Le recours aux DRM est un dogme en voie de disparition pour les téléchargements de musique, mais il reste solidement accroché aux formules d’abonnements. Même Yahoo, qui a été précurseur dans le combat contre les DRM, semble vouloir les garder et les améliorer. Mais y a-t-il une vraie justification à cette utilisation des DRM ?

Yahoo Music concède sur le blog officiel du service musical du portail que les services de musique illimitée tels que ceux qu’il offre lui-même posent de nombreux problèmes techniques. Sans jamais nommer explicitement les DRM, le responsable produit de Yahoo Music, Mick O., explique que des problèmes peuvent apparaître, en particulier au moment où le baladeur est synchronisé sur le PC.

C’est en effet à ce moment là que les DRM sont renouvelés, chaque mois, pour autoriser la lecture des fichiers MP3 le mois suivant (en France, aucun service ne permet pour le moment de stocker sur son baladeur des fichiers téléchargés par un abonnement illimité). Yahoo a déjà tenté de simplifier le processus en allant chercher lors de chaque synchronisation la licence la plus récente pour chaque fichier. La méthode doit permettre d’éviter qu’une nouvelle demande de licence soit formulée une poignée de jours après avoir transféré un fichier sur le baladeur.

Et Yahoo Music annonce que de nouvelles améliorations sont en cours de développement. Mais n’est-ce pas tout simplement les DRM qu’il faut abandonner, même sur ces services ?

Le raisonnement des maisons de disques pour imposer les DRM sur les formules illimitées est tout à fait respectable de prime abord. Sans DRM, l’internaute qui souscrit à un service de téléchargement illimité pourrait télécharger l’ensemble de la bibliothèque musicale et ne pas poursuivre son abonnement le mois suivant. Puisqu’il n’y a pas de DRM pour empêcher la lecture en cas de non paiement, les dizaines de milliers de morceaux téléchargés resteraient lisibles, pour un coût à peine supérieur à celui d’un seul album. Les producteurs y voient la mort de leur industrie et même eMusic, qui propose de la musique sans DRM, s’est faite une raison. Le site américain propose bien des abonnements, mais avec un nombre limité de téléchargements par mois (qui vient d’ailleurs d’être réajusté à la baisse). L’illimité et l’absence de DRM semblent antinomiques.

Avant l’illimité : quatre albums par an et par foyer

Mais est-ce vraiment inconciliable ? Selon la Direction des études, de la prospective et des statistiques (Deps) du ministère de la Culture, le budget annuel moyen de consommation de musique était de 63 euros en 2001. C’est-à-dire, si l’on simplifie, de moins de 4 albums par an et par foyer au moment où l’industrie du disque était à son apogée en France. Pour que le DRM ne soit plus utile, il faudrait donc que les services soient payés au moins 63 euros par an. Et il s’agit, répétons-le, d’une moyenne.

Considérons le grand amateur de musique. Veut-il chercher à piller toute une discothèque, ou plutôt à obtenir les nouveautés au fur et à mesure qu’elles sortent ? Dans cette dernière hypothèse, le DRM ne sert à rien. Et cet amateur sera d’autant plus enclin à continuer à payer son abonnement qu’il sera enrichi par un contenu éditorial et personnalisé de qualité. A un coût moyen de 15 euros, il paierait 180 euros par an. Considérons maintenant le « petit consommateur » de musique. Va-t-il payer son abonnement chaque mois alors qu’il dépensait déjà sans doute beaucoup moins que 63 euros par an ? C’est cette dernière hypothèse que l’industrie musicale espère voir réalisée pour compenser les pertes dues aux « grands amateurs » qui, hier, dépensaient plusieurs centaines d’euros par an. En retirant le droit de lire de la musique si le client ne continue pas à payer, l’industrie espère voir le budget des petits consommateurs exploser.

Avec les forfaits illimités, tout le monde paye la même chose, le petit comme le plus gros amateur de musique. Et c’est sans doute là que le modèle ne tient pas. Il ne tient que parce qu’il est basé sur un rêve. Celui que les DRM parviennent à emprisonner les petits consommateurs pour qu’ils continuent chaque mois à payer et ainsi, indirectement, à subventionner les plus gros. C’est un pari, et un pari risqué.

La formule d’eMusic est en cela plus réaliste, puisqu’elle s’adapte aux demandes de chacun. Mais tout cela est très bancal. Dans un univers entièrement numérique et dématérialisé, vendre de la musique pour elle-même est un véritable numéro d’équilibriste. Il nous semble que ce sont surtout des services qui pourront être vendus, et non plus la musique en elle-même, surtout si elle devient illimitée. Ce sont ces services là qui restent à inventer. C’est par eux que le modèle économique de l’industrie musicale devrait être bouleversé.

Et avec eux, nul besoin de DRM.

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