Personne n’a véritablement pu croire que protéger les DRM était protéger le droit d’auteur. Sauf à être véritablement naïf (et nous ne prêtons pas ce trait à l’industrie culturelle), chacun sait que les DRM n’ont jamais protégé aucune œuvre. Parce que nous sommes dans un environnement numérique mis en réseau, il suffit qu’un seule personne dans le monde contourne une seule fois le DRM d’une œuvre pour qu’immédiatement cette œuvre détournée puisse être diffusée sans DRM sur les réseaux P2P. C’est pour cette même raison que le DRM n’a d’effet – négatif – que sur les clients loyaux, puisque ce sont les seuls à devoir le subir. Les internautes pirates, qui n’ont jamais eu besoin de contourner un DRM, ont sans payer un service de meilleur qualité que les clients qui payent.
C’est pourtant bien grâce à l’argument de la protection du droit d’auteur que les pourfendeurs des DRM ont convaincu le législateur, à la fin des années 1990, de la nécessité de protéger par la loi les mesures techniques de protection. Mais comme le note Edward Felten sur son blog, « Les législateurs, et les entreprises de musique et de cinéma commencent à réaliser que les DRM ne vont pas résoudre leurs problèmes d’infractions par le P2P. Et donc l’argument habituel pour soutenir les DRM perd de sa force« .
Il n’est toutefois toujours pas question d’abandonner les DRM. Selon Felten les lobbys en faveur des DRM avancent de nouveaux arguments, sur deux fronts. D’abord ils prétendent que les DRM permettent de pratiquer une discrimination tarifaire, pour appliquer différents tarifs à différents clients, et que les DRM sont essentiels à ces nouveaux modèles économiques. Ensuite, et c’est particulièrement osé dans le débat actuel qui secoue l’Europe et Apple autour de l’interopérabilité, selon Edward Felten les partisans des DRM n’hésiteraient plus à dire que les DRM permettent de « verrouiller les consommateurs » sur les plate-formes. A l’image du modèle iTunes/iPod, la protection d’un environnement fermé homogène permettrait d’inciter au développement de nouvelles plate-formes. Par exemple, c’est grâce aux DRM que des modèles sur abonnement comme Napster peuvent exister. Lorsque l’abonnement cesse, le DRM entre en action et bloque la lecture des morceaux.
Le DRM et sa non-valeur économique
Mais si le DRM est un procédé industriel mis au point pour soutenir un modèle économique, pourquoi les protéger au sein de lois et traités internationaux sur les droits d’auteur ? Le débat n’est pas nouveau, mais l’éclairage est différent lorsque même les partisans des DRM commencent à reconnaître le rôle purement économique des protections.
Surtout, combien de temps faudra-t-il avant de réaliser que mêmes ces « nouveaux « arguments économiques ne tiennent pas ? Comme le démontre le succès de eMusic aux Etats-Unis, verrouiller les consommateurs par les DRM profite aux labels qui n’exigent pas de telles mesures techniques de protection. Les modèles sur abonnement n’ont pas non plus besoin des DRM pour avoir du succès. Là encore eMusic est là pour le prouver, mais le bon sens suffit à s’en convaincre. Un foyer français moyen dépense environ 65 euros par an (.pdf) en musique, soit moins de 6 euros par mois. Y a-t-il beaucoup de ces foyers à ne pas vouloir dépenser au moins 6 euros par mois pour avoir accès en permanence à toutes les nouveautés ?
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