Nous nous étions dit qu’il y aurait un avant et un après Mr. Robot. La série parvenait enfin à dépasser les clichés des hackers et de l’informatique en général. Certes, on se retrouvait toujours en présence d’un homme à hoodie mi-génie mi-asocial, mais cette fois, ce qu’il faisait sur des ordinateurs ne se résumait pas à tapoter sur un clavier pour afficher de fausses lignes de code ou à appuyer sur un bouton rouge « Access Denied » sur fond noir pour qu’il devienne « Access Granted » afin de pénétrer n’importe quel système de sécurité.
C’est peu dire que la Casa de Papel n’a pas retenu la leçon. La telenovela espagnole qui prend place au cœur d’un braquage réussit à être aussi drôle quand elle met en scène l’informatique qu’elle est addictive pour quiconque a goûté aux premiers épisodes. Malgré son charme, il reste des références tech tellement absurdes qu’elles ne passent pas. Et ça va du mignon au grotesque. Du haussement de sourcil à l’éclat de rire, le show non anglophone le plus regardé de Netflix déploie un bel arsenal de situations cocasses.
L’interface de modification de la voix
En bon mystérieux individu qui organise un braquage avec prise d’otage, Le Professeur a besoin de modifier sa voix pour parler à la police. Son interface informatique pour gérer ce logiciel ressemble aux animations vidéo qu’on mettait sur Windows Media Player ou Winamp dans les années 2000 tout en jouant de la musique. Et c’est d’ailleurs probablement une vidéo, vu qu’elle reste animée en permanence comme si du son entrait, que le Professeur soit en train de parler ou non.
Le piratage des caméras en temps réel
Rio est un génie de l’informatique. Et comme tout bon génie, il lui suffit d’avoir un ordinateur portable connecté à rien pour absolument tout faire. Lors de la première scène de braquage, alors que le camion fonce à l’intérieur du bâtiment de la Monnaie de Madrid, Rio tapote (probablement au hasard) sur son clavier et détecte en temps réel les caméras de sécurité sur une carte, avec leur position qui se met aussi à jour. Alors certes, on sait que les institutions peuvent parfois être des passoires, mais là, on entre dans la cinématographie pure. Au diable le possible !
Le hack de tous les smartphones
La Casa de Papel réussit à plutôt bien rendre les moyens de triangulation d’un smartphone. Dans la vraie vie, avec un mandat et pour une enquête, la police peut en effet repérer les antennes sur lesquelles se connecte un smartphone et opérer une géolocalisation extrêmement précise de l’appareil. Mais la série déraille complètement quand elle montre des smartphones se faire hacker. On retrouve bien entendu les gens qui tapent n’importe quoi sur un clavier et les boutons rouges qui passent au vert, affichant de gros CONNECTED. Cette petite manipulation donne accès à n’importe quel smartphone et à ses caméras en moins d’une minute, pour peu qu’il ait une connexion à internet. Les agences de renseignement en rêveraient.
Le suivi de type « sonar » des agents
Tout h4ck3r du gouvernement qui se respecte a un plan de tous les bâtiments du monde, façon carte de jeu vidéo, et les policiers de la Casa de Papel n’échappent pas à la règle. La scène d’infiltration des deux agents est suivie scrupuleusement sur un écran de contrôle sur lequel on peut voir leur progression, sous terre, au mètre près. Alors oui, Uber sait où vous êtes avec une bonne précision quand vous commandez une course, mais essayez d’utiliser un GPS dans un parking souterrain… cela ne sera pas la même histoire.
DUPLIQUEZ LES PIXELS !
Ah, on l’attendait. Depuis NCIS, le zoom dans les photographies floues (qui les rend nettes) est devenu un cliché du genre qui doit absolument être présent dans une série. La série nous présente un exemple fantastique de reconstitution de photographie : à partir d’une archive de caméra floue, les agents demandent de « dupliquer les pixels »… et hop, la photo est claire et nette. Alors certes, on a aujourd’hui des algorithmes capables de faire des merveilles, mais cette science a encore besoin d’une grosse puissance de calcul et ne fait pas (encore) de miracles. Dans quelques années, peut-être que cela sera devenu quelque chose de commun : qui sait, La Casa de Papel a peut-être un petit côté anticipation.
Le micro dans les lunettes avec portée infinie
À un moment crucial de la série, un agent se fait poser un micro par les cambrioleurs dans la branche de ses lunettes. Il fait donc grosso modo moins de 2 mm d’épaisseur (sans compter l’interface, avec batterie, carte mère et émetteur), est recouvert d’une couche de plastique mais semble être le micro le plus magique de l’histoire des micros. En effet, sa portée semble absolument infinie, il fonctionne en toute circonstance (peut-être avec une carte SIM ?) et surtout, il permet d’entendre toutes les conversations de manière claire de toutes les personnes autour de son porteur. Aucun bruit parasite, aucun grésillement, aucune coupure. Au quotidien, on galère encore à faire de la VoIP correcte avec des smartphones à plus de 1 000 euros. Notre avis : le gang aurait dû breveter sa technologie et aurait gagné autant d’argent en royalties.
L’installation du poste informatique
On passe du sourire au fou rire. Dans une scène de flashback, Rio le hacker installe l’ordinateur qui va servir de base au Professeur (qui, on ne sait pas trop comment, est un crack en tout mais n’a pas les rudiments de l’informatique en 2018). La réalisation a choisi de faire une scène d’avance rapide hilarante sur de la dubstep agressive (musique de hacker) au cours de laquelle Rio… fait des allers-retours et déplace des écrans. Pourquoi s’embêter à configurer un routeur, un pare-feu, une unité centrale, un accès VPN et des dizaines de câbles pour le casse du siècle quand on peut juste poser des éléments et ajuster l’inclinaison des écrans ?
La séquence deep web
Mais ce n’est pas fini ! Maintenant qu’on a ajusté les écrans pour qu’ils respectent le confort des yeux de l’utilisateur, il faut bien sûr acheter des armes. Et où va-t-on acheter des armes quand on est un hacker ? Sur le deep web ! « Le dark net ! », répond un Rio enjoué. Avant de nous achever par son professionnalisme : « Je désactive le pare-feu, le Wi-Fi, on passe par Ethernet ! ». On finit tout de même par namedropper Tor et un VPN. Ok garçon, c’est sûr qu’avec ça, tu vas devenir intraçable.
Pour quelques bitcoins de plus
La Casa de Papel est sortie fin 2017 en Espagne. Et qu’est-ce qui était cool et à la mode chez les hackers en 2017 ? Le bitcoin, bien évidemment. Sans nous laisser nous remettre du fou-rire précédent, Rio se rend sur l’Amazon du Dark Net, avec des petites annonces et des boutons acheter qui vous permettent d’acquérir des armes lourdes ou des tanks. Le jeune fougueux optait d’ailleurs pour une sortie remarquée en blindé armé, avec un argument imparable : « et ça ne coûte que 60 bitcoins ! ». Si on prend le cours du bitcoin à l’été 2017, on atteint quand même le million de dollars. Une petite somme à sortir, même pour une startup du crime.
La Casa de Papel est toujours disponible sur Netflix. Elle aura même une troisième partie, prévue pour 2019.
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