Le prix du bitcoin a atteint des records avant de connaître une chute impressionnante, le Salvador en a fait sa monnaie officielle, et on fête ce 31 octobre 2022 les 14 ans de la publication de son « whitepaper », le document technique qui détaille le fonctionnement de la crypto-monnaie et de la blockchain. Pourtant, à l’heure où la « crypto » s’érige en quasi religion pour certains et où le bitcoin est plus que jamais d’actualité, le mystère qui entoure la création de la monnaie cryptographique originelle persiste. Mais qui est donc l’introuvable créateur du célébrissime bitcoin ?
Cet article n’aura assurément pas prétention à répondre à cette question, qui agite depuis des années les experts comme les amateurs de cryptomonnaies. L’aura de mystère qui entoure le pseudonyme de Satoshi Nakamoto est intacte, et contribue probablement à l’engouement actuel suscité par le bitcoin et ses successeurs.
Le mystère reste entier
Entre 2008 et 2010, le dénommé Satoshi Nakamoto conçoit le bitcoin, ainsi que le logiciel Bitcoin-Qt (aujourd’hui devenu Bitcoin Core). S’agissait-il d’un homme, d’une femme ou bien d’un groupe de personnes ? Le secret est bien gardé, d’autant plus qu’aucune trace de l’identité de Satoshi Nakamoto ne préexiste à ces dates. Selon les informations qu’il avait disséminées sur son profil, il (ou elle, ou ils, ou elles…) serait né en 1975.
En 2008, Satoshi Nakamoto réserve le nom de domaine bitcoin.org, et publie ses intentions dans un document en anglais, le fameux whitepaper dont on célèbre aujourd’hui l’anniversaire. « Une version de l’argent électronique, purement conçue pour être peer to peer, permettrait de réaliser des paiements en ligne en les envoyant directement d’un pair à un autre, sans passer par une institution financière », écrit-il.
Un compte où dorment des milliards
C’est en 2010 que Satoshi Nakamoto publie son dernier message dans un forum. L’année suivante, il écrit à des contributeurs du bitcoin qu’il est « passé à autre chose » et ne reviendra probablement plus. S’il s’agissait d’une prophétie, elle semble s’accomplir puisque l’individu n’a depuis plus jamais donné signe de vie.
Sur son compte, cependant, le minage du bitcoin a continué. Jusqu’à atteindre une somme record en avril 2021. En effet, le 13 avril, la valeur du bitcoin est montée à 63 729,5 $ — soit l’équivalent de 53 518 €. À cette valeur, le 1,1 million de bitcoins que Satoshi Nakamoto possède sur son compte serait estimé à 42 milliards de dollars. Une somme qui ferait de lui la trentième personne la plus riche au monde, si l’on prenait pour référence le prestigieux classement établi par Forbes.
Les théories sur son identité sont nombreuses
« Il est probable que derrière le nom de Satoshi Nakamoto se trouve plutôt une personne ou une organisation américaine. Il existe plusieurs théories sur son identité, mais il y a peu de chances qu’on découvre de qui il s’agit », observe Jean-Paul Delahaye, mathématicien, informaticien et professeur à l’université de Lille 1.
Il existe un fascinant parallélisme entre, d’une part, la dimension énigmatique accordée aujourd’hui au bitcoin, et l’histoire même de son invention. Ludovic Desmedt, professeur de sciences économiques à l’université de Dijon, développe cette idée : « Les théories autour de la naissance du bitcoin sont liées au contexte dans lequel la monnaie a été créée, et l’idée que c’était une monnaie qui échappe aux banques. On a même pu parler de communauté crypto anarchiste. Ce sont des idées qui circulaient depuis plus de vingt ans. »
Un contexte favorable
Satoshi Nakamoto aurait ainsi bénéficié d’un contexte favorable. « Il y a avait déjà eu des tentatives, mais cette période des années 2008 et 2009 a favorisé l’image que les banques faisaient n’importe quoi et alimenté le désir de changement. C’est avant tout une histoire de timing. Néanmoins, l’aspect mythologique associé au bitcoin n’est pas nouveau dans l’histoire de la monnaie », poursuit Ludovic Desmedt. Et comme dans toute mythologie, ses adeptes sont tentés d’en comprendre les mystères : la traque de Satoshi Nakamoto commence donc.
« Le visage derrière le bitcoin. » En 2014, Newsweek pense avoir mis la main sur le véritable Satoshi Nakamoto. Le magazine américain interroge un dénommé Dorian Satoshi Nakamoto, présenté comme l’inventeur de la cryptomonnaie. Mais le jour même, l’homme en question dément ces affirmations. S’il confirme avoir été ingénieur, il affirme surtout « ne pas avoir de lien avec le bitcoin. » Mauvaise pioche.
En 2015, ce sont des journalistes de Wired qui pensent avoir trouvé qui se cache derrière le pseudonyme de Satochi Nakamoto. L’article désigne clairement l’entrepreneur australien Craig Steven Wright, indiquant que certains indices invitent à le considérer comme un candidat sérieux à la paternité du bitcoin.
Pour prouver son identité, l’inventeur du bitcoin devrait utiliser sa clé privée
« Craig Steven Wright a prétendu être Satoshi Nakamoto, complète Jean-Paul Delahaye. Or, pour prouver l’identité de l’inventeur du bitcoin, il faudrait que celui-ci envoie un message en signant avec une clé privée. » Les clés PGP, retrouvées dans les documents envoyés au journalistes, étaient vraisemblablement antidatées.
L’universitaire voit en Nick Szabo un candidat un peu plus sérieux que les autres, bien que cette théorie soit également à considérer avec du recul. Entre 1995 et 2005, cet ancien activiste développe une monnaie décentralisée appelée Bit Gold. Un précurseur du bitcoin ? L’intéressé s’est défendu d’être à l’origine de la première cryptomonnaie.
Quelqu’un qui se cache
« Il a écrit des textes scientifiques sur la monnaie numérique, il aurait pu être en position de l’inventer. L’étude des caractéristiques stylistiques de son anglais a été comparé à un texte écrit par Satoshi Nakamoto. Ce n’est pas une preuve définitive, mais c’est un bon candidat, d’autant plus qu’il est très difficile d’avoir des informations sur lui… Il n’existe qu’une seule photo de lui, de mauvaise qualité. Voilà quelqu’un qui se cache, ce qui semble plutôt étrange. »
Hal Finney figure aussi parmi les pistes les moins improbables. Ce développeur est le premier à avoir reçu une transaction en bitcoin, de la part de Satoshi Nakamoto. « Il a participé à la naissance du bitcoin, sans prétendre être Satoshi Nakamoto. Il était proche des premiers développements de la crypto-monnaie », note Jean-Paul Delahaye. On retrouve d’ailleurs un échange entre les deux individus en 2008.
Qui a la clé du compte ?
Les interrogations qui entourent l’identité du créateur du bitcoin amènent également à soulever un autre mystère : pourquoi le compte de Satoshi Nakamoto n’a-t-il jamais été touché ? « Ce compte détient aujourd’hui environ 5 % des bitcoins existants, précise Jean-Pierre Delahaye. On peut penser à plusieurs explications qui permettraient d’expliquer pourquoi ce compte n’a jamais bougé. D’abord, on pourrait supposer qu’il n’appartenait qu’à une personne, qui — et ce serait bien dommage pour elle — en a perdu la clé. »
L’immobilisme qui caractérise le compte de Satoshi Nakamoto renforce la thèse que l’inventeur du bitcoin ne serait pas une personne isolée, mais un groupe. « Il pourrait s’agir de quatre ou six personnes, qui se seraient partagées chacune un morceau de la clé. L’un d’entre eux serait mort, le plus probable étant que ce soit Hal Finney. L’autre hypothèse est que l’un des membres du groupe détient la clé d’Hal Finney, et fait du chantage aux autres en demandant plus des 2/6ème du total. »
Les inventeurs du bitcoin ont pu se partager la clé
Ludovic Desmedt évoque une autre théorie, quelque peu étonnante, selon laquelle un consortium d’entreprises leader de la technologie serait en fait l’inventeur de la monnaie. Samsung, Toshiba, Nakamichi et Motorola… mises bout-à-bout, les premières lettres de leur nom forment le pseudonyme Satoshi Nakamoto.
Terminons par la dernière théorie en date, et pas la moins abracadabrante : Elon Musk serait l’inventeur du bitcoin, selon cet étudiant en informatique à l’université de Yale. Il est vrai que le nouveau propriétaire de Twitter est un fan de crypto-monnaie : il a fait acheter des bitcoins à Tesla, et il est très fan du Dogecoin, une crypto-monnaie blague qui ne sert pourtant à rien. Cependant, pour Jean-Paul Delahaye, « c’est n’importe quoi, il n’a pas du tout le profil. Le plus probable reste qu’il s’agisse d’une personne ou d’un groupe de personnes travaillant dans le domaine des monnaies numériques. »
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