de ce jeu concours obtiendra le gain suivant : son texte sera mis en musique par l’un des compositeurs de l’entourage artistique d’Elisa Tovati et Universal Music Division Mercury procédera à l’enregistrement en studio de l’interprétation par Elisa Tovati de la chanson en résultant« , explique le règlement du concours. Universal se refuse à toute rémunération mais l’auteur de la chanson sera indirectement rémunéré en sa qualité d’auteur par la Sacem, pour chaque diffusion et enregistrement déclaré.

Sony BMG, quant à lui, organise un concours proche de celui de Janet Jackson avec target= »_blank »>la pochette du single « Coeur sacré » de Thierry Amiel, qui sera éditée à 500 exemplaires. « Les candidats concèdent l’ensemble des droits y afférent à Sony Bmg Music, à titre gracieux« , stipule le règlement. Le nom de l’auteur de la pochette gagnante sera mentionné sur le site Internet (pas sur le CD ?), et « le gagnant autorise Sony Bmg Music […] à utiliser son patronyme et/ou son pseudonyme ainsi que son image à l’occasion de toute campagne publicitaire ou promotionnelle […], sans que ce dernier ne puisse prétendre à une rémunération ou une contrepartie quelconque« . Contrairement aux paroles de chansons qui assure à l’auteur une rémunération, ici l’artiste illustrateur ne reçoit rien. Ou plus exactement il reçoit le gain de 300 euros, net de charges pour Sony BMG.

Les maisons de disques comprennent donc que l’internet n’est pas simplement un outil de piratage qui pille leurs ressources, mais aussi une plate-forme créative grâce à laquelle il est facile de convoquer des talents autour d’un projet. Elles comprennent qu’elles peuvent bénéficier de ces talents et enrichir leurs propres produits. Mais elles cherchent pour le moment à tirer profits de ces aspects positifs de l’internet sans jamais céder du terrain en retour sur ce qu’elles considèrent négatif. En gardant leurs DRM malgré les supplications de leurs clients, en exigeant la cession intégrale des droits des créatiosn plutôt qu’une licence libérale de type Creative Commons, en mandatant toujours leurs lobbys pour poursuivre pénalement les internautes, en supprimant de fait le droit à la copie privée, en refusant la distribution des œuvres par les internautes eux-mêmes,… les maisons de disques refusent d’entrer véritablement dans la philosophie dominante de l’internet.

C’est pourtant comme s’inviter chez des amis sans apporter un bouquet de fleurs et exiger que l’on passe tout de suite au dessert parce que l’on n’aime pas la viande.

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