La cryptomonnaie de BitConnect a beau avoir perdu l’essentiel de sa valeur, l’organisation derrière ce que nous dénoncions comme une chaîne de Ponzi poursuivrait une ICO (Initial Coin Offering, sorte d’entrée sur les marchés pour un token). Avec un produit nommé BitConnect X, le conglomérat opaque espère réunir de nouveaux fonds et relancer sa machine pyramidale. Selon différentes sources, des acteurs de cette plateforme auraient décidé de séduire de nouveaux investisseurs en Asie et sur le Vieux Continent.
Mais cette nouvelle aventure lève de nouveaux doutes. Alors que la structure même de BitConnect est toujours inconnue, la machine serait prête à se relancer sur des fondations toujours mystérieuses. Derrière le projet BitConnect X, les responsables de l’échec de BitConnect sont tapis dans l’ombre.
Un nouveau jeton dans la partie
À la fin de l’année 2017, alors que la plateforme BitConnect est au centre de nombreuses accusations et qu’elle semble condamnée à la fermeture — elle cumule alors une très mauvaise réputation et différentes affaires judiciaires — le nom de domaine BitConnectX.co est enregistré.
Une dizaine de jours plus tard, en janvier, le site devient actif et annonce le début d’une levée de fonds sous la forme d’une ICO. La page web évoque alors la mise en vente de jetons appelés les BCCX.
Pour les possesseurs de BCC (le jeton BitConnect au cœur de la chaîne de Ponzi), l’obtention du nouveau token est facilitée par BitConnect X. Toutefois, avant que BitConnect ne ferme ses portes, peu d’attention est portée à ce nouveau projet au sein de la communauté. La nouvelle passe plutôt inaperçue, considérant que de très nombreux autres dérivés du BCC ont déjà vu le jour comme EthConnect ou NeoConnect, en s’inspirant du modèle de BitConnect sans toutefois être liés à l’organisation.
Ni white paper, ni objectifs ne sont détaillés
Mais par la suite, avec la fermeture de BitConnect, la véritable identité de ce BCCX se dévoile et ce nouveau jeton se retrouve mis au centre du tour de passe-passe imaginé par BitConnect. En effet, l’ICO est finalement soutenue publiquement par BitConnect qui en assurera la communication.
Dans un récent communiqué, l’équipe avance ses billes : « Durant les 10 prochains jours, nous autorisons nos membres en dehors des États-Unis à participer à l’ICO de BitConnect X avec un BCC valorisé à 150 $. Ce choix vient soutenir les investisseurs qui ont gardé leurs jetons et devrait apporter de la stabilité au BCC après les événements récents. »
À ce moment-là, comme pour le BitConnect, peu d’information circule sur cette nouvelle cryptomonnaie. Ni white paper, ni objectifs ne sont détaillés, BitConnect X explique seulement : « BitConnect X vous permettra de recevoir des intérêts pour nous aider à maintenir la sécurité sur le réseau en détenant vos BCCX dans un portefeuille Qt Desktop ». C’est précisément la même description que celle utilisée pour le BCC. Les rares informations que l’on trouve sur cette plateforme sont finalement très similaires aux arguments déjà mis en avant par BitConnect par le passé.
En outre, des ambassadeurs de BitConnect ont rejoint le BitConnect X, entretenant ainsi une confusion sur les deux projets qui apparaissent faire partie d’une même stratégie scélérate. Liés dès l’origine, les deux projets partagent des personnalités, un fonctionnement, et probablement un destin commun.
Qui est Mister Santoso ?
Auprès de The Next Web, certains membres de la communauté BitConnect ont confirmé que certains des ambassadeurs alimenteraient le projet BitConnect X. En Asie notamment, les réseaux sociaux seraient utilisés pour réunir de nouveaux investisseurs pour l’ICO. Selon les sources du média, un certain M. Santoso serait responsable de la promotion de BitConnect X dans les communautés asiatiques.
Par le passé, des investisseurs se sont penchés sur la structure de BitConnect pour en saisir l’organisation et déduire qui dirige l’ensemble. Ils y ont découvert un petit réseau de sociétés fantômes logées au Royaume-Uni. En premier lieu, on trouve la trace d’un BitConnect Ltd. mais cette firme a depuis fermé selon le registre anglais. Seules deux autres sociétés (BitConnect PLC et BitCoin AMR), directement liées à cette BitConnect Ltd, seraient encore en activité.
un petit réseau de sociétés fantômes logées au Royaume-Uni
Or selon les différents documents que nous avons pu consulter, ces deux sociétés sont également liées au même M. Santoso, qui serait responsable du regain de vie de BitConnect en Asie.
Ce dernier se présente sous différentes identités dans les dossiers de BitConnect.
Nous observons la trace d’un Wardah Santoso, né en 1983 et résidant à Londres mais également celle d’un certain monsieur Santoso, né lui en 1981. Les deux M. Santoso ont été retrouvés dans les archives des sociétés du Royaume-Uni : l’un est directeur de BitCoin AMR, quand l’autre est directeur de BitConnect PLC. Les deux Santosos vivent évidemment à la même adresse. Depuis, l’homme mystère présent depuis les débuts de BitConnect aurait quitté le Royaume-Uni.
Il a en effet été aperçu dans de nombreux documents liés à BitConnect, dont de multiples vidéos de promotion destinées à l’Indonésie. Il est notamment mentionné en juillet 2017 par BitConnect.co, site lié à la plateforme : dans un billet de 3 juillet dernier, nous apprenons qu’à Jakarta BitConnect ouvrait un bureau en présence de M. Santoso. Pour l’ouverture de cette adresse, BitConnect compte sur trois hommes : M. Santish, ambassadeur pour l’Asie, M. Prasetya, directeur du développement ainsi que M. Santoso, ambassadeur BitConnect pour l’Indonésie.
À la différence de M. Satao Nakamoto, prétendu inventeur du BitConnect — dont l’identité a priori fictive est inspirée du pseudonyme du créateur du BitCoin, Satoshi Nakamoto — M. Santoso est une des rares figures identifiées de la sphère BitConnect. Il a en outre le privilège d’avoir une existence réelle, à la différence de M. Nakamoto. Avec ses collègues en Indonésie, il présente la face émergée de la structure opaque de BitConnect.
Ainsi, retrouver M. Santoso dans les noms qui soutiendraient l’ICO de BitConnectX ne fait que valider la piste selon laquelle l’ICO est liée à BitConnect. Non seulement les deux projets sont liés, mais ils pourraient également être complémentaires pour permettre à BitConnect de prolonger sa chaîne de Ponzi.
La possibilité d’un exitscam
Selon les investisseurs qui se sont confiés au média hollandais, M. Santoso mobiliserait des investisseurs sur les réseaux sociaux ou encore sur les messageries. L’individu aurait ainsi expliqué à des investisseurs floués : « Restez calmes, ne vous énervez pas, le prix du BCC [le token de BitConnect] va remonter dans les prochains mois. Alors, patientez et conservez vos BCC dans votre portefeuille ».
Pour certains observateurs, le lien entre BitConnect et sa version X est si évident que l’ICO aurait pu être mise en place par stratégie. Pourquoi ? Afin de conserver un certain nombre d’investissements en BCC, les convertir en BCCX, et pérenniser l’arnaque sur une autre plateforme.
Aujourd’hui, il serait possible de convertir deux jetons BCC en un seul jeton BCCX. Considérant la baisse du BCC, qui s’est stabilisé aux alentours des 15 $, l’affaire apparaît comme une fuite en avant pour les investisseurs. Plutôt que de voir leurs jetons valorisés en dollars à 16 $, les investisseurs lésés peuvent être tentés de procéder à de nouveaux investissements en profitant de l’offre de BitConnect X.
« Dernier épisode de la saga BitConnect »
Dans la communauté, certains pensent utiliser cette ICO pour retrouver les fonds précédemment perdus. Toutefois, alors que l’ICO est tenue à l’écart des États-Unis, où BitConnect a été attaqué par les autorités, et que le modèle mis en avant n’est pas différent de BitConnect, de nombreux observateurs s’attendent à voir le « dernier épisode de la saga BitConnect : un exitscam définitif ».
La répartition au sein de l’ICO lève en outre quelques sourcils : « L’ICO est conduite plus ou moins comme une ICO classique, il y a donc des bonus pour les premiers arrivés. Mais je pense qu’on va avoir affaire à un exitscam, ils prennent le pognon des premiers et disparaîtront », s’essaie un investisseur auprès de Numerama.
Un autre note que l’absence de régulation et l’évitement des États-Unis serait le dernier élément d’un projet sans avenir. Si l’ICO est réussie, « là, nous aurons vécu la plus belle chaîne de Ponzi depuis Ponzi ! », s’esclaffe un Français convaincu de l’échec futur du BCCX.
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