Pour le moment il s’agit surtout d’une lutte interne au sein du Parti Socialiste. Nous le disions la semaine dernière, les socialistes sont d’accord pour critiquer DADVSI mais ils s’éttripent encore dans les salons pour savoir s’il faut vraiment changer la loi. A huit mois des élections, il s’agit au fond de savoir qui parmi les présidentiables socialistes osera abandonner le plus de la tradition du parti, proche de l’industrie culturelle, pour se rapprocher des intérêts du public internaute.
Ségolène Royal a parlé la première en prenant clairement des positions opposées à Jack Lang, le Renaud Donnedieu de Vabre socialiste (et ça n’est pour beaucoup pas un compliment). Aujourd’hui c’est Laurent Fabius, autrefois le plus jeune Premier ministre de l’histoire de la Cinquième République, qui veut montrer qu’il regarde vers l’avenir. « A titre personnel, je compte utiliser fortement Internet dans le débat présidentiel de 2007« , annonce-t-il sur son blog. Et c’est bien sûr DADVSI qui entre en campagne numérique avec lui.
De grandes déclarations d’intention sans réelle solution ?
M. Fabius veut fonder une « société numérique » où sont garantis « la liberté de circulation des œuvres et du savoir, la juste rémunération des auteurs (créateurs et interprètes), l’égalité d’accès à l’Internet et à son contenu, la solidarité citoyenne et le débat démocratique« . Il rappelle que la loi DADVSI entrée en vigueur la semaine dernière « ne protège pas tant les auteurs que certains groupes de l’industrie culturelle et informatique. Elle renforce les intermédiaires, et non les créateurs« . Pour asseoir son autorité sur le sujet, Laurent Fabius rappelle qu’il était Premier ministre en 1985 lorsque la loi Lang sur la copie privée fut adoptée. Mais la loi a été décapitée sans que Jack Lang ne sourcille, et son ancien Premier ministre dénonce l’empressement des majors de l’industrie « à faire adopter partout dans le monde des législations comparables à la loi DAVDSI [qui] vise plutôt à les protéger contre les conséquences de cette révolution technologique qu’à les adapter à ce nouveau modèle technologico-économique« .
Comme l’ensemble des socialistes, Laurent Fabius appuie l’idée d’une nouvelle loi après 2007, « après une réelle consultation de l’ensemble des acteurs« . « La multiplication des échanges doit être encouragée« , ce qui pousse à « adopter et à inventer de nouveaux modes de rémunération des créateurs, auteurs et interprètes« , reconnaît M. Fabius. Mais chat échaudé craignant l’eau froide, pas question de faire revenir la licence globale au premier plan.
La licence globale, qui répond pourtant aux ambitions de M. Fabius, « avait apparemment l’attrait de la simplicité mais présentait des inconvénients réels« . « Le débat doit se poursuivre« , estime-t-il.
Nous n’en saurons pas plus. Laurent Fabius reconnaît les symptômes de la maladie, il semble même en percer le remède, mais il se refuse à rédiger la prescription. Le lynchage médiatique organisé en janvier par les artistes des majors à l’encontre du Parti Socialiste pousse ses leaders à garder la licence globale au rang de souvenir. C’est pourtant bien de courage politique dont l’internet a besoin. Le même courage qui manque aux majors pour affronter cette révolution technologique et qui les pousse à se protéger pour éviter de s’adapter…
Pour le moment, seule Ségolène Royal n’a pas eu peur de lever le tabou.
(merci Fulgore)
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