« 1 fille sur 5, de 12 à 15 ans, rapporte avoir été insultée en ligne sur son apparence physique (poids, taille, ou tout autre particularité physique). Près d’une fille sur 5, de 12 à 15 ans, déclare avoir été confrontée à des violences à caractère sexuel via des outils numériques, par le biais de photos, vidéos ou textos envoyés sous la contrainte et/ou diffusés sans l’accord et/ou reçus sans en avoir envie. Cela concerne ainsi près de 3 filles dans chaque classe. »
Ces chiffres font partie des observations que dresse, ce 7 février 2018, le Haut Conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes (HCE) dans un rapport consacré au cyberviolences. Dans ce document, intitulé « En finir avec l’impunité des violences faites aux femmes en ligne : une urgence pour les victimes », l’instance consultative revient sur la manière dont les femmes se sont emparées des outils numériques lors de l’affaire Weinstein.
Une modération jugée « insuffisante »
Le HCE prend d’ailleurs soin de parler de « violences faites aux femmes en ligne » et non de « cyberviolences faites aux femmes » afin d’insister sur le caractère concret et les incidences bien réelles du phénomène.
Le Haut Conseil souligne que les espaces en ligne, bien qu’ils puissent constituer un moyen d’expression, ne constituent pas un espace de sécurité pour les femmes. L’organisation s’attarde notamment sur le phénomène du harcèlement sexiste et sexuel — encore récemment illustré par les attaques dont on été victimes la journaliste Nadia Daam et la vidéaste Marion Seclin.
Afin d’enrichir son analyse de la situation, le Haut Conseil a mené un testing dans le but de cerner le fonctionnement la modération sur les réseaux sociaux. Selon le rapport, il « révèle une très grande impunité vis-à-vis de ces discours de haine, avec une modération insuffisante, aléatoire et non graduée, parfois trop lente ».
En compagnie du collectif Féministes contre le cyberharcèlement, de la Fondation des femmes et de l’association En avant toutes, le HCE a mené en juin et juillet 2017 un test de situation sur les plateformes Facebook, Twitter et YouTube. Au total, 545 contenus ont été signalés par leurs soins aux trois sites : 154 sur Facebook (parmi des statuts ou des commentaires), 193 sur Twitter et 98 sur YouTube (dans les vidéos en tendances, et leurs commentaires).
Résultat ? « Seuls 7,7 % de tous les contenus sexistes signalés ont été supprimés, avec des variations importantes selon les plateformes », observe le Haut Conseil. YouTube est sur la première marche de ce triste podium, car aucun des 98 contenus signalés n’a été supprimé.
Sur Twitter, 25 contenus signalés ont été supprimés (soit 13 %). Quant à Facebook, 17 signalements ont été traités par le réseau social (soit 11 % des contenus).
Moins de 8 % des contenus sexistes signalés ont été supprimés
Le rapport détaille ensuite les taux de suppression en fonction des motifs avancés. Sur Facebook, l’ensemble des contenus présentés comme des « menaces de violences crédibles » a fait l’objet d’une suppression. Cependant, moins d’un dixième des contenus identifiés comme sexistes et racistes, mais signalés au réseau comme du « harcèlement ou de l’incitation à la haine envers une origine ethnique » font l’objet d’une modération encore imparfaite, mais plus exigeante que la haine sexiste.
Le constat est semblable sur Twitter, où la totalité des contenus considérés comme « menaçant violent ou suicidaire : violence évidente » ont été supprimés par le site. Seuls 17,4 % des contenus qualifiés comme « incitation à la haine sexiste » ont été supprimés.
Les raisons de cette faible modération sont à chercher dans les catégories de signalement jugées « peu claires » par le Haut Conseil. L’organisme considère qu’elles ne reflètent pas la réalité du sexisme en ligne, ou même la manière dont ces infractions sont définies juridiquement. Par exemple, aucune des plateformes ne propose une catégorie « insultes ».
Les trois sites ne permettent pas non plus de signaler les « raids », c’est-à-dire les cas où une même victime est harcelée par un grand nombre d’auteurs différents, qui se sont généralement concertés auparavant.
Limiter les délais de réponse
Par ailleurs, le HCE souligne que la pédagogie est globalement absente lors des processus de signalement et de suppression. Facebook est la seule plateforme qui informe par notification de la suppression d’un contenu — elle est envoyée à la fois à son auteur, et à la personne qui a émis le signalement. Sur Twitter et YouTube, seul l’internaute auteur de la publication est informé de sa suppression.
Enfin, le rapport note que les délais de réponses des trois sites sont globalement trop longs. Facebook, Twitter et YouTube ne fixent aucune limite de temps pour traiter les signalements. En pratique, le testing du Haut Conseil montre que ce délai n’est que 48 heures pour Facebook, et peut aller jusqu’à une semaine chez Twitter et YouTube.
L’instance invite, dès lors, les plateformes à s’engager davantage pour renforcer la modération des contenus sexistes. Le HCE propose notamment la mise en place de partenariats avec des organisations féministes, régulièrement confrontées à ces problématiques.
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