Google publie une étude sur trois ans de droit à l’oubli européen, et actualise son rapport sur le sujet, qui contiendra désormais des informations sur les demandeurs et le type de contenu concerné.

Il y a bientôt trois ans, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) jugeait que Google devait donner aux internautes européens le droit d’être déréférencés, s’ils le demandaient, du moteur de recherche. Ce « droit à l’oubli » est examiné par Google au cas par cas : l’entreprise ne peut censurer que les informations qui n’ont pas un intérêt public particulier.

Depuis 2014, Google tient par conséquent un « Transparency Report » (« rapport de transparence »), qui recensait jusque-là le nombre de liens que les internautes lui demandent de déréférencer, les liens qui le sont en effet, et ceux qui ne le sont pas, et des exemples anonymisés de demandes reçues. On peut ainsi voir que, depuis juillet 2014, date de la mise en place effective du droit à l’oubli européen, Google a reçu 654 808 demandes, et 2 436 778 liens ont fait l’objet d’une demande de suppression dans les résultats de recherche.

Mise à jour du rapport sur le droit à l’oubli

Le 26 février 2018, Google a annoncé une mise à jour de ce Transparency Report : il contiendra désormais également des informations sur les demandeurs (individus, ou gouvernements et entreprises), le contenu des demandes, classées en différentes catégories, le type de site concerné par la demande, et le taux de suppression des liens.

Le moteur de recherche publie par ailleurs une étude, intitulée « Trois ans de droit à l’oubli », dans laquelle des chercheurs analysent « la manière dont les Européens utilisent le « droit à l’oubli » ».

88,7 % des personnes qui demandent à être déréférencées sont des particuliers.

Les demandeurs sont organisés en plusieurs catégories : personne morale (la demande est déposée au nom d’une association ou d’une société), personne décédée (la demande est déposée au nom d’une personne décédée), représentant gouvernemental (personnalité politique ou haut fonctionnaire qui est en place ou qui a quitté ses fonctions), personnalité publique ne relevant pas de l’État (célébrité mondialement connue ou qui occupe un rôle important dans la vie publique), et mineurs. Les demandeurs qui ne rentrent dans aucune de ces catégories sont regroupés dans la catégorie « Particuliers ».

Ces « Particuliers » représentent la grand majorité des personnes qui demandent à être déréférencées, à 88,7 %. Parmi les 11,3 % demandeurs issus des autres catégories, on trouve 40,6 % de mineurs, 21,2 % de personnes morales, 20,9 % de représentant gouvernementaux, et 14,2 % de personnalités publiques non étatiques.

PhotoMIX

Par ailleurs, depuis mai 2014, 43,3 % des URL qui avaient fait l’objet d’une demande ont été supprimées en Europe ; ce chiffre augmente légèrement, à 48,5 %, dans le cas de la France. Google donne ensuite des exemples de raisons qui ont conduit à la non-suppression des pages : « existence d’autres solutions, raisons techniques ou URL en double ». Par ailleurs, la firme rappelle qu’elle peut « refuser de supprimer une page si elle estime qu’elle contient des informations qui relèvent de l’intérêt général ».

Annuaires et réseaux sociaux

Quant aux catégories de contenus qui sont visées par des demandes de déréférencement, depuis janvier 2016 (date à laquelle Google a commencé à noter ces informations), on trouve en premier les informations professionnelles (24 %), suivies par une catégorie « Divers ». Pas moins de 8 % des demandes concernent des informations sur des crimes, et 7 % concernent des informations personnelles. Les sites les plus concernés par les demandes de déréférencement sont les annuaires (19 %) et les réseaux sociaux (12 %), « où le contenu référence des informations personnelles », ainsi que les articles d’information (18 %) et les pages gouvernementales (3 %), « où [le contenu] référence les antécédents juridiques ».

À noter, le taux de suppression des liens dans les résultats de recherche est plus élevé sur les sites d’annuaire ou les réseaux sociaux (55 % et 53 % en octobre 2017) que sur les sites d’actualités (32 % en octobre 2017) et les sites gouvernementaux (18 % en octobre 2017).

Taux de suppression des URL par catégorie de site.

Taux de suppression des URL par catégorie de site.

À la fin du rapport, Google affiche aussi les sites les plus affectés par des suppressions d’URL : si le 2e site le plus concerné est Facebook (suivi par Instagram, Twitter, Google Plus et YouTube), le 1er est un site français… annuaire.118712.fr. C’est bien Facebook qui a reçu le plus de demandes de suppression (16 623), mais Google n’a supprimé que 6 846 liens, tandis que 7 701 liens renvoyant vers l’annuaire 118 712 ont été supprimés (sur 10 858 demandes).

Exemple de demandes, et de réponses effectuées par Google à des internautes allemands. Demande : Nous avons reçu une demande pour supprimer quatre URL des résultats de recherche Google, y compris une page Web du gouvernement qui contenait des documents d'un procès. L'individu a été reconnu victime d'abus sexuels et de trafic d'êtres humains, et l'affaire s'est produite lorsqu'il était mineur. Issue : Nous avons supprimé ces quatre URL. Demande : Nous avons reçu une demande d'une personne pour supprimer des résultats de recherche quatre articles de presse traitant de ses recherches universitaires et contenant sa photo, au motif qu'elle a changé de genre et qu'elle est désormais identifiée sous un nouveau nom. Issue : Nous n'avons pas supprimé les articles en question, car ils restaient pertinents du point de vue professionnel et des recherches de l'universitaire.

Exemple de demandes, et de réponse apportées par Google.

Enfin, Google permet de parcourir des exemples de demande que l’entreprise a reçue, par pays, par période ou par décision. La demande est détaillée, et la décision de Google est expliquée, ce qui permet de voir comment Google justifie la décision de supprimer, ou non, les URL demandées. Cette partie ne manquera pas de rappeler les questions qui avaient été soulevées lors de la décision de la CJUE. Avec cet arrêt de 2014, celle-ci a en effet donné le droit à Google, entreprise privée, de décider seule de la validité de chaque demande de déréférencement, et de juger seule de la priorité de l’intérêt personnel du demandeur sur l’intérêt général du public à être informé.

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