Après des années de tolérance faute d’une loi parfaitement claire et de visibilité suffisante du marché, les maisons de disques ont finalement adopté un tarif qui annonce une rarification des webradios en France. Pour tenter néanmoins de sauver le principe du diffuseur-payeur, quelques souplesses sont à l’étude. Mais ne faut-il pas revoir l’ensemble du modèle économique des webradios ?

Alors que la licence globale était rejetée après un débat houleux, la loi DADVSI n’a pas souhaité même étendre aux webradios le régime de rémunération équitable qui existe pourtant pour les mêmes radios dans le monde analogique hertzien. Ces dernières, en effet, n’ont pas à demander l’autorisation aux producteurs pour diffuser leurs chansons, puisqu’ils doivent simplement s’acquiter d’une rémunération dite « équitable » auprès de la SPRE (pour les artistes interprètes et producteurs) et de la Sacem (pour les auteurs et compositeurs). Les webradios, en revanche, sont soumises au droit exclusif le plus pur et ne bénéficient d’aucune licence d’office. Chaque diffuseur de musique sur Internet doit obtenir l’accord expresse des maisons de disques et des auteurs et compositeurs de musique.

Après des années de bataille, le tarif est finalement fixé. Un accord avec la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP, qui représente les majors) et la Société civile des producteurs de phonogrammes (SPPF, les « indépendants »), prévoit un minimum syndical de 3 000 euros par an à la SCPP, et de 1 500 euros par an à la SPPF. Sommes déjà lourdes auxquelles s’ajoutent des rémunérations variables basées par exemple sur le chiffre d’affaires généré ou sur le nombre de canaux de diffusion mis en place par la webradio. Puis viennent les rémunérations pour les auteurs-compositeurs d’un côté, et pour les interprètes de l’autre.

01Net précise que dans sa grande bonté, la SCPP devrait proposer une tarification spéciale inférieure à 75 euros par mois (soit 900 euros par an) pour les petites webradios qui n’ont que quelques centaines d’auditeurs au plus, et qui donc probablement ne gagne nul argent par la diffusion promotionnelle des titres des maisons de diques. Rien n’est décidé en revanche à la SPPF, dont les titres sont justement plus souvent diffusés sur les petites radios indépendantes.

Mais ces petites retouches tarifaires et l’usine à gaz mise en place nous rappelle que le principe de faire payer les diffuseurs est très artificiel et qu’il aurait été bon d’y songer lors des débats sur DADVSI. Le principe du diffuseur-payeur ne gagnerait-il à être substitué par le principe de l’auditeur-payeur ?

Auditeur-payeur : l’inévitable débat sur la licence globale

On ne cessera probablement jamais de revenir encore et toujours sur le débat autour de la licence globale. Mais c’est que malgré ses perfections, la licence globale répond à de nombreuses interrogations et apporte une réponse aux réalités de la diffusion de la musique sur Internet.

« Après les webradios, la prochaine étape va concerner les podcasts et les droits associés à leur diffusion« , prévient déjà 01Net dans son article. Les producteurs veulent donc conclure des accords marchands avec chacun des diffuseurs de webradios et de podcasts musicaux. Mais c’est ne pas se rendre compte que le diffuseur a changé de nature. Hier, l’exploitation du spectre hertzien pour diffuser des chansons sur les ondes FM limitait par nature les diffuseurs à un nombre très restreint, et imposait par incidence leur caractère commercial. Il ne pouvait y avoir qu’un très petit nombre de médias, condamnées pour survivre à séduire le plus grand nombre, et ce fut l’ère des mass media.

Aujourd’hui les mass media n’ont plus de raison technique pour exister. Cela prendra des années mais beaucoup s’accordent à penser qu’il y aura grâce à Internet une explosion du nombre de médias, et surtout que la professionnalisation du diffuseur est en voie de disparition. Le public amateur devient lui-même diffuseur. Il choisit les chansons qu’il aime et les diffuse sur son blog, sur son réseau P2P ou son logiciel de messagerie instantanée, pour un coût proche de zéro et avec un auditoire au volume extrêmement réduit. Il fait lui-même ses propres podcasts. Ceux-là ne paieront pas pour diffuser de la musique, même 75 euros par mois. Le rêve des maisons de disques, conscientes de ce phénomène, est d’obliger les internautes à passer par des services payants pour acheter des licences des musiques qu’ils souhaitent diffuser. Mais il s’agit encore uniquement d’un rêve, et un rêve dont aucun signe aujourd’hui ne montre qu’il pourrait devenir réalité. La musique s’est exclue du monde marchand en pénétrant dans un monde décentralisé et dématérialisé.

Or s’il n’est plus possible de faire payer le diffuseur, qui doit payer pour rémunérer les créateurs ? Les plus extrémistes diront que personne ne doit les payer puisque l’art se crée pour l’art, mais les plus raisonnables en viendront sans doute à la conclusion qu’il faut renverser la vapeur et faire de l’auditeur le payeur. Soit directement, c’était le principe de la rémunération perçue par le fournisseur d’accès à internet. Soit indirectement, par l’extension de l’assiette de la rémunération pour copie privée à l’ensemble des biens dont la vente est réalisée grâce aux contenus non rémunérés.

La FNAC, en difficulté sur la vente de développement photo et de disques, ne disait-elle pas très récemment qu’elle se rattrapait aujourd’hui largement par la vente d’appareils photo numérique et de baladeurs MP3 ? L’argent qui allait aux créateurs n’a pas disparu, il faut simplement aller le chercher là où il s’est déplacé.

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