Android a un problème de communication. Le système a émergé en 2007 et n’a toujours pas réussi, 11 ans après, à imposer une application de messagerie instantanée. BlackBerry avait BBM, Apple a iMessage, Facebook a Messenger et WhatsApp… Google n’a rien. Ou plutôt, Google a une succession d’applications qui n’ont rencontré aucun succès. On se souvient vaguement de leurs noms : Talk, Hangouts, Duo, Allo… il est probable qu’en cherchant à faire une liste de tête, on en oublie. Toutes ont un point commun : elles n’auront jamais réussi à remplacer l’application SMS présente par défaut sur des centaines de millions de smartphones Android.
Alors plutôt que de poursuivre sur la voie de l’échec, Google a décidé de revoir entièrement sa copie qui a été dévoilée en avant-première à The Verge. Anil Sabharwal, qui a dirigé Google Photos et en a fait l’exemple même d’une application utilisée massivement sur tous les systèmes d’exploitation, a été chargé par Sundar Pichai, CEO de Google, de résoudre ce problème. Et Sabharwal a eu une idée : pourquoi ne pas retourner à la racine du problème et rendre complètement obsolète le SMS ? C’est toute l’idée derrière Chat qu’il ne faut surtout pas appeler « Google Chat », dans la mesure où Google n’est qu’un intermédiaire.
Pour résumer simplement la chose, Chat est le nom commercial du RCS, acronyme signifiant Rich Communication Service et qui est grosso modo une technologie censée remplacer le SMS et le MMS. Ces deux noms que tout le monde connaît correspondent à des technologies de communication mobile désuètes dont la seule victoire est peut-être l’interopérabilité. Le RCS est un protocole qui n’est pas nouveau, mais qui, laissé aux mains des opérateurs, a été tout sauf standardisé : les opérateurs étant ce qu’ils sont, ils ont toujours préféré construire un pré carré de communication plutôt que d’appliquer un standard. De fait, le RCS n’a jamais pu prendre.
C’est là que Google entre en jeu : en suivant la philosophie derrière Android, à savoir travailler avec des constructeurs et des opérateurs autour d’un « standard » ouvert comme système d’exploitation, le géant de Mountain View a entamé une campagne de lobbying et d’accompagnement technologique auprès des opérateurs du monde entier afin qu’ils adoptent tous un standard nommé Universal Profile. C’est toute l’idée de Chat : faire du RCS le remplaçant du SMS, utilisé partout dans le monde comme outil de communication par défaut.
Google a réuni 55 opérateurs, 11 constructeurs et 2 développeurs de système d’exploitation
Côté Android, Google assurera la transition. Les équipes qui travaillaient jusqu’ici sur Google Allo ont été réaffectées à Android Messages, soit l’application de base pour envoyer des SMS sur Android — elle devra gagner en fonctionnalité et être parfaitement compatible avec Chat. D’ici quelques années, on pourrait donc envisager que la messagerie par défaut d’Android, grâce à Chat, ait des fonctionnalités développées par Google pour rivaliser avec WhatsApp, Messenger et autres Signal.
Et la première manche semble avoir été gagnée : Google a réuni 55 opérateurs attirés par un marché du RCS, notamment professionnel, estimé à 74 milliards de dollars en 2021, 11 constructeurs et 2 développeurs de système d’exploitation autour des Universal Profiles. On compte tous les grands noms d’Android, de Samsung à HTC en passant par Asus, Huawei ou LG, mais aussi Microsoft ou Orange. Côté opérateurs français, la liste initiale ne présente d’ailleurs que l’entreprise de Stéphane Richard, SFR, Bouygues et Free étant aux abonnés absents.
Les challenges à surmonter
Reste que Google et ses alliés vont avoir de nombreux challenges à surmonter. Tout d’abord, si l’on prend le cas de la France et qu’on présume que seul Orange sera de la partie dans un premier temps, que se passera-t-il ? Eh bien comme avec iMessage quand il cherche à communiquer à quelqu’un en dehors de l’écosystème Apple, l’application Android convertira le RCS en SMS, retrouvant le bon vieux format limité à 160 signes et l’absence de toute personnalisation.
Mais d’autres problèmes vont devoir être surmontés. Le premier, c’est que les early adopters qui peuvent démocratiser une technologie ont adopté le réflexe des messageries chiffrées de bout en bout. Apple chiffre les messages de ses clients par défaut et sur Android, WhatsApp ou Signal le font également. Le RCS est un standard aux mains des opérateurs, Google et ses partenaires n’étant que des relais, des points de réception. Cela signifie qu’un message RCS n’est pas sécurisé, peut être intercepté et reste sur le réseau des opérateurs qui ne sont pas connus pour être les derniers à plier aux demandes des autorités.
Le second problème, on le devine aisément, c’est l’engagement d’Apple. Très souvent, l’industrie a attendu que Cupertino fasse un mouvement pour adopter massivement un standard : avec une base d’utilisateurs plus faible que celle d’Android, mais qui utilise les mêmes produits au même moment, Apple est un argument qui peut faire basculer plusieurs industries. On l’a vu récemment pour le paiement sans contact ou la recharge sans fil. Et aujourd’hui, Apple n’a communiqué aucun plan d’adoption du RCS dans iMessage. Quoi qu’il en soit à l’avenir, ce serait toujours une solution de repli : on voit mal le constructeur passer par défaut sur un protocole non chiffré et qui ne présente pas toutes les subtilités d’iMessage auxquelles les utilisateurs sont habitués.
Bref, même si de grandes étapes ont été franchies, il reste encore du travail à Mountain View et à ses partenaires pour proposer un système de messagerie moderne, personnalisable, non limité et disponible sur smartphone et ordinateur. Mais d’ici quelques années, si tout se passe bien, Chat pourrait bien avoir enfin enterré le SMS.
+ rapide, + pratique, + exclusif
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.
Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Vous voulez tout savoir sur la mobilité de demain, des voitures électriques aux VAE ? Abonnez-vous dès maintenant à notre newsletter Watt Else !