« Aujourd’hui, commence votre première semaine de test en tant que responsable temporaire des ressources humaines. Si vous réussissez, vous pourrez peut-être avoir un poste à temps plein. Tout d’abord, merci de consulter vos notes. »
Lors de sa toute première connexion, voici le message qui accueille le joueur de Grayscale. Mis au point par le MIT Computer Science and Artificial Intelligence Laboratory, ce jeu en ligne vous invite à vous glisser dans la peau d’un professionnel chargé de veiller au bien-être des employés d’une entreprise.
Parmi les problèmes avec lesquels le joueur ou la joueuse doit composer, se trouvent notamment le sexisme, le harcèlement et les agressions sexuelles qui peuvent se produire sur le lieu de travail.
La théorie du sexisme ambivalent
« Vous jouez le rôle d’un employé d’une société appelée Grayscale. C’est un lieu assez mélancolique : tout y est gris. L’interface ressemble à une boîte e-mail simplifiée. Vous êtes temporairement responsable des ressources humaines, et au fur et à mesure que vous jouez, les messages commencent à arriver. Et les messages des autres employés contiennent des preuves de différentes formes de sexisme, selon la théorie de Glick et Fiske [ndlr : du sexisme ambivalent] », explique Fox Harrell, le directeur du CSAIL.
Cette théorie n’a pas été choisie au hasard par le Massachusetts Institute of Technology (MIT) : ses inventeurs postulent un effet l’existence de deux facteurs à l’œuvre dans les rapports de genre. D’un côté, le fait que les hommes dominent majoritairement les institutions sociales ; d’autre part, le fait que les hommes soient dépendants des femmes (par exemple, pour la reproduction).
Glick et Fiske indiquent ainsi que le sexisme mêle des sentiments à la fois positifs et négatifs — quel que soit le genre de la personne qui en est victime.
Au cours de sa semaine en tant que responsable des RH, le joueur de Grayscale se trouve ainsi confronté à des mails qui lui font prendre conscience de cette forme de sexisme « bienveillant » — non pas dans le sens où il est positif, puisqu’il peut aussi être oppressant.
Par exemple, le joueur peut recevoir des mails de la part de certains employés, qui se plaignent de la température trop froide de leur bureau. Une situation qui peut sembler anodine, mais qui révèle peut-être une disparité entre hommes et femmes.
« Il n’y a pas toujours de réponse facile à chacune de ces questions. Il y aura probablement des tensions en fonction de la réponse que vous choisissez. Dois-je envoyer ce message à la liste entière, ou juste à la personne concernée ? », poursuit Fox Harrell.
« Il n’y a pas toujours de réponse facile » – Fox Harrell
À la fin du jeu, le joueur est évalué en fonction ses performances. Le bilan est à l’image des problématiques qui se sont présentées au joueur pendant la partie : ni tout blanc, ni tout noir. « Nous ne voulions pas que ce soit simple, que si vous obteniez le poste cela signifie que vous n’avez pas été sexiste, et inversement. Vous finirez probablement avec des contradictions : vous aurez été promu mais vous avez compromis vos propres valeurs », explique le directeur du CSAIL.
À l’heure où le mouvement #MeToo prend de l’ampleur à l’échelle internationale, le jeu développé par le MIT s’intègre dans une tendance plus large d’inclure des problématiques sociales dans des jeux vidéo — afin d’en faire prendre conscience. En novembre dernier, une développeuse noire lassée qu’on lui touche sans cesse les cheveux s’en était inspirée pour créer un jeu vidéo.
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