Audi tient une place particulière dans le cœur des amatrices et amateurs de choses qui roulent vite. Le constructeur allemand, filiale du groupe Volkswagen, jouit d’une aura qui fait rimer rapidement ses quatre cercles enchâssés avec luxe. Mais voilà, le marché de l’automobile n’est pas en 2018 ce qu’il était en 1970, quand la marque a commencé à prendre son envol. La voiture est un enjeu urbain, social, environnemental et technologique. Le public qui aimait les grosses cylindrées laisse petit à petit sa place à de nouveaux clients qui cherchent les voitures les plus avancées technologiquement, les plus économes et les plus écolos.
Le trublion Tesla y est pour beaucoup : coup sur coup, l’outsider américain a battu en brèche toutes les habitudes de l’industrie automobile sagement installée. Le luxe est devenu électrique, la vitesse et le confort également. Les mises à jour des véhicules sont maintenant over the air et le plaisir de conduire s’est associé aux exigences de sécurité et de confort apportées par les véhicules autonomes. Bref, le monde a changé. Mais est-ce que Audi a changé ?
L’Audi A7 Sportback nous a été présentée comme la vitrine technologique de la marque. Dans sa version 2018, le véhicule embarque en effet la plupart des systèmes disponibles dans l’Audi A8, tout en proposant des choses plus ambitieuses que la berline iconique très figée, au niveau du design et des espaces intérieurs. Verdict après une journée d’essais dans la campagne milanaise embrumée.
Conduite et autoconduite
Conduite
Conduire une Audi A7 est un plaisir. Le véhicule est spacieux sans être trop grand et les nombreux raffinements proposés par Audi ont le luxe de vous assister dans chaque étape de votre déplacement. Par exemple, en sortant du parking où nous étions garés, un espace aux angles plutôt étroits, on s’est aperçu que l’Audi A7 parvenait à braquer sans sourciller. Ce n’est pas de la magie, mais plutôt la possibilité pour les roues arrière de tourner sur 5 degrés d’angle pour accompagner les tournants et les demi-tours les plus serrés.
Sur l’autoroute et sur les nationales, cette technologie est aussi utilisée par le système de direction dynamique intégrale (nommé Quattro par Audi) jusqu’à 2 degrés d’angle. En pratique, cela donne une conduite extrêmement fluide sur les grands axes qui ne prendra aucun passager par surprise. Même un mouvement brusque pour éviter un débordement sera adouci par les systèmes dynamiques intégrés par l’Allemand.
Cette Audi qui fait le 0 à 100 km/h en 5,3 secondes n’a également aucun problème à vous insérer dans la circulation ou à gérer des dépassements sur n’importe quelle voie. On se sent immédiatement en confiance et, même si on ne retrouve pas le confort des moteurs électriques dont la puissance est immédiatement disponible, on doute rarement des possibilités du véhicule à aller où nous souhaitons l’emmener.
Côté motorisation, l’intégration d’une batterie 48 volts à l’engin permet à Audi de couper le moteur du véhicule quand il n’en a pas besoin sans couper tous les systèmes qui reposent sur l’électricité pour fonctionner. Cette intégration d’une batterie au lithium-ion qui n’est pas encore démocratisée sur toutes les voitures apporte donc à la fois une meilleure efficacité au moteur diesel ou essence, mais aussi plus de confort pour les personnes à l’intérieur du véhicule. En effet, à partir de 100 km/h, le moteur qui se coupe enlève du bruit et des vibrations — déjà bien maîtrisés par ailleurs grâce à un système de réduction de bruit actif intégré à l’habitacle. C’est évidemment la voiture qui décide quand son inertie lui permet d’effectuer telle opération : pour le conducteur, c’est transparent.
Assistances à la conduite
Mais en 2018, est-on encore vraiment conducteur d’un véhicule ? Le marché est en train de se tourner vers l’autonomie et Audi ne compte pas regarder Tesla, Google ou Apple prendre de l’avance sans participer à la course. Le constructeur allemand reste pourtant prudent. S’il est fier de nous présenter un véhicule équipé de « 24 capteurs » et de « 39 assistances », il martèle à plusieurs reprises qu’il ne vend pas de l’autonomie de niveau 3 (véhicule entièrement autonome sur certaines routes, comme des autoroutes). Et qu’il ne vendra pas, sous aucun prétexte, la possibilité de passer à ce niveau d’autonomie.
À l’heure où Tesla fait évoluer des véhicules tous les mois avec des mises à jour qui améliorent la sécurité, l’interface et même la vitesse, ce discours tenu par Audi semble étonnant, car il confine à l’absurde : le parking automatique (la voiture qui se gare toute seule) est prévu pour la fin de l’année sur les A7. Si vous en achetez une aujourd’hui, vous ne l’aurez tout simplement pas, même si votre véhicule est équipé de capteurs qui, théoriquement, pourraient l’amener à une autonomie totale (c’est peu ou prou la même configuration que les Tesla). Les responsables d’Audi maintiennent leur cap : « Nous ne proposerons pas de mise à jour qui touche aux fonctionnalités de la voiture ». Elles seront donc réservées à l’infodivertissement.
On peut en tirer deux conclusions. La première, pessimiste, voudrait qu’Audi n’ait rien compris au marché de l’automobile qui se profile, inspiré des nouvelles technologies et des pratiques de mise à jour, gratuites ou payantes. En plus, le constructeur présenterait avec fierté une sorte de gâchis technologique : avec un cerveau hardware haut de gamme proposé par Nvidia et un véhicule bardé de capteurs qui travaillent ensemble, on se demande ce qui peut techniquement empêcher Audi d’exploiter tout cela de mieux en mieux année après année.
La deuxième, plus optimiste, montrerait un constructeur prudent qui ne voudrait pas se prendre un deuxième scandale à la Dieselgate en expérimentant des choses qu’il ne maîtrise pas. Le discours passerait donc comme une absence de promesse, mais pas une absence de faits : par exemple, on peut imaginer que Audi pourra intégrer des améliorations à ses véhicules via une mise à jour, mais qu’il ne l’annoncera pas et ne le vendra jamais pour ne pas être contractuellement tenu de les proposer. À l’extrême inverse, Tesla vend de l’autonomie de niveau 5 « quand ce sera prêt » à ses clients actuels, ce qui peut également être mal perçu.
Cette question ne sera malheureusement pas résolue.
Mais alors, début 2018, de quoi parle-t-on chez Audi quand on évoque l’assistance à la conduite ? Principalement d’un système qui utilise des caméras, des radars et un lidar pour proposer au conducteur un régulateur de vitesse adaptatif et un système de maintien dans la voie. Contrairement aux précédents modèles qui embarquaient des technologies au mieux moyennes, Audi a mis le paquet sur la R&D pour que tous ses capteurs communiquent enfin ensemble. On se retrouve donc avec une voiture capable de faire travailler ensemble le lidar, les radars et les caméras et d’avoir une redondance sur les informations transmises aux commandes — une nécessité absolue pour la sécurité.
La confiance est moins vite établie que dans une Tesla, parce que la philosophie Audi déjà énoncée est plutôt de freiner des quatre fers. On ne trouvera pas de bruit rassurant à l’activation des fonctionnalités d’aide à la conduite, pas de vision en temps réel sur le tableau de bord de ce que la voiture « voit », bref, on a aucunement envie de laisser le véhicule conduire seul. Et pourtant, il s’en sort bien. Les courbes sont douces, les dépassements sont ajustés selon le type de véhicule dépassé (un poil plus loin pour les camions, par exemple).
Le système va prévenir un conducteur distrait en trois étapes
Côté autonomie, le système va prévenir un conducteur distrait en trois étapes. D’abord, il va demander via une notification sur l’écran de remettre les mains sur le volant. Ensuite, une sonnerie va se faire entendre. Enfin, le véhicule est capable d’appeler seul les secours (on pense à un conducteur qui serait évanoui au volant). Nous n’avons pas poussé notre essai jusque-là, mais le véhicule continue bien dans sa voie pendant toute la période d’alerte. Finalement, il ne nous viendrait pas à l’esprit de lâcher le volant d’une A7 en 2018, mais elle conduit tout à fait sereinement au centre d’une voie sur une autoroute. La promesse du niveau 2 d’autonomie est donc parfaitement tenue — et on se sent très largement en sécurité et reposé après une demi-journée de conduite.
Technologie
Le plus impressionnant lors de cet essai de l’Audi A7 n’est pourtant pas lié à l’autonomie du véhicule. Le constructeur a en effet deux innovations dans son véhicule que nous n’avions encore jamais expérimentées ailleurs.
La première est un HUD : une reproduction du tableau de bord est projetée sur le pare-brise de la voiture. Cela aurait pu être très bancal comme concept, mais en une demi-heure d’utilisation, nous ne regardions plus que cela. En pratique, il s’agit d’un petit cadre, comme une fenêtre, affichée juste en dessous de la route. Vous baissez à peine les yeux pour accommoder votre vision dessus. On trouve sur cet écran invisible la vitesse du véhicule, les informations du GPS, mais également les modes de conduite et les différentes alertes.
S’il fallait trouver une invention pour éviter à un conducteur de quitter la route des yeux, Audi n’aurait pas mieux fait. L’exécution est en plus très bonne : le projecteur est caché par le volant et il faut vraiment être pile en face pour voir ce qui est projeté. Un passager ne verra qu’un pare-brise transparent. On a vraiment hâte de voir ce genre d’équipement qui renforce la concentration sur l’essentiel (la route) se multiplier dans les véhicules avec une telle maîtrise.
La deuxième innovation est une aide au parking qui vient presque faire oublier que la voiture, malgré ses 24 capteurs, ne se gare pas toute seule. En utilisant les 4 caméras qui voient l’environnement à 360 degrés, le GPS et des accéléromètres, l’Audi A7 est capable de créer sur l’écran d’infodivertissement une projection en 3D de votre environnement, avec une « vue de dessus » et de derrière.
Votre véhicule est modélisé au centre de cette carte et tout est calculé en temps réel pour que vous puissiez vous garer comme si un drone avec une caméra braquée à 180 degrés au-dessus de vous vous aidait dans votre tâche et qu’un autre vous filmait dans votre dos. Des lignes apparaissent également sur l’écran pour que vous puissiez anticiper la trajectoire de votre véhicule. Bref, c’est incroyablement bien fait et si Audi n’est pas le seul à proposer cette fonction, son intégration est presque parfaite sur l’A7 Sportback.
Au-delà de ces deux ajouts majeurs, on peut toujours compter sur les derniers raffinements à la mode : siège massant, repose smartphone avec chargeur à induction (fonctionne avec un iPhone), sonorisation Bang & Olufsen, compatibilité CarPlay, mémorisation de plusieurs profils de conduites, climatisation et chauffage directionnels, caméra de recul… on est en terrain connu et sur des véhicules à prix élevé, on peut reconnaître que l’intégration Audi frôle avec ce qui se fait de mieux. Même l’écran tactile a été travaillé pour être utilisé en conduite : l’utilisateur peut régler un niveau de retour de force pour ses pressions afin d’avoir un sentiment de cliquer sur quelque chose. Pratique pour ne pas avoir à quitter la route des yeux.
Le verdict
Audi A7 Sportback
On a aimé
- Le confort d'une berline, la souplesse d'une sportive
- L'assistance à la conduite
- Le HUD et la vision « drone »
On a moins aimé
- Positionnement ambigu d'Audi sur les mises à jour
- Le potentiel des capteurs pas exploité
- Pas d'autoparking
Difficile de ne pas se laisser séduire par l'Audi A7 Sportback. Aucune route ne lui résiste, elle est équipée des dernières technologies du constructeur et chaque intégration est réussie. Les assistances à la conduite assurent une navigation sécurisée et les systèmes d'aide comme le hud ou la vision à 360 degrés sont bluffants.
On mettra simplement un bémol sur la philosophie du constructeur allemand : aujourd'hui, il vend plutôt cher une voiture bardée de capteurs qui pourraient lui donner un jour une autonomie de niveau 4 ou 5 -- ou au moins quelques fonctionnalités liées à la conduite fort plaisantes, comme l'autoparking. Et au lieu de sauter sur l'opportunité de mises à jour de son véhicule, il le condamne en théorie à rester le même qu'à l'achat, gâchant un potentiel technologique à peine exploité par le véhicule.
On espère secrètement qu'il s'agit d'une communication trop prudente et non d'une profession de foi.
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