Les robots vont-ils prendre la place des journalistes ? Dans son ouvrage, Damien Desbordes évoque les effets de l’automatisation sur la presse, soulignant la nécessité pour la profession d’anticiper le rôle futur des robots dans les rédactions.

Cet article que vous pouvez lire sur Numerama en mai 2018 a été écrit par une journaliste. Mais comme tous les métiers, celui exercé par cette autrice n’est pas à l’abri d’une prévision régulièrement dressée : les emplois des êtres humains risqueraient d’être menacés par la robotisation dans le futur.

Les technologies capables d’écrire des articles de presse ont déjà fait leur entrée dans certaines rédactions. Au Washington Post, une intelligence artificielle a publié 850 articles pendant un an, qui portaient principalement sur des actualités politiques et sportives.

Les robojournalistes vont-ils prendre la place des humains ?

De là à prédire que les robots pourraient un jour prendre la place des journalistes, n’y aurait-il qu’un pas ? C’est justement la question que s’est posée Damien Desbordes dans un ouvrage paru le 4 mai dernier. Dans Les Robots vont-ils remplacer les journalistes ?, l’auteur — qui se décrit lui-même comme « un journaliste infiltré » — dresse une sociologie du journalisme, à l’aune des développements technologiques qui risquent de bouleverser les pratiques de la profession.

« Lors de la rédaction de mon mémoire sur les robots et les journalistes, j’ai constaté qu’il existait peu de sources sur ce sujet, en dehors des articles de presse, nous explique Damien Desbordes. C’est ce qui m’a donné envie de me lancer dans un travail de rassemblement de la documentation existante sur le sujet. »

Limiter les erreurs dans les articles

L’auteur présente notamment dans ce livre, d’une centaine de pages, les différentes situations aujourd’hui rencontrées par les rédactions qui ont intégré une forme d’automatisation du travail journalistique. « Il y a d’abord des rédactions où les robots n’ont pas pris la place des journalistes ; au contraire, l’automatisation a même pu améliorer la satisfaction au travail des journalistes, notamment en s’emparant des articles routiniers, qui sont ceux où les journalistes ont un plus grand risque de faire des erreurs », avance notre interlocuteur.

Damien Desbordes cite ainsi l’exemple de l’agence Associated Press, qui a commencé à automatiser la rédaction des rapports trimestriels d’entreprises. « En France, Le Monde a aussi eu recours à cette technologie pendant les élections départementales en 2015, pour donner les résultats du scrutin commune par commune », rappelle l’auteur.

L’automatisation peut améliorer la satisfaction des journalistes

Les machines peuvent même servir d’appui aux journalistes lorsqu’ils sont confrontés à des enquêtes longues et fastidieuses, où les quantités de données à traiter peuvent vite s’accumuler. « Pensez à l’enquête des Panama Papers, par exemple, où il y avait des téraoctets de données à analyser. Ou à l’intérêt que pourraient avoir des détecteurs de mensonges pendant les interviews », évoque Damien Desbordes.

Néanmoins, tous les journalistes ne perçoivent pas la présence des machines d’un œil aussi favorable. Parmi les professionnels déjà confrontés à une automatisation du journalisme, Damien Desbordes évoque un deuxième tableau : celui des déçus ou des inquiets de la robotisation, qui « se sentent fragilisés dans leur légitimité ».

CC Flickr Chris Isherwood

CC Flickr Chris Isherwood

Éviter le « coup de grâce »

L’auteur évoque enfin une troisième situation, qui semble finalement être celle qui concerne le plus grand nombre de journalistes à l’heure actuelle. « Ce sont les journalistes qui ont déjà commencé à vivre avec l’automatisation, mais qui ne s’en rendent pas compte. D’où la nécessité, sur le plan éthique, de poser un cadre déontologique pour que l’automatisation ne soit pas le coup de grâce du journalisme, ou la marche sur laquelle le journalisme risque de trébucher », s’avance notre interlocuteur.

Pour que les algorithmes apportent une véritable valeur ajoutée au travail des journalistes, Damien Desbordes  préconise que les rédacteurs se fassent « les chefs d’orchestre » de ces outils. Mais la formalisation des enjeux que les robots posent pour la profession ne suffit pas : il anticipe la place que d’autres métiers, proches du journalisme, devront prendre, notant que « la robotisation offre une opportunité, celle de faire davantage entrer les développeurs et les designers dans les rédactions, afin d’adopter une approche beaucoup plus hybride. »

Encore faut-il que les journalistes se montrent réceptifs à ces éventuelles évolutions. « C’est une profession qui a une tendance à être résistante au changement, bien que la manière dont elle a composé avec l’arrivée d’Internet montre le contraire. On se figure souvent que c’est une profession impossible à automatiser », conclut Damien Desbordes. Pourtant, les IA et autres technologies ont déjà investi les rédactions, parfois encouragées dans cette voie par des entreprises leaders de la tech.

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