Dans l’affaire qui oppose l’Association Américaine de l’Industrie Phonographique (RIAA) à l’éditeur du logiciel de P2P LimeWire, les rôles s’inversent. En réponse aux arguments de la RIAA, LimeWire poursuit le lobby pour collusion frauduleuse et dénonce l’instrumentalisation du logiciel iMesh.

Le 7 août dernier, nous annoncions que la RIAA attaque LimeWire. Ca n’était pas une surprise puisque depuis qu’il a gagné contre Morpheus, le lobby de l’industrie du disque multiplie les actions contre les éditeurs de P2P commerciaux, avec pour dernière cible le mort-vivant eDonkey. A propos de cette dernière affaire, nous écrivions que la multiplication des plaintes contre les éditeurs de P2P commerciaux « semble témoigner de la volonté de l’industrie du disque de limiter au maximum le nombre d’acteurs légaux de la distribution marchande, afin de pouvoir mieux les contrôler et organiser leur tarification uniforme« . « Tout acteur qui ne souhaiterait pas rentrer dans le moule serait contraint de mourir« , ajoutions-nous en précisant que « ça n’est probablement pas un hasard si les seuls outils de P2P qui ont réussi à ouvrir une version légale (iMesh et Bearshare) ou qui en annoncent une (Mashboxx) délèguent la gestion de leur catalogue payant à Snocap, un service contrôlé de main ferme par les majors de l’industrie du disque« .

Dans sa réponse et sa demande reconventionnelle, LimeWire ne dit rien de moins mais place iMesh au centre de la manigance. L’éditeur accuse la RIAA ne pas lui avoir laissé de véritable choix lorsqu’il est venu demander aux maisons de disques la possibilité de filtrer leur musique et de vendre leur catalogue sur le réseau P2P. La RIAA a refusé l’accès à son catalogue et bloqué toute négociation sur la mise en place d’un filtre basé sur les signatures numériques (hash) des fichiers, pour imposer un système d’empreinte sonore comme celui d’Audible Magic ou de Snocap. Mais le groupement aurait surtout très fortement « suggéré » à LimeWire de signer un accord avec iMesh, le seul logiciel de P2P aujourd’hui autorisé par le lobby des majors de l’industrie du disque.

IMesh est-il un entennoir vers la RIAA ?

« Les cadres d’iMesh, y compris leur PDG qui était avant à la tête de la RIAA, se vantent que parce qu’ils sont la seule entreprise autorisée par la RIAA, ils sont la seule façon pour une entreprise de P2P de survivre aux Etats-Unis« , rapporte LimeWire. Selon l’éditeur, il y aurait un plan entre les membres de la RIAA et iMesh pour contraindre les éditeurs de P2P aux Etats-Unis à choisir entre une poursuite devant les tribunaux ou un rachat par iMesh. En échange d’une garantie d’éviter les tribunaux, les éditeurs de P2P doivent céder leur fichier d’utilisateurs à iMesh, « afin qu’ils puissent imposer une conversion à la plateforme iMesh ce qui en retour, amènera de grands profits à iMesh et bien sûr, aux majors du disque« , dénonce LimeWire.

En mai dernier, Bearshare annonçait sa revente à iMesh, et cet été la sortie d’une version 6.0 calquée sur le logiciel de son nouveau propriétaire. Mashboxx, le projet de logiciel de P2P légal annoncé depuis 2004 – et très proche d’iMesh dans son fonctionnement – mais toujours fantôme, a annoncé en novembre 2005 l’achat de Grokster (Wayne Rosso, le patron de Mashboxx, était le PDG de Grokster avant sa fermeture). EDonkey a payé 30 millions de dollars à la RIAA pour partir en paix, mais n’a-t-il pas lui aussi vendu ses actifs et son fichier d’utilisatateurs ? Dans sa demande reconventionelle, LimeWire affirme que les cadres d’iMesh ont montré des documents financiers démontrant une transaction avec Sharman Networks, l’éditeur de Kazaa. En juillet dernier, ce dernier signait un chèque de 115 millions de dollars à la RIAA pour éviter des poursuites et cesser ses activités.

Une vaste conspiration contre l’innovation

Pour LimeWire le but des membres de la RIAA est simple : « détruire tout service de distribution de musique en ligne qu’ils ne possèdent ou ne contrôlent pas, ou forcer ces services à traiter avec eux via des termes exclusifs et/ou anticoncurrentiels de façon à limiter et en fin de compte contrôler la distribution et la tarification de la musique numérique, tout cela au détriment des consommateurs« .

« Cette affaire n’est rien d’autre qu’une partie d’une conspiration bien plus large pour détruire toute innovation que les titulaires de contenus ne peuvent pas contrôler et qui désorganise leurs modèles économiques historiques« , estime LimeWire dans son accusation. L’éditeur condamne l’utilisation d’une « arme puissante » : « les droits exclusifs inhérents à leurs droits d’auteurs, qu’ils déploient avec vengeance en étendant et en mettant en commun ces droits de façon illicite pour cartelliser le réseau de distribution de musique en ligne« .

LimeWire ira-t-il pour autant jusqu’au bout en affrontant la RIAA devant les tribunaux ? Comme souvent aux Etats-Unis, l’affaire a de grandes chances de se résoudre sous le secret d’un accord amiable. Mais comme le note Slyck, LimeWire fait partie de la maison LimeGroup, qui comprend Tower Research Capital, Lime Brokerage, LimeWire, et Lime Capital Management. La puissance financière du groupe est telle qu’un procès long et coûteux n’est pas exclu.

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