Lorsque certains analystes parlent des projets de FranceTélé d’ouvrir une plateforme SVoD, ils ne peuvent s’empêcher de rappeler qu’il faudra à l’entreprise publique une équipe très compétente pour assurer techniquement la réussite d’une telle offre. À l’heure où le streaming est devenu, grâce à l’accélération des débits, une réalité instantanée pour des millions de foyers, l’illusion de simplicité cache une lourde infrastructure technique que nous avons pu découvrir chez Netflix.
Vite, vite : l’empire du débit
À Barcelone, Netflix nous parlait des défis de l’encodage et de la distribution. Nous détaillions alors sur quels ressorts le nouveau géant s’appuyait pour délivrer, le plus rapidement possible, un contenu à ses abonnés.
Allergique à l’interruption et aux chargements, la firme a développé une vaste gamme de formats pour réussir à obtenir une vidéo rapidement, même sur de faibles connexions. Chaque année, on estime à près d’un milliard de dollars les investissements de l’entreprise dans ses technologies, selon un porte-parole.
Une stratégie qui insiste aussi sur la géographie. Soutenue par les serveurs rouges que Netflix propose aux FAI à travers le monde, la diffusion des contenus doit être la plus efficace possible. En effet, les fournisseurs d’accès Internet se voient, gratuitement, équipés en serveurs contenant tout le catalogue du géant afin de réduire la distance géographique qui va de l’expéditeur — Netflix — à son destinataire — l’écran de l’abonné.
Alors que chaque seconde semble compter pour l’entreprise, la réduction des distances apparaît comme un avantage conséquent pour les temps de chargement. Certains contrats à grande échelle ont par ailleurs aidé la plateforme dans cet objectif. Maria Ferreras, ex Googleuse récemment embauchée par le géant rouge affirme : « Avec Orange, nous allons ainsi déployer de nombreux nouveaux serveurs en France bien sûr, mais surtout en Afrique ou au Moyen Orient ».
« Aussi bien que le cinéma »
Perfectionniste en matière technologique, le géant investit donc largement dans ses divisions techniques. Si bien que même un mastodonte comme Amazon apparaît moins intuitif et évolué que Netflix quand il s’agit d’interface vidéo. Cette belle histoire technique ne va pourtant pas sans interrogations et anicroches. Les cinéphiles les plus mordus ont déploré les recadrages que s’autorisait la firme sur les contenus — des scènes coupées pour rentrer dans un format largement adopté avaient irrité des réalisateurs. Cette drôle d’idée s’est éteinte, mais il reste une marge de progression.
Que ce soit parce qu’elle est trop orientée tech, ou pas assez, Netflix bien que seul au monde, conserve des marges de progression. Richard Smith, manager produit de la marque, n’est pas étranger à cette idée : « Nous pouvons, et devons, être meilleurs pour des usages premium mais également pour des usages standards. Nous devons investir ces deux secteurs sans distinction. » Un défi pour convaincre à la fois les home-cinema de pointe, et également une vaste majorité d’équipements plus modestes.
Dans la dispute qui opposait l’entreprise aux exploitants français lors du Festival de Cannes, les amis des salles avançaient souvent que ces dernières continueraient longtemps à offrir une meilleure expérience technologique qu’un visionnage à la maison. À Netflix, cette idée semble avoir fait son temps : « Je pense que la qualité d’une installation domestique peut être, aujourd’hui, bien meilleure que celle des cinémas parisiens que je fréquente par plaisir » rappelle un Yann Lafargue de la branche Europe.
« Donner du choix »
Avec la nouvelle vague de produits premium aux noms exotiques — OLED, 4K, HDR etc. –, la télé prend ses lettres de noblesse dans le divertissement. Les consommateurs les plus aisés ont ainsi accès à des expériences particulièrement convaincantes. Et ce sont à ces derniers que l’Américain a décidé de s’exprimer en adoptant des nouveaux standards pour ses programmes. Richard Smith, Product Manager de la firme, accompagnée de Mathias Bendull, vice-président des laboratoires Dolby, a par exemple présenté les progrès réalisés par le service en matière de support du Dolby Vision (norme HDR) et du Dolby Atmos (format audio).
Pour l’entreprise, ces nouveautés lui donnent un carte à jouer, surtout quand la télé traditionnelle peut tarder à les adopter. « Ces innovations audiovisuelles arrivent à un moment où de plus en plus de contenus de haut niveau sont disponibles en streaming. », résume Greg Peters, chef produit, soit l’équivalent du numéro trois de l’entreprise. Toutefois, Yann Lafargue balaye : « Il ne s’agit pas d’être opportuniste en profitant de notre avance, mais surtout d’être sûr de donner du choix à nos consommateurs ». Un discours que l’on retrouve auprès de différents exécutifs de la firme qui admettent se refuser tout choix en matière de formats ou de technologies.
Ainsi, Mme Ferreras, responsable de la définition des normes pour les télé recommandées par Netflix, estime qu’elle n’a pas à donner d’autres critères qu’un support de l’application et la facilité de son usage. Netflix, bien que partenaire de Dolby, n’invitera donc pas ses utilisateurs et ses partenaires à adopter la Dolby Vision plutôt que la norme HDR10. « Nous supportons déjà la norme de l’industrie, HDR 10, et nous ne souhaitons pas prescrire quelle technologie fera l’avenir, si c’est Dolby, nous la supportons, si c’est Samsung et la HDR10, nous les supportons aussi », précise M. Smith. Un porte-parole ajoute, que cela déplaise ou non à Dolby qui a fait le déplacement, que Netflix investit tous les champs, sans en présager le succès : « Même la réalité virtuelle alors que nous n’y avons pas cru », ajoute un cadre railleur.
La télé, reine des foyers
En attendant, chez Netflix, la télé — surtout connectée — est la reine des foyers : en France, 55 % des heures de visionnage du service sont réalisées sur un téléviseur. La moyenne s’élève encore en Europe, où elle atteint globalement 60 %. On apprend en outre que les Européens passent trois fois plus de temps à visionner des contenus sur leur télé connectée que sur un appareil mobile.
À ce titre, la conquête de la France ne se fera pas sans les écrans de nos salons. Une idée qu’a bien saisi l’Américain après avoir été mal reçu par certains FAI qui fournissent, en grande majorité, les box TV des Français. Aujourd’hui, l’entreprise par la voix de Mme. Ferrera arrondit les angles : « Nous pouvons être un atout pour eux, un atout parce que les consommateurs nous connaissent et nous demandent, mais aussi un atout pour soutenir leur propre business. » L’exemple de SFR qui vend des forfaits avec Netflix intégré n’est pas un cas unique au monde. Côté foyer, Bouygues et Orange ont suivi l’entreprise et intègrent désormais son offre sur leurs boîtiers. Comme souvent, il ne reste que Free qui résiste.
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